Une vie d'engagement au service de la liberté et du progrès au Sénégal et pour l'Afrique
Notre ami et camarade Amath Dansokho nous a quittés. Fondateur du Parti de l’Indépendance et du Travail du Sénégal, plusieurs fois ministre, acteur majeur des luttes pour l’émancipation des peuples du continent, ses combats sont d’une grande actualité. Il nous a transmis un message de lutte et d’espoir qu’il faut poursuivre.
Un hommage lui a été rendu le jeudi 30 janvier au siège du PCF à Paris en présence de Samba Sy, ministre du travail du Sénégal et secrétaire général du PIT, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, Sénateur de Paris, président du Conseil national du PCF, Michel Maso, directeur de la Fondation Gabriel Péri, Christian Picquet, membre du Comité exécutif national du PCF, Lydia Samarbakhsh, membre du CEN et responsable des Relations internationales, Didier Awadi, chanteur rappeur sénégalais, et de nombreuses personnalités, artistes et représentants d’organisations politiques, syndicales ou sociales.
- Intervention de Samba Sy, ministre du travail du Sénégal et secrétaire général du PIT, membre du Conseil scientifique de la Fondation Gabriel Péri.
- Intervention de Michel Maso, directeur de la Fondation Gabriel Péri.
Amath Dansokho fut un des initiateurs des colloques internationaux organisés à Dakar par le Parti de l’Indépendance et du Travail du Sénégal et la Fondation Gabriel Péri.
Réunissant de nombreux acteurs et actrices du monde politique, social, syndical et de la recherche en Afrique et en Europe, ces rencontres, qui ont connu cinq éditions, dont la première a eu lieu en décembre 2005, se proposent de lire les relations entre les pays africains et les pays européens à la lumière des défis démocratiques, économiques, sociaux et environnementaux. Elles placent au cœur des réflexions et des débats la nécessité de travailler à des politiques publiques au service du plus grand nombre pour dépasser les impasses auxquelles conduisent le néolibéralisme, les pratiques néocoloniales et les logiques de prédations.
Nous vous proposons de lire ou relire l’allocution prononcée par Amath Dansokho, alors secrétaire général du PIT, le 18 mai 2010 en ouverture de la troisième édition du colloque que nous avions intitulée : « La crise globale et l’Afrique : quels changements ? ».
» Chers Camarades, Chers invités Mesdames et Messieurs,
Comme vous le constatez tous, nous commençons les travaux de ce colloque avec un grand sentiment de tristesse. Nous avons un très grand absent, un homme qui a été l’artisan talentueux des conférences de Dakar. Il s’agit du Professeur Sémou Pathé GUEYE, dirigeant de notre Parti, dont le travail académique et l’activité politique étaient appréciés ici au Sénégal, mais aussi dans le monde.
Nous saluons sa mémoire. Je pense qu’il est absolument compréhensible qu’en l’entame de nos travaux nous observions une minute de silence en hommage à tout ce qu’il a fait pour asseoir l’autorité de ces conférences de Dakar.
Je ne doute pas que nos travaux de ces deux jours confirmeront le sérieux de nos échanges qui seront encore plus d’ouverture dans l’axe de recherches de solutions alternatives aux turpitudes du capitalisme qui coûtent extrêmement cher à l’humanité.
Très chers Camarades,
Ceci dit, je vous souhaite, au nom de la Direction du Parti de l’Indépendance et du Travail, la bienvenue à toutes et à tous.
Je partage naturellement ces mots de bienvenue à nos Camarades de la Fondation Gabriel Péri et de la Fondation Rosa Luxemburg qui s’est associée à nous, sur tous les plans, à la tenue de cette conférence.
