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Présentation du séminaire

Séminaire (janvier 2014 – mars 2017)

En partenariat avec le Groupe de recherches sur la démocratisation scolaire (GRDS).

Sous l’influence des travaux de l’OCDE, l’exigence d’une réorientation des enseignements scolaires vers la formation de compétences et de savoirs génériques a été portée par la loi Fillon de 2005. Présentée comme la condition nécessaire de l’adaptabilité, de l’efficience et de l’ouverture sociale et culturelle des esprits, cette exigence est réaffirmée par la loi Peillon.

L’annonce ministérielle de la nécessité de revisiter tous les programmes scolaires et l’instauration à cet effet du CSP (Conseil Supérieur des Programmes) offrent une chance précieuse d’interroger la pertinence de cette orientation, et d’impulser un processus réellement novateur d’élaboration et de conception des contenus à enseigner.

Le Groupe de recherches sur la démocratisation scolaire (GRDS) avait déjà amorcé pour sa part un travail sur les programmes d’enseignement visant à permettre l’ouverture du débat public le plus large sur ce que devraient être les missions d’une école démocratique (voir GRDS, L’école commune. Propositions pour une refondation du système éducatif, La Dispute, 2012). Ce séminaire s’inscrit dans cette perspective et doit donner un nouvel élan à l’entreprise.

Une note du GRDS proposant une synthèse de ce séminaire a été publiée par la Fondation Gabriel Péri : Le système scolaire en France. Enjeux et perspectives 2018: les défis de l’égalité (janv. 2018, 68 pages).

1. L’enseignement de l’histoire : programmes et enjeux

Séance inaugurale avec Laurence de Cock (9 janvier 2014)

Les polémiques politiciennes qui se développent régulièrement à propos de l’enseignement de l’Histoire sont la preuve de l’intérêt du public, et surtout de la fonction sociale de cet enseignement. Vecteur de propagande, d’endoctrinement des élèves et otage d’idéologies dominantes pour les uns ; apprentissage de valeurs progressistes, voire révolutionnaires s’inscrivant dans la perspective du progrès des sociétés pour les autres, dans les deux cas, les finalités proprement intellectuelles et culturelles de cette discipline sont mises à l’arrière plan, et ses contenus sont considérés comme devant répondre à des choix politiques du moment.
Au moment où le projecteur est mis sur la nécessité de revisiter tous les programmes scolaires sous l’angle des consignes données par la loi Peillon au CSP, un rapide panorama des inflexions subies par cet enseignement tout au long de son histoire permettra d’explorer quelques pistes de réflexion sur son actualité et la place qu’elle pourrait tenir dans le cadre d’une école véritablement commune à tous les élèves.

Laurence de Cock, professeure d’Histoire.

2. Les sciences économiques et sociales

Séance avec Élisabeth Chatel et Gérard Grosse (6 février 2014)

La discipline « Sciences économiques et sociales » est créée en même temps que la filière B des lycées (devenue E.S. en 1993), à l’occasion de la réforme Fouchet de 1966. Cette discipline d’enseignement général devait viser, selon ses initiateurs, une compréhension critique du monde contemporain dans ses dimensions économiques et sociales.
Sa mise en œuvre progressive s’est heurtée à des contestations régulières : « querelles de territoires » avec d’autres disciplines scolaires, critiques par une partie des économistes universitaires de ses contenus et de ses objectifs, plus récemment attaques d’une partie du patronat contre l’image négative du marché et des entreprises qu’offriraient ses programmes.

Ces derniers ont connu des évolutions complexes. Organisés au départ autour d’objets-problème dans une optique d’initiation aux faits économiques et sociaux, le poids de la formation aux disciplines de référence (économie et sociologie principalement) s’est accru, les programmes issus de la dernière réforme des lycées poussant très loin cette perspective « propédeutique ».
Contours de la discipline, modèle didactique et plus généralement objectifs de formation (favoriser l’esprit d’entreprise/construire des savoirs critiques sur les phénomènes économiques et sociaux) restent des enjeux dans et hors la discipline. Une question qui reste largement à explorer est celle de la contribution de la discipline S.E.S. (contenus, méthodes d’enseignement) à la démocratisation scolaire.

Élisabeth Chatel, enseignant-chercheur
Gérard Grosse, professeur.

3. L’enseignement de la technologie

Séance avec Isabelle Harlé et Yves Lequin, enseignants-chercheurs (12 mars 2014)

La technologie fut inventée au 18e siècle dans des universités allemandes, afin de former les futurs princes, gouvernants et haut-fonctionnaires des nombreux États germaniques. On leur apprenait tout ce qui était nécessaire pour favoriser l’essor industriel (droit, économie, gestion, techniques de base, organisation du travail, valeur des capitaux…). Elle gagna d’autres universités, surtout nordiques…mais sa progression à l’Ouest ne dépassa pas Strasbourg.

Aristocratique et méprisant la production, la France resta généralement hostile à la technologie. Aux quelques tentatives de la période révolutionnaire, s’opposèrent la plupart des savants (alors très influents), persuadés (et persuadant) que les techniques ne sont que des applications des sciences. Quelques essais encore en 1816-1819 (Cuvier) et on en reste là. Marx eut beau dire, et écrire qu’il faudrait « introduire la technologie dans les écoles du peuple » (le Capital, 1867)…cela ne se fit pas. Et quand cela se fit, un siècle plus tard (dans les collèges, en 1962), ce fut pour instaurer une technologie dégradée, destinée à de futurs exécutants (d’abord les élèves en difficultés), et non une technologie ouvrant à une compréhension complète du processus technique.

Le regard historique permet de mettre en évidence le statut incertain de la technologie en collège et donc de la légitimité d’une culture technique transmise à l’ensemble d’une classe d’âge. Les évolutions récentes et en particulier l’introduction de la démarche d’investigation bouleversent une nouvelle fois les identités disciplinaires. Par ailleurs les démarches expérimentales peuvent laisser craindre une sélection sociale en cantonnant à la manipulation les élèves les plus en butes à l’abstraction et à la forme scolaire classique.

