Présentation
Séminaire de novembre 2013 à mai 2014
Organisé en partenariat avec le réseau Initiative Féministe Européenne (IFE-EFI)
Malgré des progrès incontestables, l’égalité entre les hommes et les femmes demeure un objectif difficile à atteindre tant dans la sphère publique – professionnelle, sociale et politique – que dans la sphère privée et ce dans tous les pays d’Europe. Le séminaire de la Fondation Gabriel Péri en partenariat avec le réseau IFE-EFI a abordé les inégalités, les discriminations et les violences à l’encontre des femmes sous l’angle de la citoyenneté.
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L’accès ou non accès des femmes à la pleine citoyenneté n’est pas seulement la mesure de la démocratie, il est aussi le révélateur des relations de pouvoir et de domination qui structurent nos sociétés.
Peut-on parler de pleine citoyenneté pour les femmes alors que leurs droits fondamentaux ne sont pas reconnus, ne sont pas appliqués ou sont menacés dans de nombreux pays ? Quelle citoyenneté sans participation à la vie politique, au plein emploi, aux responsabilités professionnelles ? Quelle citoyenneté pour les femmes migrantes, travailleuses sans droits ou épouses soumises aux législations discriminatoires de leur pays d’origine ? Quelle citoyenneté pour celles qui sont privées du droit de vivre sans peur de la violence, pour celles à qui l’on dénie le droit de disposer de leur propre corps et de maîtriser leur propre vie ? Quelle citoyenneté dans les démocraties européennes où l’écart est persistant entre la réalité de la vie des femmes et les textes de lois, les conventions, les résolutions relatives à l’égalité et à la lutte contre les discriminations et les violences ?
À l’heure où l’on parle beaucoup d’initiatives citoyennes, de valeurs citoyennes, d’entreprises citoyennes, nous avons choisi de nous attacher à explorer cette notion à la lumière de nos analyses féministes autour de 5 thématiques :
- citoyenneté et participation politique,
- citoyenneté au travail,
- femmes migrantes et citoyenneté,
- violences et citoyenneté,
- laïcité et citoyenneté.
Le séminaire a été organisé en 5 séances, entre novembre 2013 et mai 2014. Chaque séance a débuté par une introduction à deux voix : celle d’une chercheuse et celle d’une militante qui ont croisé leurs approches ; une discutante animant le débat.
Séances
1. Femmes, participation politique et citoyenneté
Séance avec Mariette Sineau et Lilian Halls-French (19 novembre 2013)
Lilian Halls-French, coprésidente de l’Initiative Féministe Européenne.
Mariette Sineau, directrice de recherche au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po et auteure de Femmes et pouvoir sous la Ve République. De l’exclusion à l’entrée dans la course présidentielle,
L’inclusion des femmes dans la République s’inscrit dans un long processus, encore inachevé. Après les promesses de 1945, l’avènement de la Ve République en 1958 a signé leur mise hors jeu politique : divers traits institutionnels de ce régime hybride ont assuré aux hommes un quasimonopole de la politique. Écartées du Parlement et des assemblées élues, les femmes n’ont longtemps dû leur existence en politique qu’à la volonté présidentielle. Paradoxalement, il leur a été plus facile de gouverner que de représenter.
La rupture introduite par les lois dites de « parité », votées entre 1999 et 2007, n’a pas mis fin à l’hégémonie masculine au Parlement où les hommes siègent à plus de 80 % à l’Assemblée nationale et à plus de 75 % au Sénat. Mais, ministres ou secrétaires d’État, les femmes se sont en revanche taillé une place grandissante au gouvernement, prenant également le départ dans la course présidentielle.
Alors que les Françaises et les Français se disent prêts à élire une femme à la tête de l’État, Mariette Sineau montre que le genre est plus que jamais une catégorie d’analyse utile et nous invite à re-penser les rapports de pouvoir entre femmes et hommes dans la France du XXIe siècle.
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2. La citoyenneté au travail
Séance avec Monique Meron et Julien Lusson (11 décembre 2013)
Monique Meron, administratrice de l’INSEE et affiliée au Centre de Recherche en Économie et Statistique (CREST), qui a présenté les travaux réalisés avec Margaret Maruani qui ont fait l’objet de leur ouvrage Un siècle de travail des femmes en France : de 1901 à 2011, éditions La Découverte.
En s’appuyant sur des analyses statistiques précises, les auteures remettent en cause bon nombre d’idées reçues sur le travail des femmes. « Compter et conter », telle est l’ambition de ce livre qui rappelle que les chiffres ne sont jamais neutres et que la façon dont on fabrique les statistiques participe à la construction sociale des phénomènes et en l’occurrence au brouillage idéologique qui minimise la contribution des femmes à l’activité économique.
