Sur la question coloniale, les communistes sont porteurs d’une radicalité qui tranche avec l’attitude modérée qui prévalait au sein du mouvement ouvrier européen. La Section française de l’Internationale communiste (SFIC) fait ses premières armes dans le combat anticolonialiste à partir de 1924 lors de la guerre du Rif au Maroc, qui ouvre une décennie d’intense activité. De multiples campagnes sont menées contre la terreur qui règne en Indochine, pour dénoncer le centenaire de la colonisation de l’Algérie, ou à l’occasion de l’Exposition coloniale internationale de 1931. Le Parti communiste fait également de l’organisation en métropole des travailleurs issus de l’immigration coloniale un combat permanent.
Cependant, le tournant du Front populaire et la priorité accordée au rassemblement des forces démocratiques et antifascistes sur les conceptions anti-impérialistes modifient un temps le discours du PCF.
C’est en 1947, avec les débuts de la Guerre froide et l’éviction des ministres communistes en France, que le PCF renoue clairement avec une vision radicale de la lutte anticolonialiste, en participant activement à la mobilisation contre la guerre d’Indochine (1946-1954).
L’action des communistes contre la guerre d’Algérie (1954-1962) est plus compliquée, dans une société profondément marquée par des décennies de propagande coloniale.
D’autant plus que, cette fois, c’est le contingent qui se bat contre les colonisés. En 1956, la victoire de la gauche et l’espoir d’un « nouveau Front populaire » amènent le PCF à voter les « pouvoirs spéciaux » au gouvernement du socialiste Guy Mollet, suscitant la consternation dans bien des milieux anticolonialistes. Pour autant, le Parti communiste est souvent le seul parmi les grandes formations politiques à dénoncer la répression qui s’abat sur les nationalistes. Tout en axant sa propagande autour du slogan « paix en Algérie », il se positionne aussi progressivement pour le droit à l’indépendance des Algériens.
1925, Archives nationales, programme Parprik@2F.
Le Parti communiste mène campagne à partir de 1924 contre la guerre du Rif au Maroc, qui oppose les insurgés rifains rassemblés derrière Abd-el-Krim aux troupes d’occupation espagnoles puis françaises. En juillet 1925, il fonde avec les Jeunesses communistes, la CGTU et l’ARAC un Comité d’action contre la guerre du Maroc, placé sous la présidence de Maurice Thorez, qui appelle à la fraternisation des soldats avec les insurgés. Outre de nombreux meetings à travers la France, le Comité d’action organise une journée de grève générale le 12 octobre 1925. Bien qu’il n’ait pas obtenu le succès espéré, contrecarré par la répression, cet appel est tout de même suivi par plusieurs centaines de milliers d’ouvriers, constituant ainsi la première initiative anticoloniale à grande échelle du PCF.
Affiche en arabe du Secours rouge international, contre la répression, [1923-1925], Archives nationales, programme Parprik@2F.
Constitué à la fin de l’année 1922, le Secours rouge international (SRI) est chargé par l’Internationale communiste de venir en aide aux militants révolutionnaires victimes de la répression et de la « justice bourgeoise ». Sa section française, fondée l’année suivante, organise la solidarité morale, matérielle, juridique et politique avec les emprisonnés. Elle favorise également l’accueil des réfugiés politiques qui fuient les régimes autoritaires ou dictatoriaux et s’intéresse au sort des peuples colonisés. Le morceau de tissu rouge, agité par les prisonniers à travers les barreaux de la prison, devient l’emblème de cette organisation et de la lutte contre la répression, ici représentée dans sa version coloniale.
1957, Archives du PCF – Archives départementales de la Seine-Saint-Denis (AD 93).
La direction du PCF opère à partir de l’automne 1955 un virage vers la reconnaissance du « fait national algérien », tournant le dos au concept de « nation en formation » avancé par Maurice Thorez pour qualifier l’Algérie depuis le Front populaire. En 1956, le droit à l’indépendance du peuple algérien est désormais intégré dans le discours communiste. Toutefois, par crainte de la censure ou par souci d’élargir la mobilisation dans la population française, c’est le slogan « paix en Algérie » qui s’impose dans le matériel de propagande du PCF. Rares sont les affiches faisant, comme celle-ci, explicitement référence au droit à l’indépendance.
1927, Archives du PCF – AD 93.
La répression engagée contre le Parti communiste et les acteurs de la mobilisation contre la guerre au Maroc est particulièrement lourde. Lors de la grève du 12 octobre 1925, un ouvrier est tué par balles par la police. Plusieurs centaines de militants sont arrêtés et condamnés, et de nombreux cadres et dirigeants communistes seront incarcérés en raison de leur engagement dans cette campagne. Parmi eux, le marin Henri Dumoulin, quartier-maître mécanicien à bord du navire « Courbet », est condamné en conseil de guerre à quatre années de prison et à la dégradation militaire pour cause de mutinerie.
Papillon du Secours rouge international contre le centenaire de la colonisation de l’Algérie, 1930, Archives nationales, programme Parprik@2F.
En dépit de la répression qui s’exerce sur ce territoire, les communistes algériens se prononcent dès 1926 pour l’indépendance. An 1930, le Parti communiste et le SRI organisent une campagne pour dénoncer le centenaire de la colonisation de l’Algérie. À grand renfort de papillons collés sur les murs d’Alger ou de métropole, on y dénonce, en langues française et arabe, la domination coloniale française et l’asservissement des Algériens, représentés ici par cet indigène enchaîné à un poteau que viennent frapper un colon de son fouet, un prêtre de son crucifix et un officier de son sabre.
1954, Archives du PCF – AD 93.
La guerre d’Indochine prend officiellement fin avec la signature des accords de Genève le 20 juillet 1954. C’est l’occasion pour le PCF de faire le bilan – humain et économique – de ce conflit, qu’il a vigoureusement combattu depuis 1947 et l’éviction des ministres communistes du gouvernement. D’une guerre coloniale à l’autre, l’exigence de réponses aux « légitimes aspirations des populations d’Afrique du Nord » annonce le conflit à venir en Algérie.
1955, Archives du PCF – AD 93.
Durant toute la durée du conflit, le slogan « paix en Algérie » et la demande d’ouverture de négociations pour le cessez-le-feu sont continuellement au cœur du discours communiste. Dans une société fortement marquée par des décennies de propagande coloniale, ces mots d’ordre sont jugés plus mobilisateurs et rassembleurs que la revendication du droit à l’indépendance.
1960, Archives du PCF – AD 93.
À partir de 1960 et jusqu’à la fin de la guerre, le droit à l’autodétermination est systématiquement avancé par le PCF. Associé à l’exigence de cessez-le-feu, il est une des conditions pour obtenir la paix en Algérie. Pour y parvenir, le PCF encourage la reprise des pourparlers et des négociations entre le gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la République algérienne.