Ne conviendrait-il pas, demain, de former tous les enfants et adolescents à une citoyenneté élargie qui les prépare à l’exercice d’une citoyenneté technique ?

Isabelle Harlé et Yves Lequin, enseignants-chercheurs.

4. L’enseignement du français

Séance avec Agnès Joste, et Philippe Le Quéré (3 avril 2014)

L’histoire des programmes de français montre que cette discipline n’a pas fini de trouver sa légitimité – qu’elle est constamment mise en demeure de prouver. Si sa fonction linguistique d’apprentissage élémentaire n’a jamais été contestée à l’école primaire, on voit qu’il est impossible de faire un historique des programmes récents, par exemple depuis 1950, sans être contraint, pour comprendre son enracinement, de remonter aux origines de l’instauration conflictuelle du français dans le secondaire dans les années 1880, et de sa greffe douloureuse dans un paysage scolaire dominé par le latin.

La suite de son histoire est celle de sa difficile extraction d’un ensemble de systèmes, de dogmatismes et de doctrines, dans une école de plus en plus unifiée : d’une rhétorique de l’imitation à l’instauration positiviste de l’histoire littéraire, d’une culture de l’admiration à la formation d’un jugement personnel et éclairé, d’une lecture naïve des intentions de l’auteur à la remise en cause du sens profond des textes, l’enseignement de la littérature n’a jamais cessé de chercher son chemin, ses méthodes, ses finalités, ses œuvres.

Cette recherche didactique s’est alourdie au passage de tâches parasites assignées tour à tour au français, de la formation morale à la tolérance du bon citoyen. Et n’a jamais été sereine : accusé depuis les années 1960 d’aggraver les inégalités en renforçant le pouvoir des dominants, et de nuire ainsi à la démocratisation de l’école, le français est politiquement remis en cause. Parallèlement, un courant général de puérocentrisme a imputé à l’école ennui et désadaptation, au français un apprentissage méthodique de la langue trop fastidieux. Sans que ces doxas soient jamais interrogées, les horaires consacrés à l’enseignement du français ont été réduits au point de faire perdre aux élèves, en primaire et au collège, l’équivalent de plus de deux années scolaires.

Quant aux méthodes de la littérature, elles sont passées de l’impressionnisme le plus gratuit à la technique la plus desséchée – supposée plus objective et démocratique. De récents aménagements de programmes ont redonné un peu de place au sens, mais force est de constater que le français n’a jamais trouvé ni sa définition ni sa vitesse de croisière. Or la maîtrise des ressources de la langue et la connaissance des œuvres, ainsi que l’analyse précise et fine des textes, sont des moyens inépuisables d’intéresser, former, ouvrir, libérer des générations d’élèves. Comment l’enseignement du français peut-il se réconcilier avec eux ?

Agnès Joste, et Philippe Le Quéré, professeurs.

5. La philosophie

Séance avec Hervé Boillot (22 mai 2014)

Nous nous demanderons ce que pourrait être un enseignement de philosophie comme élément d’une culture commune dans un lycée démocratique. Pour cela, nous proposons une mise en perspective historique, dans laquelle nous verrons que cet enseignement a, pour l’essentiel, conservé les caractéristiques institutionnelles et pédagogiques qui étaient les siennes lorsqu’il venait « couronner » un enseignement dédié aux humanités classiques à l’adresse du public d’un enseignement secondaire très sélectif. Nous examinerons ces caractéristiques, auxquelles des professeurs de philosophie sont restés largement attachés.

Si l’on remonte jusqu’en 1945, on peut s’apercevoir que certains membres de la profession – sans même parler d’autres acteurs, comme les autorités politiques et administratives – ont régulièrement porté des projets de réforme de cet enseignement dans le but de le moderniser et de l’adapter à une institution secondaire démocratique. Ils n’ont jamais abouti, du fait de l’opposition des autorités professionnelles, le plus souvent soutenues par l’Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public, association professionnelle historique et longtemps la seule représentative. Pourtant, une réflexion contemporaine sur la démocratisation scolaire, et sur la manière dont elle peut passer par et dans l’enseignement de philosophie, doit pouvoir s’appuyer sur la connaissance de ces projets et débats passés, que l’on évoquera dans notre communication.

Hervé Boillot, professeur.

6. Les mathématiques

Séance avec Renaud Denfer et Hélène Gispert (25 septembre 2014)

Au regard de l’histoire de la société française et de son école, la préoccupation  d’une culture commune est relativement récente. C’est à partir des réformes scolaires  des années 1960, avec l’avènement de la démocratisation de l’accès, pour tous, au second degré, que la question d’un enseignement commun de mathématiques à toute une classe d’âge, d’une culture mathématique commune, va se poser dans la conception des programmes.

Notre exposé sera structuré en deux parties. Dans un premier temps,  nous reviendrons sur le long terme et verrons comment, sur tout le 19e siècle et jusqu’à l’après seconde guerre mondiale,  l’école duale a vécu sur le mode : à chaque ordre sa culture, à chaque ordre ses mathématiques.

Dans une seconde partie nous traiterons du temps de la démocratisation de l’accès à l’enseignement du second degré, la période 1945-1985, d’une part pour le primaire élémentaire et d’autre part « l’école moyenne » correspondant à la tranche d’âge 12-15 ans. Ce qui se joue alors en terme de nature des contenus, des méthodes et des finalités de l’enseignement mathématique, est profondément influencé par le mouvement en faveur des « mathématiques modernes », qui se développe dans les années 1950-1960 et se propose de faire faire réellement à tous les élèves de vraies mathématiques, c’est-à-dire découvrir, à l’instar du mathématicien, les concepts fondamentaux des mathématiques modernes.  Nous examinerons les positions des partisans  de cette réforme des mathématiques modernes, mise en place à partir de la fin des années 1960, et ce qu’elles impliquaient en termes de culture commune, de même que celles de leurs opposants et celles du ministère sur cette période.

