Le PCF inscrit son action dans le large mouvement de la politisation du peuple ou de «l’irruption des masses». Dans ce cadre, même s’il combat la «République bourgeoise» et promeut la «République des soviets», il participe au moment crucial de la vie démocratique que constituent les élections. Ainsi, de nombreuses affiches pour les différentes campagnes électorales (municipales, départementales, législatives, sénatoriales, présidentielles et régionales, sans oublier les référendums) constituent un corpus important soulignant avec force et conviction «l’acculturation républicaine» (pour reprendre la belle formule de Maurice Agulhon) du PCF.
Même s’il défend l’élargissement de la démocratie, une vision émancipatrice de la République, où la démocratie sociale enrichit la démocratie libérale, il accepte ce cadre institutionnel.
L’élargissement de la citoyenneté aux femmes, puis aux immigrés ou étrangers vivant en France, participe de l’égalité des droits et de sa difficile mise en œuvre ; ce qui invite à renouer avec la matrice de la Révolution française et la difficulté de conjuguer liberté et égalité au sein du modèle républicain.
Au cours de ces 100 ans, on peut ainsi comprendre comment le PCF défend une République sociale chevillée au corps, mais aussi les libertés démocratiques lorsqu’elles sont bafouées ou étouffées. Parfois avec certaines exagérations, lorsque le gaullisme est associé à un fascisme, mais les conditions du retour au pouvoir du général de Gaulle à la faveur d’un coup de force militaire ont nourri cette thèse dans un espace politique dépassant la seule famille communiste.
[1922], Archives du PCF – Archives départementales de la Seine-Saint-Denis (AD 93).
Affiche texte par excellence, l’affiche présentée ici insiste sur un point essentiel de la culture politique issue de la Révolution française et de la République, celui du compte-rendu de mandat. Cette manière d’agir dans le cadre de la jeune Section française de l’internationale communiste (SFIC) renvoie à la régénération du socialisme et surtout à la dénonciation du parlementarisme bourgeois critiqué avec force et vigueur au moment du Congrès de Tours. Ainsi les élus communistes, exemplaires, doivent rendre compte de leur mandat.
1925, Archives nationales, programme Parprik@2F.
Cette affiche texte, programmatique est réalisée en vue des élections municipales de 1925 avec la collaboration de Jules Grandjouan. La jeune Section française de l’internationale communiste (SFIC) qui défend les listes du Bloc ouvrier-paysan (BOP) s’oppose au Bloc des gauches (Parti socialiste, Parti radical, socialistes indépendants, etc.) et au Bloc national. La terminologie de bloc renvoie à l’appellation des alliances électorales, mais ici il renvoie aussi au front unique prôné par l’Internationale communiste. Notons également, une certaine ironie qui caractérise l’œuvre de Grandjouan.
1959, Archives du PCF – AD 93.
Après la surprise du gaullisme et du revers de 1958, le PCF défend la cellule de base de la République, la municipalité. Il essaie, selon l’expression du moment, de « sortir du ghetto » en cherchant des alliés contre le pouvoir personnel. Les élections municipales de mars 1959 tempèrent la déception de l’automne précédent. Pour cette campagne électorale la figure de Marianne est reprise tout comme le bâtiment des mairies, les maisons communes, socle du modèle républicain. L’idée de citadelle renvoie à la culture de défense de la République face à l’’UNR – le parti gaulliste – qui pensait terrasser le PCF, notamment en région parisienne. Il échoue : le PC maintient ses bastions et gagne quelques villes, portant à 31 le nombre de cités rouges en Seine-banlieue. Par rapport aux élections précédentes, il progresse dans 14 des plus grandes villes, dont Paris. Il est à la tête de 1 064 municipalités et recense 20 470 conseillers municipaux. Le grand retour du clivage droite-gauche et les premières mesures de rigueur du plan Pinay-Rueff à l’origine de la naissance au nouveau franc ont changé la donne.
1962, Archives du PCF – AD 93.
Aux élections législatives de novembre 1962 qui voient le triomphe du parti gaulliste, le PCF fait une campagne virulente et ciblée contre le pouvoir personnel et définit clairement son idéal républicain : la figure de Marianne est reprise par l’ensemble des candidats du parti communiste. Ces derniers bénéficient du fait qu’il a été le seul parti continûment en opposition avec de Gaulle, alors que la SFIO paie le prix d’un ralliement qui ne lui a rien rapporté. Le PCF gagne 3 % et frôle les 22 %. Il efface le revers de 1958 et se met dans la perspective de l’union de toute la gauche autour d’un programme commun de réformes démocratiques. La ligne du rassemblement est engagée et aboutira au soutien à F. Mitterrand en 1965, puis au programme commun de gouvernement.
1986, Archives du PCF – AD 93.
Face à la refonte de la carte électorale par le ministre de l’Intérieur (redécoupage des circonscriptions), le PCF en collaboration avec Siegfried Salvi reprend le photomontage hérité de John Heartfield. Ce 11e redécoupage des circonscriptions électorales fait que seules 10,3% des circonscriptions de 1978 sont conservées. Alors en période de cohabitation, le Président de la République annonce refuser de signer l’ordonnance du redécoupage. Le gouvernement transforme alors son texte en un projet de loi, voté le 10 octobre sans débat (utilisation du 49-3 de la Constitution). Une telle pratique est dénoncée avec force et permet de comprendre les suspicions de « bidouillage », car le mode de scrutin fait l’élection.
1979, Archives du PCF – AD 93.
À la fin des années Giscard d’Estaing, le PCF, comme les autres formations de gauche, demande un « statut démocratique de l’immigration pour l’égalité des droits ». Il s’agit de dépasser le cadre législatif et la politique menée depuis la crise visant l’arrêt des flux inscrit dans la circulaire du 3 juillet 1974 et du « regroupement familial ». Dans ce moment, Jacques Chirac déclarait à l’émission L’Événement de TF1: « Un pays dans lequel il y a près d’un million de chômeurs, mais où il y a deux millions d’immigrés, n’est pas un pays dans lequel le problème de l’emploi est insoluble » (19 février 1976). Dès lors, la « politique du retour » pour lutter contre le chômage avec le «million Stoléru» tente de faire de l’immigration un problème. Il s’agit alors de contrer cette vision qui nourrit aussi des exactions racistes sous formes de ratonades et de défendre les cités populaires.
2018, Archives du PCF – AD 93.
Cette affiche de Cati Leclère reprend la figure du monarque républicain pour dénoncer le pouvoir personnel contesté, depuis 1965, par le PCF. Elle propose une critique sévère de la nouvelle présidence de la République qui fonde son discours sur une volonté de rupture politique en se plaçant au-dessus des partis et des clivages gauche/droite, mais qui, dans les faits, aune pratique verticale de l’exercice du pouvoir et néglige, pour ne pas dire méprise, les corps intermédiaires. Il s’agit non seulement d’un clin d’œil historique, mais surtout, de souligner la logique institutionnelle de la Présidentialisation du régime républicain glorifiant les «premiers de cordée» et négligeant les «premiers de corvée».