Nous sommes très heureux de retrouver certains de nos amis qui ont activement participé aux deux colloques précédents. Je ne crois pas me tromper en disant que leur fidélité à cette initiative de Dakar est probablement liée à l’intérêt qu’ils reconnaissent aux échanges et réflexions auxquels nous nous sommes livrés. Pas plus que je ne doute que les nouveaux participants à ce présent colloque, en même temps qu’ils contribueront à l’éclairage des problèmes soulevés, vérifieront qu’il s’agit bien de questions de grande actualité et de très grande utilité pour notre action pratique, afin de contenir les ravages que cette crise produit quotidiennement.
Dans le monde entier, le capitalisme est de plus en plus mis en accusation, mais il se maintient, par des procédures extrêmement sophistiquées, et continue à tenir l’humanité entière sous sa férule.
Son prestige est sérieusement ébranlé par ses 3 crises récentes (alimentaire, énergétique et financière) qui ont jeté les Etats des grandes puissances capitalistes dans une convulsion budgétaire, consécutive à l’explosion de leur surendettement pour sauver leur système financier et rétablir la croissance. La gravité de cette situation est traduite par le FMI en ces termes : « il faut faire en sorte que le déficit moyen des comptes courants de ces Etats passe de 4,9 % à un excédent de 3,8% d’ici 2020 ».
Mais le doute sur la capacité des Etats à produire des programmes d’austérité à la mesure de ce défi, a plongé de nouveau les marchés financiers dans le rouge et entraîne une chute spectaculaire de l’Euro à 1,235 dollars, son plus bas niveau depuis octobre 2008 en pleine crise financière. Le spectre d’une nouvelle récession, ou d’une stagnation hante de nouveau les esprits des tenants du système capitaliste international.
Il se produit ainsi une double contradiction qui mine grandement les fondements même de ce système d’exploitation des travailleurs et d’asservissement des peuples des pays en développement.
A la contradiction entre le Capital et le travail exacerbée par la récession économique, s’est greffée une nouvelle : la contradiction entre l’Etat de ces pays et leurs propres peuples face aux programmes d’austérité qu’ils veulent leur imposer pour sauver leur système.
Les artifices techniques pour sortir de la crise ne suffisent plus, une réponse politique s’impose de plus en plus, particulièrement en Europe où les bases de l’Union ont atteint leurs limites sociales, pour mettre au devant de la scène son avenir même.
Mais, il faut, par ailleurs, noter qu’il n’a pas été encore possible d’articuler la résistance des populations, victimes de la crise à une solution politique qui remet en cause la religion de l’économie de marché.
En réalité, tout se passe comme si l’aggravation de la crise faisait du capitalisme un horizon indépassable de l’histoire humaine.
Depuis des années, la réflexion marxiste a mis en évidence le poids de la spéculation financière dans le système capitaliste. Des penseurs capitalistes, et même des dirigeants de grandes entreprises ont alerté sur le danger de la financiarisation et de l’accumulation de richesse contre les créations d’emploi.
C’est là que résident des causes essentielles de chômage toujours plus massif et de la politique de réduction du coût de la main-d’œuvre (salaires et cotisations sociales patronales).
Cette politique de réduction continue sur des décennies du pouvoir d’achat des travailleurs se traduit aujourd’hui par une offensive générale contre les institutions et conquêtes sociales. A cet égard, nous venons de connaître, ici dans notre pays, une tentative monstrueuse de cette nature.
C’est la révision de Code du Travail pour instaurer des contrats à durée déterminée (C.D.D.), renouvelables indéfiniment, dont le projet de loi est toujours à l’Assemblée Nationale.
Avec le mémorandum que notre Parti a adressé aux travailleurs sur le sujet, il s’est produit une telle levée de bouclier du monde du travail et de ses organisations, que le pouvoir en fut ébranlé, au point que, le gouvernement, le Président en tête, n’en a pas accepté la paternité alors qu’il s’agissait bien de projet de loi examiné en Conseil des ministres et qui devait passer en début mai 2010 devant l’Assemblée nationale.
Bien entendu, la partie n’est pas encore gagnée, puisque notre chef d’Etat est l’un des rares en Afrique, dont la religion est le néo-libéralisme qu’il a la prétention de vouloir étendre à toute l’Afrique !