Renaud Denfer et Hélène Gispert, professeurs.

7. L'Éducation physique et sportive

Séance avec Anne Roger (16 octobre 2014)

Objectif de cette intervention : Comprendre la genèse d’une discipline scolaire à part entière mais entièrement à part aujourd’hui appelée « Éducation Physique et Sportive » (EPS). Nous privilégierons l’histoire des textes en sachant évidemment que l’histoire de l’EP renvoie inévitablement à des pratiques ne reflétant pas toujours les textes.

L’intégration de l’EP dans les programmes scolaires ne va pas de soi…

Elle est concomitante à l’instauration de l’école Républicaine, c’est à dire la deuxième moitié du 19ème siècle. Bien que l’on puisse identifier des initiatives au préalable et qu’il faille plusieurs dizaines d’années pour assister à une généralisation de son enseignement sur tout le territoire et une unification de ses contenus. Ainsi, il n’y a pas une date mais des étapes d’intégration, des stades que nous isolerons sous forme de quatre périodes aux bornes qui peuvent rester en discussion : 1870-1914 ; 1918-1959 ; 1959-1981 ; et 1981 à nos jours. Elles visent essentiellement à faciliter l’exposé.

L’école, l’institution d’accueil, fixe ses règles, ses codes et l’EP devra s’y conformer, s’y adapter – c’est ce que Pierre Arnaud, un des premiers historiens de la discipline, nomme le processus « d’orthodoxie scolaire » ou « d’homomorphisme scolaire » – tout en gérant les tensions, les débats propres à son champ. Les acteur-trice-s défendant une conviction particulière sur l’EP sont nombreux. Des concurrences, des luttes de pouvoir existent autour d’enjeux particuliers (souvent politiques et idéologiques, parfois personnels) : que vise-t-on pour l’élève ? pour la société ? S’agit-il de contribuer à la santé dont la définition varie par ailleurs tout au long de la période ? S’agit-il de transmettre une culture sportive aux élèves, une autre forme de culture ? S’agit-il de contribuer à la réussite scolaire des élèves ?

L’institution scolaire, dont dépend l’EP, fait donc des choix, qu’elle diffuse ensuite par l’intermédiaire de textes officiels, de programmes. L’EP est ainsi prescrite par des textes, produits par le législateur avant d’être une pratique organisée par des enseignant-e-s. Il y a un discours OFFICIEL qui opère des choix, qui sélectionne et transforme les pratiques sociales pour qu’elles deviennent « acceptables » dans le cadre de l’école, pour que les savoirs enseignés soient jugés utiles à la société. Nous tenterons de comprendre ces choix et de les éclairer.

Anne Roger, maître de conférences à l’Université Claude-Bernard Lyon 1.

8. L’information-documentation : l’émergence d’une nouvelle discipline scolaire ?

Séance avec Jean-Louis Charbonnier (4 décembre 2014)

Les transformations que les sociétés ont connu dans le domaine de la communication n’ont pas manqué d’affecter l’école et de poser, de manière toujours renouvelée la question de savoir comment l’école doit s’en accommoder, s’en emparer ou encore s’en défendre. Les différentes tendances de l’« éducation nouvelle », s’attachant à rénover l’enseignement en le rendant plus proche de la vie, moins scolastique, ont porté leur effort d’investigation vers l’utilisation des moyens de la communication sociale dans les méthodes pédagogiques : journal scolaire, ressources documentaires externes, enquêtes, recherches dans des ressources variées situées dans des environnements plus ou moins distants, etc.

La rénovation pédagogique, comme ambition portée par quelques mouvements pédagogiques, s’est aussi trouvée reprise, avec plus ou moins de conviction, par des pouvoirs publics en recherche de réponses à divers besoins : élever la qualification, démocratiser l’enseignement, rapprocher l’école de la vie. C’est dans ce contexte que s’est constituée l’expérience originale des Centres de documentation et d’information (CDI) des collèges et lycées français.

Dès la décennie 70, avec la mise en œuvre du « Collège unique » de la loi Haby, la question de la maîtrise des moyens d’information par les élèves est posée dans l’espace même du CDI : c’est là que les élèves, quelles que soient leurs performances de lecteurs, quel que soit leur « capital culturel » révèlent leur grande disparité dans ces pratiques sociales de l’accès à l’information, une des conditions de l’accès aux savoirs.

À cette question posée, les personnels en charge des CDI, des enseignants, se préoccupent des réponses appropriées qu’il importe de trouver pour permettre à ce fossé de se combler. Ce sera, dans un premier temps, par des formations méthodologiques à l’utilisation des ressources documentaires, que l’offre de formation s’exprimera. Cette approche méthodologique décevra beaucoup car elle s’enferme dans une conception béhavioriste des compétences et fait l’impasse sur ce qui permet à l’élève d’accéder à la compréhension, à l’intelligence, des processus d’information qu’il doit mettre en œuvre pour apprendre.

Dans la mesure où, durant la même période, les moyens de la communication se sont considérablement transformés, et complexifiés, avec le perfectionnement des outils informatiques, faisant même passer le régime de la pénurie d’information à celui de son excès, les enseignants, devenus entre-temps professeurs certifiés de documentation, ont dû s’engager dans une entreprise de didactisation des objets et des notions impliqués dans ces pratiques afin de construire ce qu’ils appellent de leurs vœux  : un « curriculum info-documentaire ».

Ce cheminement ne s’est pas accompli spontanément par une sorte de chemin de Damas que les acteurs auraient trouvé dans l’action. Il est le résultat d’un travail, d’une réflexion, et de débats, entrepris à la fois, et concurremment, par l’association de spécialistes (la Fadben) et le Snes avec ses militants. Il s’agit donc bien de l’émergence d’une démarche de démocratisation scolaire, construction sociale de la profession dans ses différences organisationnelles, dans ses différences de tradition, mais aussi dans une certaine opposition à l’institution politique qui s’est crue contrainte de faire contre-feu à certaines évolutions voulues par les promoteurs militants issus des organisations représentant la profession.

