L’histoire est un élément classique d’identification et de légitimation. Dans la tradition du mouvement ouvrier français, le PCF a ainsi accordé une extrême importance au travail de mémoire, entremêlant de façon variable celle de la tradition révolutionnaire et celle du monde ouvrier. La référence aux grands événements fondateurs constitue en ce sens une constante, néanmoins maintes fois infléchie au gré des circonstances.
1930, Archives nationales, programme Parprik@2F.
Jusqu’en 1934, le regard sur la Révolution française est ambigu. Pas question, pour les nouveaux communistes, de se laisser aller aux formules de Clemenceau sur la révolution comme un « bloc ». La révolution des « ouvriers » de 1789-1794, identifiés aux sans-culottes, n’a rien à voir avec la révolution des bourgeois, fussent-ils jacobins. En 1930, dans la municipalité communiste de Waziers (Nord), la commémoration du 14 juillet se refuse aux « orgies chauvines » et veut être un moment du grand combat « classe contre classe » qui est alors celui de l’Internationale communiste. Le rouge de l’affiche entend alors se substituer au tricolore…
1945, Archives départementales de la Seine-Saint-Denis (AD 93).
Dans cette affiche de 1945 à laquelle a collaboré Georges Rival, la Marseillaise est incarnée par la Marianne guerrière qui conjugue patriotisme et «bras vengeurs». C’est le chant des martyrs communistes devant les pelotons d’exécution nazis. Le souvenir révolutionnaire, la lutte armée contre l’Occupant et le choix communiste du tricolore sont là pour légitimer héroïquement le «parti des 75 000 fusillés».
Début des années 1950, Ville de Paris / BHVP
Au début des années 1950, le glissement à droite de la vie politique française se traduit par une pression accrue des partisans des écoles « libres » (lois Marie et Barangé de 1951). Le PCF fait donc du soutien au mouvement laïque une pièce de son combat contre la « Troisième force ». Cette affiche, peut-être diffusée pour les élections de juin 1951, reprend le Panthéon de la gauche ouvrière, de Robespierre à Jaurès. Elle y ajoute Condorcet, Gambetta et même Ferry, qui n’est pas ici le représentant des républicains « opportunistes », mais l’homme des grandes lois laïques de la IIIe République.
1962, Archives du PCF – AD 93.
La Marianne de 1962 n’est plus la guerrière de l’Arc de Triomphe. C’est une allégorie stylisée à l’extrême, pacifique, mais déterminée. Plus que le symbole révolutionnaire, c’est la fibre républicaine qui est ici convoquée. La République prolongée dans l’union de ses défenseurs fera tomber à la fois la muraille du « pouvoir personnel » et celle du terrorisme de l’OAS. L’union de la gauche autour d’un programme commun est en train de prendre son envol.
1968, Archives du PCF – AD 93.
Le 14 juillet 1968, le PCF estime qu’il est menacé à la fois sur sa droite et sur sa gauche. Le retour au vocabulaire de 1934-1936 – « les plis mêlés du drapeau rouge et du drapeau tricolore » – rappelle à la droite que le PCF est un parti national et aux « gauchistes » que le choix national n’implique pas l’abandon du drapeau rouge et de la faucille et du marteau. Pas d’image dans cette affiche : la couleur et le texte suffisent à incarner le message politique.
1989, Archives du PCF – AD 93.
En 1989, le PCF commémore activement le bicentenaire de la Révolution. L’affiche appelant à un grand rassemblement, sur l’esplanade de Vincennes, choisit là encore la sobriété. La Marianne a laissé la place au sans-culotte de Louis Léopold Boilly (1792). C’est l’homme du peuple tranquille, la pipe à la bouche, qui porte la Révolution au-delà de ses limites bourgeoises de 1789. C’est de cette synthèse du sans-culotte et du Jacobin que le PCF se réclame, dans la continuité du choix fait en 1934-1936.
1957, Archives du PCF-AD 93.
Le PCF a repris la tradition socialiste d’exaltation de la grande révolte des vignerons du Midi. En 1957, le cinquantenaire de l’événement est l’occasion de valoriser à la fois le sens de la révolte et le combat pour la paix, qui reste le grand thème mobilisateur du mouvement communiste mondial. Dans un graphisme de Daniel Billon, volontairement emprunté à la bande dessinée, l’affiche met en exergue les deux personnages du vigneron et du «brave pioupiou du 17e», rassemblés par la crosse en l’air et portés par la foule qui manifeste.
1923, Archives du PCF – AD 93.
Cette affiche compare la Commune de Paris de 1871 et la révolution bolchevique de 1917. Les affiches des années 1920 gardent l’esthétique de la gravure et du texte calligraphié. Le socialisme de la Seconde Internationale était partagé devant le souvenir d’une Commune qu’il faut valoriser (c’est «le Temps des Cerises») et dont il faut éviter à tout prix la fin sanglante. Pour les nouveaux communistes français, au contraire, la continuité est parfaite: c’est par le fusil que s’accomplit la victoire révolutionnaire. Pour éviter l’échec tragique, il faut simplement ajouter à l’esprit révolutionnaire la direction du parti d’avant-garde…
1952, Archives du PCF – AD 93.
En 1952, la tonalité a changé. Au cœur de la guerre froide, celui que l’on désigne comme le « parti de Moscou » doit montrer son ancrage national. Le fusil chargé et le drapeau rouge lacéré par la mitraille rappellent certes que la révolution entraînera la riposte brutale de la classe dirigeante. Mais le combat qui s’ensuivra n’est pas calqué sur l’exemple russe : il s’inscrit dans la tradition française du peuple sans-culotte. Le style est épuré, la symbolique remplace les acteurs et la discrète trichromie du bleu, de blanc et du rouge suggère que le tricolore n’est pas si loin. En bref, la Commune n’est pas en 1952 l’anticipation de l’Octobre russe, mais la suite de 1792-1793.
1966, Archives du PCF – AD 93.
En 1966, la manifestation reste l’apanage de la « galaxie » communiste. L’objectif stratégique est désormais l’union de la gauche autour d’un programme commun. Significativement, l’image retenue pour appeler à se rassembler au Mur n’est pas tournée vers la Semaine sanglante, mais renvoie à la proclamation de la Commune, le 28 mars 1971. C’est le peuple des citoyens en liesse fêtant la victoire démocratique qui est mis en avant, même si la dominante des fédérés en armes est là pour rappeler que la vigilance sera toujours nécessaire, face à la violence possible de la réaction.