L’affiche est l’un des supports de propagande politique qui caractérise le XXe siècle. Certes, le « placard » est ancien, mais les techniques renouvelées de l’imprimerie, l’émergence des partis politiques, « l’irruption des masses » renouvellent cet outil de propagande.

Si l’approche esthétique liée à l’art et à son usage reste fondamentale, le XXe siècle apporte aussi des éléments sur la réception des images en lien avec les sciences sociales, avec un ouvrage soviétique qui fait date Le viol des foules par la propagande politique de Serge Tchakhotine publié en 1939. Censuré à sa sortie par le ministère français des Affaires étrangères, détruit en 1940 par les Allemands, ce livre a été réédité au début des années 1950. Il s’agissait de comprendre les mécanismes auxquels obéissent les foules ou si l’on veut les « masses » et surtout les ressorts de la manipulation.

Dans cette optique, l’affiche communiste sur un siècle invite à comprendre les ressorts de l’identité politique du parti, de sa ligne, mais aussi des héritages et ruptures. Née d’une scission de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) au Congrès de Tours de 1920, la jeune Section française de l’Internationale communiste (SFIC) emprunte à l’héritage syndicaliste révolutionnaire, mais aussi aux canons esthétiques de la jeune patrie du socialisme, la Russie des soviets avec le poids de « l’agit-prop » (« agitation-propagande »).

On assiste ainsi à des transferts, des circulations et des ré-emplois, voire des clins d’œil ou ré-emprunts ironiques, à front renversé comme l’affiche du « couteau entre les dents ». Les thèmes et symboles renvoient à une culture politique en construction, puis à une culture propre à l’organisation et à la famille communiste.

Mais au-delà du producteur, l’affiche révèle la place des artistes de Jules Grandjouan, venant du monde libertaire (au cours des années 1920), à André Fougeron, marqué par le réalisme socialiste (après la Seconde Guerre mondiale),

En écho à l’histoire du parti, on assiste à la « nationalisation de l’affiche communiste » au cours des années 1930 avec le moment du Front populaire.

Au-delà de la ligne du PCF, de ses figures imposées, du culte de la personnalité ou de la défense de l’URSS, l’affiche révèle aussi un rapport spécifique à la société, celui des colleurs d’affiches, pratique politique des militants. Au cours de certaines périodes, tenir l’espace mural ou urbain était une véritable bataille politique, hégémonique et symbolique qui pouvait aussi conduire à des rixes, voire à des événements tragiques… Ainsi à Arras, le jeune Marc Lanvin âgé de 18 ans, colleur du PCF est tué par balles le 29 juin 1968 par des équipes des Comités pour la défense de la République …

Enfin, toute affiche placée dans un contexte particulier invite comme un discours à comprendre l’univers et l’horizon communistes : une culture politique qui emprunte au référentiel communiste international, mais aussi à l’imaginaire et aux représentations de la société française d’une République émancipatrice. Tel est le voyage proposé par cette exposition virtuelle en onze thématiques.

La plupart des affiches reproduites dans cette exposition numérique sont issues du fonds d’archives du Parti communiste français déposé aux archives départementales de la Seine-Saint-Denis qui, depuis de nombreuses années, procèdent à leur conservation, leur numérisation et leur mise en valeur. Les autres affiches de cette exposition proviennent du fonds des Archives nationales. Nous remercions vivement le PCF, les archives départementales de la Seine-Saint-Denis et les Archives nationales de nous avoir permis de réaliser ce travail.

Indications bibliographiques

Affiches et imageries russes, Catalogue exposition, BDIC, 1982.

Victoria E. Bonnell, Iconography of Power. Soviet Political Posters under Lenin and Stalin, University of California Press, Berkeley, 1997.

Philippe Buton, Laurent Gervereau, Le couteau entre les dents : 70 ans d’affiches communistes et anticommunistes, Paris, éd. Du Chêne, 1991.

Fabrice D’Almeida, Images et propagande, Castermann/Giunti, 1995.

Régis Debray, Vie et mort de l’image, Paris, Gallimard (Folio Essais), 1992.

Romain Ducoulombier, Vive les soviets ! Un siècle d’affiches communistes, Paris, Éditions Les Échappés, 2012.

Romain Ducoulombier, « L’affiche communiste en France au XXe siècle : un média majeur de masse », Paprik@2F, avril 2015.

Fabienne Dumont, Marie-Hélène Jouzeau., Joël Moris J., Jules Grandjouan. Créateur de l’affiche politique illustrée en France, Paris, Somogy, 2001.

Laurent Gervereau, Voir, comprendre, analyser les images, Paris, La Découverte, 1994.

Laurent Gervereau, Terroriser, manipuler, convaincre ! Histoire mondiale de l’affiche politique, Paris, Somogy éditions d’art, 1996.

Laurent Gervereau, Les images qui mentent : histoire du visuel au XX° siècle, Paris, Le Seuil, 2000.

Laurent Gervereau, Un siècle de manipulation de l’image, Paris, Somogy, 2000.

Patrick Mougenet, Un siècle de propagande par l’image, le XX° siècle, Paris, Eduscope, 2000.

Guillaume Roubaud-Quashie et Corentin Lahu (dir.), 100 ans d’histoire de France et du PCF sur les murs. Les communistes s’affichent, Paris, Helvetius, 2020 [Catalogue de l’exposition de la Fondation Gabriel Péri organisée à l’occasion du centenaire du Congrès de Tours].

Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, 1952.

Taline Ter Minassian, « L’avenir dans les affiches soviétiques, 1917-1921 », Matériaux pour l ’histoire de notre temps, 1990, n°21, p. 56-61.