Jean-Louis Charbonnier, documentaliste, militant syndical.

9. La Géographie

Séance avec Pascal Clerc (22 janvier 2015)

Depuis que des programmes scolaires définissent des contenus à transmettre, c’est-à-dire depuis le début du XIXe siècle, la géographie est enseignée en France. Elle est associée à l’histoire, et pour des raisons à la fois pédagogiques, épistémologiques et culturelles, en situation de dépendance vis-à-vis de celle-ci ; la géographie est une discipline modeste.

Traditionnellement, la géographie scolaire est une nomenclature et un ensemble de savoirs factuels qu’il s’agit de mémoriser. Ces connaissances dessinent un tableau du monde et constituent un paradigme scolaire qui structure la discipline sur la longue durée : chaque année ou presque, les élèves doivent apprendre des « morceaux du monde », fragments étatiques ou continentaux ordonnés autour de la France qui, du primaire à la fin du lycée, venait couronner chaque partie du cursus.

Il est possible de parler au passé car, depuis une vingtaine d’années, une rupture majeure se développe et aujourd’hui la plupart des programmes sont organisés en fonction de thématiques, du développement durable à la mondialisation. La géographie scolaire change parce que la science géographique change ; elle devient plus ambitieuse pour tenter de répondre aux grandes questions du monde contemporain.

Pascal Clerc, Maître de conférences à l’IUFM de Lyon.

10. Les enseignements artistiques

Séance avec Pierre Sauve (12 février 2015)

Lorsque les Arts Plastiques qui s’appelaient alors « dessin » ont été introduits dans l’instruction publique à l’époque napoléonienne, c’était en réponse à une nécessité économique, celle des manufactures qui produisaient des objets nouveaux. Mais curieusement son inscription s’est faite au sein des arts d’agrément au même titre que la danse. Cette discipline a de ce fait un fondement original, celui de l’ambivalence entre finalité culturelle et finalité professionnelle qui la marquera longtemps.

Les évolutions au XXème siècle, avec notamment la création d’un ministère de la Culture, ont mis en avant de différentes manières l’argument d’expression côtoyant et s’affrontant à l’argument scientifique jusqu’aux années 70. Les années post 68 après l’effervescence du « tout créatif » voient la naissance d’une didactique de la discipline. Aujourd’hui « Histoire des Arts » et « parcours culturels » introduisent de profonds changements dans l’enseignement des Arts Plastiques. Cet exposé tentera d’en dégager les enjeux.

Pierre Sauve, Professeur d’IUFM honoraire.

11. L'enseignement des techniques et de la technologie

Séance avec Yves Lequin (12 mars 2015)

La notion de démocratie technique est à la fois évidente et surprenante. La technique paraissant de nos jours comme un prolongement naturel de la science, pourquoi les citoyens auraient-ils à en décider ? Et pourtant, comment imaginer que des systèmes techniques qui régentent notre travail et nos vies, pourraient échapper à la délibération de l’opinion et au pouvoir de décision des citoyens ? Pas seulement consulter, mais aussi concevoir l’exercice d’une souveraineté des citoyens dans les processus techniques. Cet objectif implique de se demander quel enseignement des techniques et de la technologie l’école de demain devrait-elle assurer ?

Yves Lequin, enseignant-chercheur à l’UTBM, qui a co-dirigé l’ouvrage Éléments de démocratie technique (UTBM,  2015, 284 pages).

12. Disciplines scolaires et disciplines savantes, l’exemple des sciences économiques et sociales. Enjeux pour la formation des maîtres et des élèves.

Séance avec Alain Beitone (16 avril 2015)

À la rentrée 2014, le syndicat majoritaire des chefs d’établissement (SNPDEN-UNSA) publie un communiqué qui a de nombreux échos dans la presse : les jurys des concours de recrutement auraient des « exigences disciplinaires inutiles ».
La remise en cause des disciplines s’amplifie : de l’OCDE aux déclarations d’Alain Boissinot, ce sont à la fois les disciplines savantes qui sont mises en causes (on leur accorderait une place trop importante au détriment de la « professionnalisation » des enseignants et de la formation) et les disciplines scolaires. Les injonctions à la pluri, trans ou interdisciplinarité ne sont pas nouvelles, mais elles se font plus insistantes. Surtout, on présente comme allant de soi que les disciplines savantes détournent les enseignants de leurs tâches pédagogiques et que les disciplines scolaires provoquent l’ennui des élèves. Les disciplines serait trop abstraites, trop académiques, pas assez « concrètes » et proches de l’expérience des élèves, etc.

Les sciences économiques et sociales sont un bon objet d’études pour soumettre à la critique ce discours qui, de l’administration centrale aux chefs d’établissements en passant par les organisations de parents, certains mouvement pédagogiques et membres des corps d’inspection, saturent l’espace scolaire.
En effet les SES sont nées en 1967, au moment même ou s’engageait le tournant « moderniste » des structures officielles de l’éducation nationale. Tournant qui a conduit à la domination d’une doxa de légitimation de la mise en œuvre d’une pédagogie invisible.

La situation des SES est donc idéal-typique, d’autant qu’une partie du corps professoral partage l’idée qu’au lycée l’enseignement, plutôt que de viser l’appropriation par les élèves des fondements essentiels des disciplines savantes, doit partir de leur expérience et l’éclairer en puisant en fonction des besoins dans tels ou tels apports disciplinaires.
Le cas de cette discipline est donc privilégié s’agissant d’ouvrir le débat, qu’appelle plus que jamais la conjoncture actuelle, sur les relations que les enseignements scolaires peuvent et doivent entretenir avec les disciplines savantes et l’enseignement universitaire.

Nous souhaitons mettre en discussion, dans cette séance, les problèmes que posent à l’enseignement des SES ce qui nous paraît être une insuffisance d’enjeux conceptuels et théoriques, et qui procèdent pour une part à notre sens d’une formation inadaptée des enseignants.
Nous avancerons l’hypothèse, appuyée sur notre propre expérience pédagogique, qu’une autre conception des rapports de l’enseignement du lycée aux disciplines savantes est possible, et que sa mise en œuvre peut être réaliste et fructueuse.