Julien Lusson, expert du Cabinet Émergences, a présenté son étude sur l’égalité professionnelle à EDF S.A. : comment la performance économique des femmes s’est substituée à l’impératif d’égalité, et comment l’utilisation d’indicateurs ad hoc, construits pour la démonstration, permet de masquer l’inégalité de situation entre les femmes et les hommes.
« L’étude sur l’égalité professionnelle montre que l’Entreprise affiche l’égalité salariale à partir d’un indicateur fabriqué pour aboutir au résultat visé. Cet indicateur est une moyenne de moyennes qui affiche un écart quasi nul de rémunération entre les femmes et les hommes. Or, ce résultat n’est atteint que parce que les femmes sont très massivement bloquées aux positions d’emploi E, F et G aux GF 8 et 9, où elles sont dès lors mieux payées que les hommes, qui poursuivent leur carrière vers les échelons supérieurs. Cela permet d’effacer les différences de salaires défavorables aux femmes, constatées sur les autres plages et améliore mécaniquement le résultat global de l’indicateur utilisé… En réalité, l’écart réel est passé, toutes catégories confondues, de 15,79 % à 26,51 % en défaveur des femmes. Et de 13 % en 2007 à 22,5 % en 2010 pour le seul personnel statutaire. » (Bilan d’activité du CCE EDF SA 2011-2013)
3. Citoyenneté et femmes migrantes
Séance avec Claudie Lesselier et Hélène Y. Meynaud (30 janvier 2014)
Claudie Lesselier est enseignante et militante du RAFJIRE (Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées). Ses recherches portent sur les parcours d’exils et de migrations des femmes, le droit d’asile, les politiques d’immigration, les questions de genre et le féminisme. Elle étudie également l’histoire des mouvements de femmes de l’immigration en France. Elle a travaillé sur les doubles violences qui se renforcent l’une l’autre : violence conjugale et impact de la violence des lois sur l’immigration. Publications:
Les femmes sont aussi des militantes Dans Plein droit 2008/2 (n° 77)
Sexe : de l’intimité au « travail sexuel », ou prostituer est-il un droit humain ?
Cecilia Hofman, Coalition contre le trafic des femmes – Asie Pacifique Dans Nouvelles Questions Féministes 2002/2 (Vol. 21)
Hélène Y. Meynaud est chercheuse associée au laboratoire Genre, Travail et Mobilités et juge des Prud’hommes. Elle s’est intéressée au racisme au travail, à la manière avec laquelle les migrantes, indispensables dans nos sociétés, sont privées des bénéfices du droit du travail.
Elle est intervenue sur la nouvelle donne féminine des migrations, ainsi que sur de nouveaux outils juridiques disponibles, pour réagir au niveau Européen et Français.
Elle a publié Les Sondages d’opinion (avec D. Duclos), La Découverte, 2007 et La Part De L’étranger.e – Travail & Racisme , Le bord de l’eau, 2010.
4. Violences, Sécurité et Citoyenneté
Séance avec Michèle Loup, Sylvie Cromer et Elizabeth Brown (13 mars 2014)
Michèle Loup est une militante féministe engagée depuis les années 1980. Elle est Présidente de l’association « Du Côté des Femmes » et vice présidente de l’association des élu-e-s contre les violences faites aux femmes.
Sylvie Cromer est sociologue et Maître de Conférences à l’université Lille 2. Elle est chercheuse associée à l’INED. Elle a longuement travaillé sur les représentations du féminin et du masculin dans les manuels scolaires, et fait partie de l’équipe VIRAGE.
Elisabeth Brown est démographe, statisticienne, Maitre de Conférences à l’Université de Paris 1. Elle fait partie, avec Sylvie Cromer, de l’équipe VIRAGE.
L’enquête VIRAGE entend actualiser l’enquête ENVEFF et approfondir la connaissance statistique des violences faites aux femmes et se propose d’étendre son champ d’investigation à la population masculine.
5. Laïcité, droits des femmes et citoyenneté
Séance avec Chahla Chafiq et Nathalie Baleato (15 mai 2014)
Chahla Chafiq, historienne et écrivaine
Nathalie Baleato, directrice de la crèche Baby Loup
En quoi la laïcité, c’est-à-dire la stricte séparation entre les religions et la sphère publique, est-elle une digue de protection pour la liberté des femmes ? En quoi est-elle un enjeu pour l’émancipation humaine? Chaque avancée vers la réappropriation de leur propre corps par les femmes, vers le pouvoir de décider de leur propre vie, a été l’objet d’une lutte intense, les religions s’y sont opposées de façon acharnée.
L’égalité entre les sexes fait partie des valeurs universalistes qui sous-tendent le principe de laïcité et la citoyenneté des femmes, pleine et entière, doit prévaloir sur toute référence aux particularismes culturels ou religieux.
La laïcité représente donc un acquis politique et social majeur, notamment pour se protéger de tous les intégrismes qui sont des armes redoutables contre nos libertés.
Chahla Chafiq a notamment écrit Islam, politique, sexe et genre. PUF, 2011