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L’Humanité, le 10 mars 2023.

L’énergie est un bien commun de l’humanité

Éliane Assassi, présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste du Sénat, et Alain Obadia, président de la Fondation Gabriel-Péri

À l’origine, la libéralisation, la fin des monopoles et le dépeçage des entreprises historiques du secteur de l’énergie organisés par les instances de l’Union européenne, main dans la main avec les gouvernements, étaient censés faire baisser les prix grâce aux vertus de la concurrence. Cette présentation idyllique s’est vite fracassée sur les dures réalités du capitalisme de marché et de sa logique de rentabilité.

Très rapidement, le lobby des fournisseurs alternatifs de gaz et d’électricité s’est mobilisé pour dénoncer les prix trop bas pratiqués en France. Il fallait augmenter les tarifs réglementés pour permettre à la concurrence de s’installer durablement en assurant aux opérateurs privés le taux de profit attendu. Ce raisonnement illustrait à quel point les dogmes néolibéraux nous font marcher sur la tête.

Bien avant le conflit ukrainien, les hausses des tarifs étaient intervenues pour les usagers, quasiment chaque année. Les prix sur les marchés de gros de l’électricité étaient soumis à la spéculation. Cette situation était encore aggravée par leur indexation sur les prix du gaz, sans aucun rapport avec la structure de la production électrique en France.

La fin des tarifs réglementés était programmée. La mise en place de l’Arenh (accès régulé à l’énergie nucléaire historique) s’est traduite par une ponction indue sur les revenus d’EDF au profit de ses concurrents, qui pouvaient désormais acheter à bas prix l’électricité nucléaire pour la revendre plus cher aux usagers.

Le déclenchement de la guerre en Ukraine a largement dégradé ce contexte global. Dans un environnement marqué par les pénuries et les décisions de boycott, les prix n’ont pas seulement augmenté, ils ont explosé. Des dizaines de milliers de commerçants, d’artisans, de PME, d’exploitations agricoles, mais aussi de collectivités locales sont en grave difficulté, voire acculés à la faillite du fait de l’augmentation délirante de leurs contrats de fourniture d’électricité ou de gaz ou encore du prix des carburants.

Des centaines de milliers de familles ne peuvent plus payer leurs factures et doivent choisir entre se nourrir et se chauffer. Dans ces conditions, le bouclier tarifaire gouvernemental se révèle insuffisant. La spéculation s’en est donné à cœur joie. Il suffit, pour s’en convaincre, de se référer au bénéfice d’Engie qui s’envole de 43 % ou à celui de Total, en hausse de 90 % malgré les pertes du groupe en Russie. Quant à EDF, le gouvernement lui a imposé, en 2022, plus de 8 milliards de perte sèche supplémentaires en l’obligeant par décret à vendre, à prix réglementé, 20 TWh d’électricité aux fournisseurs privés, en sus des 100 TWh annuels. EDF est ensuite obligée de les racheter sur le marché à un prix six à dix fois plus élevé. Plus globalement, l’Europe a troqué sa dépendance au gaz russe contre des sources plus chères et plus polluantes, dont les gaz et pétroles de schiste américains.

Cette situation conduit à un enseignement majeur : la soumission du secteur de l’énergie aux lois du marché capitaliste produit des résultats catastrophiques. Le dogme selon lequel l’énergie est une marchandise – qui plus est une marchandise comme les autres – relève à l’évidence de l’escroquerie et profite aux seules multinationales et aux courtiers.

Il faut affirmer haut et fort que l’énergie est un bien essentiel, un bien commun de l’humanité. Elle doit être produite et gérée comme tel. Le droit à l’énergie doit être assuré pour toutes et tous et ne pas être compromis par la spéculation financière. Pour répondre aux besoins, la planification à long terme intégrant les dimensions économique, technologique, sociale et écologique doit devenir la règle. Il en va de même des coopérations entre producteurs, comme entre producteurs et consommateurs. En France, EDF et Engie doivent être renationalisées et démocratisées. Un pôle public de l’énergie doit être créé et la qualité de service public de ce secteur réaffirmée.

C’est pour contribuer à ce débat si nécessaire que la Fondation Gabriel-Péri, sous le marrainage de la présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste du Sénat, organise les 17 et 18 mars, au Palais du Luxembourg, un colloque international intitulé « L’énergie, bien commun de l’humanité ? », qui permettra d’approfondir la réflexion et contribuera, nous en sommes convaincus, à la mobilisation indispensable sur ce sujet déterminant.

Programme complet sur gabrielperi.fr/energie. Inscription obligatoire avant le 16 mars : inscription@gabrielperi.fr