Alain Beitone, professeur de sciences économiques et sociales et professeur d’IUFM.

Note d'étape par José Tovar

Par José Tovar (mai 2015)

Au moment où le CSP annonce la mise en débat d’une nouvelle conception des programmes destinés aux cycles 2,3,4 de l’école obligatoire ( école-collège), il nous a paru intéressant de tenter un premier bilan du séminaire organisé en commun par le GRDS et la fondation Gabriel Péri depuis janvier 2013 à partir d’une réflexion sur ce que pourraient être les contenus d’enseignement d’une école vraiment démocratique et dont une première étape visait à faire le point sur l’histoire des disciplines scolaires et des controverses afférentes. [Lire la note d’étape]

13. Les mathématiques en primaire

Séance avec Stella Baruk (9 juin 2015)

Une fois de plus, l’intention résolument affirmée par l’Éducation Nationale de refonder l’école donnait l’espoir d’une réelle avancée dans la difficile et répétitive recherche de ce que doivent être, en particulier au cours de la scolarité obligatoire, les contenus et les méthodes d’un enseignement des mathématiques. Mathématiques d’ailleurs, désignées comme telles à l’école seulement à partir de la réforme dite « des maths modernes ».

Aujourd’hui en effet, toute « occupation » des enfants mettant en jeu « des nombres ou des figures » dès la maternelle est dite « mathématique », ceci comme allant de soi ; c’est-à-dire sans que l’on se demande au cours de pareilles activités ce que sont ou ne sont pas les mathématiques, ce qui, sous ce nom, a été proposé aux élèves, puis évalué, noté.

Cette question sous-tend pourtant la difficulté essentielle que n’a pas réussi à surmonter l’événement qui devait y mettre un terme : les « maths modernes » devaient « faire tenir ensemble » théorie et pratique, faire travailler sur des idéalités et des réalités, en bref, permettre la coexistence harmonieuse de concepts théoriques sophistiqués mais pourtant susceptibles d’utilisation dans une vie quotidienne soumise aux chiffrages et modélisations de tous ordres. Les fameuses dualités issues des anciens ordres primaire et secondaire, « concret/abstrait », « pratique/théorique », « utile/culturel », « populaire/élitiste » devaient disparaître au profit de vraies mathématiques pour tous, et ce, de la maternelle à l’université.

On sait que la réforme en question s’est fracassée, entraînant de profondes turbulences dont les effets perdurent, puisque depuis quatre décennies changements et révisions sont incessants, et que nous en sommes où nous en sommes, c’est-à-dire face à l’échec avéré, enfin avoué, explicité par l’institution, des mathématiques de l’école. De ce fait, depuis quelques temps et résultats PISA, s’expriment à nouveau de façon relativement massive opinions, sentiments, réflexions, propositions suggérées par leurs contenus, leurs méthodes, les évaluations, les notes, la formation des enseignants, la comparaison avec la façon dont se passent les choses ailleurs, l’existence de possibles modèles, la Finlande, Shanghaï, le recours à l’histoire, aux jeux, au numérique, au tableau interactif, aux tablettes, et pourquoi pas à la classe inversée, elle est maintenant possible, il suffisait d’y penser…

Et puis à de nouveaux programmes.

Programmes dont comme il est d’usage, les intentions sont excellentes, mais dont il ne semble pas qu’ils apportent vraiment de solutions à la foule de questions que génère celle essentielle, évoquée plus haut, d’une refondation de l’école. Nous pourrons même nous demander ensemble si sur un certain nombre de points ils ne la font pas reculer.

Car sans prétendre pouvoir résoudre unilatéralement un problème aussi difficile que celui que pose l’enseignement des mathématiques à l’école, je crois pourtant possible l’édification d’une « école première » en mathématiques. Á partir d’analyses des raisons de l’échec de l’institution, de réflexions suscitées par un travail de terrain s’adressant à des sujets ou publics aussi divers qu’élèves en difficulté, enseignants en formation, classes entières lors d’expériences menées dans les écoles, peut-être est-il possible de proposer, et donc de débattre, d’un autre abord à la matière des mathématiques et à la manière de les enseigner.

Stella Baruk a conduit une expérimentation dans une école populaire parisienne dont les enseignants mettent en œuvre la démarche d’apprentissage qu’elle propose. Consulter les documents qui rendent compte de cette expérimentation.

14. Les enjeux cachés de l’« interdisciplinarité » au collège

Séance avec Jean-Pierre Terrail (12 novembre 2015)

L’actuelle réforme du collège, censée entrer en vigueur à la rentrée 2016, introduit dans la charte des enseignements une « matière » nouvelle, ou plutôt de « nouvelles modalités d’enseignement », les EPI, enseignements pratiques interdisciplinaires. Ces EPI doivent être organisés autour de huit thématiques (‘développement durable’, ‘monde économique et professionnel’, ‘corps, santé et sécurité’, citoyenneté, etc.) et elles devraient occuper pas moins de 20% du temps d’enseignement global, évidemment soustraits aux enseignements disciplinaires. Si ce point de la réforme n’a pas fait l’objet de débat public, ce que lui reproche le SNES, il n’en a pas moins fortement attiré l’attention et suscité d’horizons divers nombre d’interventions vantant les vertus de l’interdisciplinarité. Il semble au premier abord que la question soit proprement pédagogique, et c’est bien ainsi que les promoteurs de la réforme et les thuriféraires de l’interdisciplinarité la présentent. On peut cependant douter qu’elle soit seulement, ni même d’abord, d’ordre pédagogique. Cela apparaît assez clairement pour peu que l’on rapproche l’interdisciplinarité des deux autres thématiques qui ont occupé le débat scolaire au long des quinze dernières années : la « formation des compétences », et les « éducations à ». [Lire l’ensemble de la présentation]

Jean-Pierre Terrail, chercheur en éducation, GRDS (Groupe de recherches sur la démocratisation scolaire).

