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Colloque de Cerisy sous la direction de

Pierre MUSSO et Alain SUPIOT

La création de l’Organisation internationale du travail a été justifiée par le fait « que la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays » (Préambule de la constitution de l’OIT, alinéa 3). Il s’agissait d’instituer une police sociale de la concurrence internationale, propre à empêcher que celle-ci ne détériore au lieu d’améliorer les conditions de travail des hommes.

Ce qu’il est convenu d’appeler la « globalisation » donne à ce constat une actualité nouvelle. Avec la globalisation, il n’est plus guère de pays dans lesquels ce régime ne dépende fortement des échanges internationaux. Cette dépendance se manifeste par une extension du travail salarié, mais aussi par la déstabilisation des formes traditionnelles de travail et par la montée en puissance du chômage et d’un travail dit « informel », qui ne relève ni du travail traditionnel, ni du salariat. Dans le même temps, la révolution numérique et les nouvelles formes de « rationalisation » du travail donnent jour à des types inédits d’aliénation et de risques pour la santé, mais ouvrent sous certaines conditions des opportunités nouvelles pour une plus grande liberté dans le travail.

L’intelligibilité de ces transformations suppose une remise en perspective historique de la notion clé de « régime de travail réellement humain ». Cette notion oblige à penser la dimension proprement anthropologique et culturelle du travail, c’est-à-dire à considérer aussi bien son rôle nodal dans la condition humaine, que la place spécifique qui lui est assignée dans chaque civilisation. À première approche, on peut dire qu’il doit s’agir d’un travail permettant à celui qui l’exécute de mettre une part de lui-même dans ce qu’il fait. Car tel est le propre du travail de l’homme, ce qui le distingue de celui de l’animal ou de la machine. Il prend racine dans des représentations mentales que le travailleur s’efforce d’inscrire dans l’univers des choses ou des symboles. En cela, le travail est aussi une école de la raison: mettant nos images mentales aux prises avec les réalités du monde extérieur, il nous oblige à prendre la mesure, et de ce monde, et de ces représentations.

Au plan historique, ce colloque examinera  les grandes évolutions intervenues en un siècle, au regard des formes nouvelles de déshumanisation du travail. Au plan comparatif, il considérera les divers sens que la notion de « régime réellement humain du travail » peut prendre d’une civilisation à l’autre. Cette comparaison ne peut se fonder sur la projection des catégories de pensée nées de l’expérience industrielle et doit donc faire une large place au temps long et à la diversité des cultures. Elle doit porter aussi bien sur les relations de travail que sur le travail en lui-même, son sens et son contenu. D’un point de vue méthodologique, ce colloque ne se cantonnera pas aux habituelles approches socio-économiques, mais fera une large place à la signification philosophique ou religieuse, ainsi qu’aux représentations artistiques (littéraires, musicologique, cinématographiques ou picturales) du travail dans les grandes civilisations. Prendre la mesure des évolutions intervenues en ces domaines depuis un siècle suppose de les replacer dans la perspective du temps long des civilisations.

Programme 
4 – 11 juillet 2017

Ouverture
Alain SUPIOT: La juste division du travail
Dominique MÉDA: Simone Weil et Hannah Arendt: deux philosophies du travail

Tour du monde du concept de travail, table ronde avec Cristina CIUCU (Judaïsme. Travail et asservissement), Danouta LIBERSKI BAGNOUD (Le travail vu au prisme du rituel), Charles MALAMOUD & Annie MONTAUT (L’Inde) et Denis PAILLARD (La Russie)

L’image du travail, avec Jean-Paul GÉHIN (Les sciences sociales et les images du travail) et Cornelia ISLER-KERÉNYI (Le travail dans l’imaginaire grec)

Significations humaines du travail
Gerd SPITTLER: L’anthropologie du travail: une comparaison ethnographique
Isabelle FERRERAS: La démocratie au travail

Le travail entre la personne et la chose
Augustin BERQUE: La forclusion du travail
Pietro CAUSARANO: Conflit industriel et sens du travail: l’expérience italienne des années 1970 dans la pensée de Bruno Trentin

L’histoire du travail a-t-elle un sens?
Andreas ECKERT:
Histoire globale du travail
Sandrine KOTT: L’OIT en tension: entre conditions humaines de travail et productivisme (1919-1989)

Le travail saisi par la globalisation
Babacar FALL:
Émigration et quête du travail: le cas des jeunes sénégalais

L’avenir du travail entre dirigeants d’entreprise et syndicalistes (organisée dans le cadre des conversations du centenaire de l’OIT), table ronde animée par Cyril COSME (BIT), avec Laurent BERGER (CFDT), Luc BÉRILLE (UNSA), Pascal DALOZ (Dassault Systèmes), Antoine FRÉROT (Veolia), Jean KASPAR, Sabine LOCHMANN (BPI), Philippe MARTINEZ (CGT), Alexandre SAUBOT (UIMM), Bernard THIBAULT (CA-BIT), Yves VEYRIER (FO) et un ou deux dirigeants de PME de la région Normandie

L’avenir du travail entre dirigeants d’entreprise et syndicalistes (organisée dans le cadre des conversations du centenaire de l’OIT), table ronde animée par Cyril COSME (BIT) [suite]

Les normes internationales du travail
Francis MAUPAIN:
Quel avenir pour l’OIT et son rôle de régulation sociale de l’économie globalisée?
Pedro NICOLI & Supriya ROUTH: Un régime de travail réellement humain et l’approche pluraliste des capabilités pour les travailleurs informels: pistes de l’Inde et du Brésil

Le travail concret
Pierre-Michel MENGER: Travail instrumental et travail créateur
Philippe d’IRIBARNE: Les cultures du travail

Travail et technique, table ronde avec Jean-Michel BESNIER (La robotique, alibi d’une humanité fatiguée d’elle-même), Marie-Anne DUJARIER (Tous producteurs? Institutions du travail et anthropologie de l’activité en jeu dans les plateformes numériques) et Michel LALLEMENT (Refaire travail: des pratiques alternatives à la croisée du technique et du politique)

Le temps et les rythmes de travail: les chants de travail, avec Étienne BOURS (Chanter en travaillant puis déchanter le travail), Benoit DE CORNULIER (Rythmer l’action par la parole) et Janis SARRA (Le rôle et le rythme de la chanson chez la classe ouvrière dans la lutte pour la justice sociale)

Les représentations du travail dans l’entreprise
Christophe DEJOURS:
Travail vivant et accomplissement de soi
Samuel JUBÉ: L’image comptable du travail

Travail, territoire et entreprise
Christian DU TERTRE: L’inscription territoriale du travail
Michel VOLLE: De la main d’œuvre au cerveau d’œuvre
Pierre VELTZ: Le travail dans la cité

Conclusions
Thibault LE TEXIER: Management et démocratie d’entreprise
Pierre MUSSO: Le travail dans l’imaginaire industriel

Table ronde et synthèse du colloque avec les doctorants, animée par Corine EYRAUD et Pierre MUSSO

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Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle
Le Château, 50210 Cerisy-la-Salle
4 – 11 juillet 2017