Juillet-Septembre 2012
Avant-propos
Les conciles de ces derniers siècles ont tous été réunis par la hiérarchie romaine au moment de profondes transformations dans le mouvement des sociétés. Le concile de Trente affronte ainsi, au XVIe siècle, les mutations dans les rapports sociaux, les savoirs, les manières de vivre et de se percevoir comme individu humain, qui expliquent et accompagnent la genèse puis le développement de la Réforme protestante. Il y a cent quinze ans, Vatican I voudra être la réponse de la papauté et des évêques au mouvement des transformations sociales, politiques, idéologiques, religieuses qui cheminent en Europe depuis la fin du XVIIIe siècle et marquent la transition du système féodal au capitalisme.
Ces conciles ont ainsi constitué des événements à tous égards considérables : par l’ampleur des phénomènes qui en ont rendu nécessaire la convocation, par la nature des stratégies d’adaptation et de contre-offensive promues par l’épiscopat et le Vatican, par le cours aussi des processus dont ils ont été le point de départ. Vatican II prend rang parmi ces grands conciles de l’Église romaine et, à ce seul titre, il pourrait être considéré comme l’un des faits majeurs du XXe siècle. Mais le moment, les raisons et les conséquences de son déroulement le placent au cœur des mutations, des luttes, des genèses qui font de notre époque un temps de crise de civilisation et de révolutions, dont la radicale nouveauté se mesure à l’échelle de l’ensemble de l’histoire humaine. Aussi les débats développés à Rome de 1962 à 1965, la nature des principales orientations qui y furent prises, les tensions et élaborations qui les suivent depuis cinquante ans donnent-ils au dernier concile une importance dont l’altitude est sans commune mesure avec ceux d’hier.
Cela tient à l’ampleur quantitativement et qualitativement inédite des transformations intervenues dans le monde depuis Vatican I. L’Église de notre temps « voit la société gravement ébranlée et assiste à une extraordinaire mutation », constatait le pape Jean XXIII dans la Constitution apostolique Humanae Salutis, bulle d’indiction du concile. Devant ces aspects « d’un monde si prodigieusement bouleversé de toutes les manières depuis un siècle » (discours du pape aux missions diplomatiques, D.C.4XI1962), un « aggiornamento profond » s’avérait nécessaire : devant le spectacle offert par l’univers contemporain, « nous avons pensé, écrivait encore Jean XXIII, que c’était un grave devoir de notre charge d’appeler tous nos fils à unir leurs efforts pour que l’Église se montre de plus en plus apte à résoudre les problèmes de notre époque » (Constitution apostolique Humanae Salutis).
Depuis la fin des années 1960, de nombreux articles de La Pensée ont contribué au développement de la connaissance du concile Vatican II, de son contexte, de ses racines, de ses enjeux, des caractéristiques de ses documents et « Constitutions », du développement de ses quatre sessions, soit à l’automne 1962, l’automne 1963, l’automne 1964 puis celui de 1965.
Dans le présent numéro de juillet-septembre 2012 de notre revue, en cet anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II il y a cinquante ans, nous avons voulu contribuer à prolonger l’effort de connaissance de ce concile ainsi que celui du mouvement vivant et contrasté de ses apports, de ses textes, des transformations qui s’y rattachent dans l’Église, de ses résonances dans le monde au XXIe siècle.
Nous remercions de toute notre amitié, de notre gratitude les auteurs qui, dans leur diversité d’expériences et d’apports, ont contribué à ce numéro de juillet-septembre 2012.
Sommaire
Vatican II, 50 ans après
- Antoine Casanova, Jean XXIII, et les enjeux de l’ouverture du Concile
- Albert Rouet, Quand un concile dialogue avec le monde
- Joseph Moingt , La tradition rattrapée par l’histoire
- René Nouailhat, Conflits d’héritage
- Émile Poulat, Vatican II, une révolution douce
Cours des idées
- François Houtard, Le concile n’est pas tombé du ciel
- Eleazar López Hernández, La théologie indienne dans la matrice latino-américaine
- Jacques Couland, Monde arabe : la démocratie est la solution
- Jean Ortiz, Le « socialisme du 21e siècle » en Amérique latine
Revue des revues
- Patrick Coulon, Politique, pauvreté, évangélisation
Vie de la recherche
- Pierre Gibert, La Bible depuis Vatican II
- Hayet Mebirouk, Espaces publics des périphéries urbaines d’Algérie
- Françoise Hurstel, Féminisme syndical
- Michel Cochet, Penser le monde dans ses dimensions culturelles
- Michael Löwy, Le communisme autrichien
- Gérard Bras, La démocratie sans fard
Documents
- Yves Congar, Le jour où la Curie perdit le contrôle du concile