Retrouver la contribution écrite de l’intervention de Jean-Pierre Terrail

15. Quelle histoire pour quel commun ? Pistes pour un enseignement de l’histoire dans l’école commune

Séance avec Laurence de Cock, professeure d’histoire (17 décembre 2015)

Les récurrents débats sur les programmes d’histoire ont montré à quel point la question reste sensible et fortement politisée en France. On pourrait crier à l’instrumentalisation et moquer ces propensions d’éditorialistes à saisir sur le vif chaque prétexte à interroger l’identité française et à fustiger l’école.

Il faut toutefois reconnaître que peu de contenus d’enseignement sont aussi régulièrement débattus que ceux qui concernent l’histoire, et qu’il y a peut-être quelque chose ici à interroger de l’idée que l’on se fait de l’importance et de l’utilité de l’histoire dans la trajectoire scolaire ainsi que de la surpuissance régulièrement assignée à certains contenus (fait religieux, fait colonial, Shoah aujourd’hui par exemple).

La chose en devient d’autant plus étonnante que les travaux sociologiques ou didactiques sur les modalités d’apprentissage de l’histoire par les élèves témoignent d’ une très grande distance entre le prescrit et le réel, laissant supposer que les débats publics sur l’enseignement de l’histoire disent davantage des représentations sociales de l’utilité politique de l’enseignement de l’histoire que de la réalité de ce que les élèves en font.

Il en ressort que la participation de l’histoire scolaire à une culture commune ne relève pas simplement des thématiques « programmées » par les textes mais aussi – et peut-être surtout – d’une réflexion sur l’itinéraire des savoirs C’est dans cette perspective plus curriculaire donc que nous proposerons quelques pistes pour penser l’ensemble de la chaîne qui s’étend de la prescription par l’Etat à la restitution par les élèves.

Nous partirons d’une mise en miroir des débats récents avec les résultats d’une enquête sur les récits d’histoire de France par 6000 élèves de tous les âges à laquelle nous avons participé. Nous interrogerons alors les distorsions entre ce qui est supposé de la performativité des contenus d’enseignement et ce qui affleure dans les résultats de l’enquête. C’est de cette comparaison que nous lancerons quelques pistes pour une refonte non tant des « programmes » que des curricula d’histoire au regard de l’importance – Ô combien récemment rappelée – de l’acquisition d’une grammaire historique comme composante d’une culture commune.

Laurence de Cock, professeure d’histoire.

16. Quelle place pour les sciences sociales dans l'école commune ?

Séance avec Alain Beitone et Jérôme Deauvieau

La perspective de l’École commune (et en particulier du lycée unique) suppose des reconfigurations disciplinaires. Cette séance du séminaire se propose d’explorer la question de la place des sciences sociales dans l’école commune. Il faut pour cela envisager les problèmes didactiques et institutionnels d’une telle présence des sciences sociales tout au long du cursus de l’école commune (du CP à la terminale). Ces problèmes sont nombreux et complexes et nous soumettrons à la discussion collective un certain nombre de questions ouvertes. Nous nous appuierons aussi sur diverses tentatives antérieures d’élargissement du champ de l’enseignement des sciences sociales.

La question de la légitimité savante et de la transposition didactique des savoirs produits par les sciences sociales devra être posée. S’agit-il de débattre des problèmes sociaux dans la perspective d’une formation citoyenne et/ou de transmettre des savoirs produits et légitimés par des communautés savantes ?

A la suite des suggestions de Bernard Lahire, nous soumettrons au débat l’introduction des sciences du monde social dès l’école élémentaire. Encore faut-il préciser quels éléments des savoirs produits par les sciences sociales doivent être enseignés et dans quelle perspective. Cela suppose aussi une réflexion sur la formation des professeurs des écoles nécessaire à la mise en place d’un tel enseignement.

S’agissant du collège, la question essentielle est sans doute celle de l’articulation de ces savoirs issus de la science économique, de la sociologie et de la science politique et les enseignements actuels d’histoire et géographie et d’instruction civique (devenue EMC). On reviendra à cette occasion sur la tentative lancée par René Monory d’introduire un enseignement d’économie au niveau du collège dans le cadre de l’enseignement d’histoire et géographie.

S’agissant enfin du lycée, la remise en cause de la distinction entre les enseignements professionnels, technologiques et généraux pose en des termes nouveaux la question d’une formation aux sciences sociales aujourd’hui réservé à un sous ensemble des élèves de l’enseignement général (en seconde puis dans le cycle terminal). Il faut donc poser la question des divers enseignements d’économie des actuelles filières technologiques et professionnelles (sans oublier l’enseignement agricole).

On le voit les problèmes soulevés sont redoutables tant en ce qui concerne la formation des élèves qu’en ce qui concerne l’identité professionnelle des différentes corps d’enseignants.

Alain Beitone, professeur de SES.

Jérôme Deauvieau, directeur du département de Sciences sociales de l’ENS.

17. Quel enseignement de la philosophie dans l’école commune ?

Table ronde avec Pascal Engel, Serge Cosperec, Nicole Grateloup et Jean-François Dejours (4 octobre 2016)

La perspective de refondation du système scolaire proposée par le GRDS, nous oblige, à partir de la franche réussite de tous dès les premiers apprentissages, à repenser les contenus de l’école commune dans le cadre d’une culture commune, en philosophie comme dans les autres disciplines, ce qui n’est pas sans poser de nombreuses questions qui touchent à la nature même  de la discipline, aux finalités de formation qui sont les siennes, et à l’organisation de son enseignement.