De ce point de vue, les conséquences de cette crise globale sont les mêmes dans les pays développés, comme dans les pays en voie de développement.
Cependant, la spécificité de cette crise en Afrique, est qu’elle a accentué la dépendance alimentaire et a aggravé la perte de souveraineté économique de nos Etats, après 50 ans d’accession à la souveraineté internationale.
Sous ce rapport, l’Afrique connaît une situation économique globale des plus dramatiques.
Après l’esclavage et la colonisation directe, voilà l’Afrique partout menacée par la destruction de ses bases productives (agriculture-industrie), et par l’accaparement, au profit des oligarchies locales et des multinationales, de l’essentiel des ressources du continent (mines, terre, entreprise publiques).
Elle est soumise à des prélèvements miniers, d’hydrocarbures et de ressources halieutiques à une telle allure, que les générations futures en sont vitalement sacrifiées.
Cela se fait autant par les multinationales traditionnelles des grandes puissances occidentales, que par les pays émergents, notamment la Chine et l’Inde.
Naturellement, tout ce procès en cours est accompagné par une misère extrêmement étendue et un grand recul des conquêtes démocratiques.
Il n’est donc pas étonnant que l’instabilité s’installe, et que des régimes répressifs au service des oligarchies et des forces d’exploitation extérieures au continent sont presque partout aux commandes.
Ce qui met à l’ordre du jour des forces progressistes dans chaque Etat et dans tout le continent, la prise en compte de cette donnée structurante, qui est de construire, à partir de cette base, des alliances politiques, sociales, et humanistes, pour ouvrir de nouvelles perspectives à la démocratie, à l’indépendance et à la promotion de l’intégration africaine, pour construire de grands ensembles qui sont la condition sine qua non pour nous en sortir.
Chers Camarades,
C’est pour tout cela que nous avons voulu privilégier, à ce colloque, le débat, pour permettre l’échange le plus large possible avec la participation de tous.
L’expérience de chacune et chacun d’entre vous, est ici capitale à ce troisième colloque de Dakar pour obtenir une plus grande valeur ajoutée dans nos recherches des voies et moyens de réappropriation par les peuples de leur destin. »
Lettre d’Alain Obadia, président et Michel Maso, directeur de la Fondation à Samba Sy, membre du Conseil scientifique de la Fondation, secrétaire général du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT) du Sénégal.
Très cher Samba,
Nous venons d’apprendre la disparition de notre camarade Amath Dansokho. Nous en sommes infiniment tristes, de même que les membres du conseil d’administration de la Fondation Gabriel Péri, du conseil scientifique, du personnel déjà informé de son décès.
Pendant 8 ans, Amath a été administrateur de la fondation. C’est avec lui que nous avons organisé à Paris notre première initiative publique, un colloque consacré à la mondialisation. C’est avec lui encore, et le regretté Semou Pathé Gueye, que nous avons conçu le colloque international de Dakar, dont Amath n’a manqué aucune des cinq éditions tenues à ce jour.
Dans ces occasions et dans bien d’autres, nous avons pu constater son immense popularité auprès des responsables syndicaux et politiques africains, ainsi que de la communauté des chercheurs et universitaires. Nous avons été impressionnés par le respect qu’il inspirait à tous, pour sa bienveillance et sa grande sagesse politique.
Nous sommes fiers d’avoir croisé l’itinéraire d’un tel homme, et honorés d’avoir été non seulement ses camarades mais aussi ses amis.
A toi et à l’équipe dirigeante du PIT, ainsi qu’à l’ensemble de ses militants, nous adressons nos condoléances émues. Après des décennies de combat au service du peuple sénégalais et de l’Afrique, Amath vient de nous quitter.
Nous ne l’oublierons pas et il va nous manquer.
Il nous manque déjà.
Michel Maso, Directeur de la FGP
Alain Obadia, Président de la FGP