A partir de quel moment du cursus scolaire l’introduire ? Quelle progressivité lui donner ? A-t-elle sa place en amont de la terminale, y compris dans les petites classes ? Comment définir les programmes ? Que devient la question de leur détermination : faut-il en conserver la logique actuelle ou la transformer en profondeur ? Comment penser les travaux des élèves, en vue de quels exercices, de quelles épreuves d’examen ? Là aussi, maintien de l’existant ou transformation profonde ? Un philosophe disait de la philosophie qu’elle se nourrit de ce qui n’est pas elle : quels rapports féconds pour elle peut-elle entretenir avec les autres disciplines ? A-t-elle également à nourrir leur étude à l’école ? Si oui, selon quelles modalités ? Autant de questions, de pistes de réflexion pour, en philosophie également, lancer le débat sur les contenus de l’école commune fondée sur la disparition des filières et la promotion de l’exigence intellectuelle pour tous. C’est à un tel débat que le GRDS vous convie.

Avec le lien ci-dessous il est possible de consulter les réponses aux questions que nous avons posées à chacun des intervenants à cette séance du séminaire, en vue d’en lancer la préparation :

Pascal Engel, Directeur d’études à l’EHESS (philosophie et épistémologie).
Serge Cosperec, Professeur de philosophie à l’UPEC/ESPE de Créteil.
Nicole Grateloup, Professeur de philosophie au lycée Jean Jaurès de Montreuil.
Jean-François Dejours, Professeur de philosophie au lycée Condorcet de Lens, responsable national du groupe philosophie du SNES-FSU.

18. L'impact des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), retour sur la réforme du collège

Séance avec Nicolas Kaczmarek, Sylvain Marange et al.

La séance a été consacrée à un premier examen de l’impact de la réforme du collège, au premier chef de la mise en place des EPI (« enseignements pratiques interdisciplinaires »), sur la transmission des savoirs. Plusieurs enseignants de collège ont animé cette séance en faisant part de l’état des lieux dans leur établissement et de leurs réflexions sur le fond.

Nous publions ci-dessous les premières observations de deux d’entre eux, qui enseignent dans des quartiers populaires, le premier professeur d’histoire à Trappes, le second dans un collège de l’ouest.

Nicolas Kaczmarek (professeur d’histoire à Trappes)

« La réforme du collège nous a été présentée comme la réponse aux deux maux expliquant l’échec d’une partie des élèves français :

- l’ennui des élèves face à un enseignement disciplinaire qui ne fait pas sens pour eux et ne suscite pas leur motivation ;

- l’incapacité de l’école à transmettre les méthodes qui sont attendues des élèves pour réussir leur parcours scolaire.

Ce sont les disciplines qui sont accusées de provoquer l’ennui et donc l’échec. Leur remise en cause est générale car elles doivent désormais être au service d’un ensemble d’enseignements transversaux comme le livret de compétences, le parcours citoyen, le parcours culturel, le parcours avenir…

La réponse proposée par la réforme du collège tient en deux aspects :

- introduire des enseignements pratiques (ils doivent aboutir à quelquechose de concret et pas à simplement à l’assimilation de savoirs) et interdisciplinaires (un objet d’étude pris sous l’angle de deux disciplines) ;

- concentrer sur une ou deux heures de cours en classe entière sur le temps d’enseignement d’un ou deux collègues, un accompagnement personnalisé qui vise à transmettre des méthodes de travail transversales.

Pour le premier point, le croisement des disciplines doit susciter la motivation des élèves, voyant que les disciplines entrent en résonance et sont des outils pour comprendre la complexité du monde. Même si ces EPI devaient être menés à bien (ce dont je doute, voyant ce qui se passe dans mon établissement), on constatera que la quête de la motivation de l’élève rate les vraies causes de l’échec scolaire au collège. Bien d’autres raisons empêchent l’investissement attendu des élèves (les lacunes héritées du primaire, les consignes trop implicites, un enseignement basé sur des pré-requis jamais enseignés…)

Quant au second point, on continue d’externaliser la prise en charge de la difficulté en confiant à un collègue la mission de transmettre méthodes et compréhension de l’implicite des cours au lieu de rappeler à chaque enseignant que c’est dans sa classe avec sa discipline que ce travail doit être réalisé de façon permanente surtout avec des élèves éloignés de la culture scolaire.  »

Sylvain Marange (professeur dans un collège de l’ouest)

La réforme du collège s’installe dans une relative confusion. S’il est vrai que la plupart des enseignants se sont résignés à en appliquer certains pans, aucun d’entre eux ne se montre enthousiaste et rares sont ceux qui lui trouvent quelque avantage.

Les arguments pédagogiques de la réforme, répétés à l’envi par tous les étages de la hiérarchie lors des nombreuses réunions de concertation, sont assez peu contestés, même s’ils ne convainquent pas grand monde. Difficile en effet de s’opposer à des affirmations aussi massues que la nécessité de se montrer bienveillant à l’égard des élèves, de réfléchir à l’évaluation pour en finir avec la constante macabre des mauvaises notes, de mieux communiquer avec les parents, de donner du sens aux enseignements en croisant les regards disciplinaires ou encore de s’intéresser aux multiples façons d’apprendre des élèves. Le discours de l’inspection et des chefs d’établissements commence à être bien rôdé. Il verrouille le débat en n’hésitant pas à jouer sur le ressort de la culpabilisation d’enseignants rendus responsables de tous les maux d’une école inégalitaire, brutale, et ignorante des mécanismes d’apprentissage des élèves.

En pratique, c’est la confusion

Assommés par 20 ans de réforme continuelle, chacun se résout à faire semblant. Le doute domine et nourrit une forme d’insatisfaction professionnelle redoublée.

D’autant plus que certains collègues n’avaient pas encore tous compris que les EPI prendraient sur le temps des enseignements disciplinaires. Certains collègues de langue, de maths ou d’histoire-géo ne voient plus leurs classes que deux fois par semaine contre trois fois auparavant. Le sentiment d’être perpétuellement en retard prévaut. Surtout sur le niveau troisième et quatrième où le nombre d’heures de cours par semaine a considérablement diminué dans notre collège de REP qui bénéficiait il y a peu encore de compléments horaires au titre de la difficulté scolaire.

Le co-enseignement mis en place dans le cadre de l’accompagnement personnalisé (AP) et des enseignements pratiques interdisciplinaire (EPI) vire le plus souvent à une répartition inégale des tâches : l’un enseigne, l’autre accompagne voire observe, quand il ne corrige pas des copies pour s’avancer. Lorsque l’un des deux enseignants est absent pour cause de formation par exemple, le deuxième peut se trouver complètement démuni. Ainsi telle collègue d’anglais devant animer un « EPI arts » en l’absence de l’enseignante d’arts plastiques.

L’AP donne lieu aussi parfois à des dédoublements. Cette réalité est toujours vécue comme une occasion d’alléger les effectifs mais en aucun cas comme le cadre par excellence de la différenciation pédagogique, ainsi que le ministère l’a conçu.

La mise en œuvre des nouveaux programmes sur tous les niveaux donne lieu à beaucoup de réinvestissement d’anciens cours par manque de temps pour tout revisiter, et par manque de formation pour en appréhender les enjeux. Le programme d’EMC qui devait impliquer de nouvelles mises en œuvre pédagogiques (débats réglés, dilemmes moraux, discussions à visée philosophique) est le plus souvent traité comme l’ancien programme d’éducation civique.

Les formations à la réforme se poursuivent en cette rentrée 2016 avec le volet numérique. Mais elles paraissent inadaptées aux yeux du plus grand nombre. L’ennui et les tensions qu’elle génèrent alimentent la grande lassitude qui est en train de s’emparer de la profession. Aucune de ces formations n’aura permis de réellement clarifier les enjeux de la réforme.

L’overdose de compétences

Beaucoup d’enseignants ne parviennent pas à passer le cap de l’approche par compétences et continuent à enseigner « comme avant ». Soit par incompréhension de ce que l’institution attend réellement d’eux, soit par refus, soit le plus souvent, par mélange des deux. Il faut dire que le Ministère qui avait annoncé la mort du Livret Personnel de Compétences (LPC) de 2006 et de ses 98 items, a validé des programmes qui comportent plus de 160 « compétences à travailler » pour le cycle 3 et plus de 250 pour le cycle 4 ! L’absence de mode d’emploi et le renvoi au local des solutions pour traiter cette inflation d’items conduit certains enseignants à multiplier les évaluations et à inventer des tableaux immenses et relativement illisibles pour les consigner.

La saisie des évaluations par compétences sur l’espace numérique de travail (ENT) donne lieu à des pratiques extrêmement disparates (d’un établissement à l’autre évidemment, mais y compris au sein d’un même établissement).

La plupart des logiciels dont sont équipés les établissements imposent de raisonner à partir des domaines de compétences (les 5 domaines du socle) et de les décliner ensuite en micro-compétences alors que le conseil supérieur des programmes avait affirmé que chaque discipline devait contribuer à la construction des 5 domaines de compétences ce qui impliquerait de partir du travail mené dans chaque matière et de fonder sur lui la validation des domaines de socle.

De nombreuses directions d’établissements commencent à prendre conscience, à l’approche des premiers conseils de classes et des réunions parents-professeurs qui s’ensuivront, que le dispositif de production des bulletins trimestriels n’est pas prêt. Beaucoup d’enseignants n’ont pas encore commencé à évaluer par compétences alors que les bulletins remis aux familles comporteront une rubrique « compétences travaillées », et que le diplôme national du brevet (DNB) ne sera délivré qu’aux élèves ayant validé le socle qui ne s’évalue que par compétences…

Pour conclure, les enseignants appréhendent davantage la réforme comme un dérèglement professionnel que comme une transformation progressiste de l’école. La possibilité d’une alternance politique en 2017 renforce le sentiment d’inutilité de sa mise en œuvre, et par voie de conséquence les risques psycho-sociaux liés à l’exercice du métier. On commence à constater des arrêts maladies en série dans certains collèges de l’académie.

19. Quel enseignement du français dans une école démocratique ?

Séances avec Rachel Boutonnet (3 mars 2017) et Virginie Blanchet et Véronique Marchais (17 mars 2017)

Dans le cadre du séminaire organisé depuis 2014 sur le thème « Quels contenus l’école doit-elle transmettre ? », lors de la séance sur l’enseignement du français du 3 avril 2014, Agnès Joste et Philippe Le Quéré nous avaient présenté une histoire de la discipline, de l’instauration de l’école obligatoire à la fin du XIXème siècle à la période actuelle (2010). Une analyse serrée de l’évolution des programmes officiels, des prescriptions, des injonctions pédagogiques… et des controverses par là même suscitées dans et hors l’école montraient ainsi combien les contenus d’enseignement, en cette matière comme en d’autres, sont fondamentalement des constructions contingentes résultant de déterminants sociaux, économiques et culturels circonstanciés, mais aussi d’enjeux – notamment didactiques – propres à la discipline elle-même. Les nouvelles prescriptions programmatiques résultant des réformes récentes, ne font que confirmer cette analyse.

Restait donc à tenter une réflexion sur ce que pourraient être des programmes adaptés à l’objectif politique du GRDS : construire une école commune fondée sur l’organisation d’un cursus unique de culture commune à tous les jeunes de 3 à 18 ans, dans laquelle n’existera aucune forme de sélection et d’orientation avant l’arrivée à terme symbolisée par l’acquisition du baccalauréat, et ouvrant sur toutes les formations ou continuations d’études ultérieures possibles.

Que deviendrait dans ces conditions l’enseignement du français, dans la continuité école primaire/lycée ? C’est à cette question que nos intervenantes tenteront d’apporter, sinon des réponses, du moins des pistes de réflexions et quelques propositions soumises au débat.

Compte tenu de l’importance et de la dimension du sujet cette séance du séminaire se déroulera en deux temps :

  • 1ere séance : Historique et premier degré d’enseignement avec Rachel Boutonnet, professeure des écoles;
  • 2e séance : niveaux collège et lycée, avec Virginie Blanchet et Véronique Marchais, enseignantes.

Questions visant à engager la réflexion sur l’indispensable remise à plat des apprentissages disciplinaires.