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Rencontre avec Samba Sy, membre du Bureau politique, chargé de la communication et porte-parole du Parti de l’’Indépendance et du Travail du Sénégal (PIT), directeur du Centre national de formation et d’action (CNFA) du Sénégal, membre du conseil scientifique de la Fondation Gabriel Péri (18 septembre 2012).

 

 

Après une séquence électorale ayant permis l’alternance, le Sénégal s’est doté d’un nouveau gouvernement qui doit répondre aux attentes populaires : la rupture avec les pratiques de l’ancien régime et l’élaboration de réponses conséquentes aux défis économiques, sociaux, énergétiques et agricoles. La recomposition de la classe politique semble engagée, quelles en sont les implications pour les forces de gauche ? Alors que les crises et les tensions agitent la région ouest-africaine, quel rôle peut jouer le Sénégal ?

En dépit des appréhensions légitimes que les Sénégalais (et beaucoup de leurs amis de par le monde) avaient nourri, à la veille de l’élection présidentielle de 2012,  le Sénégal a réussi à préserver son image de pays démocratique, dans lequel le Peuple souverain a, en définitive, le dernier mot. Abdoulaye Wade a été battu, son régime défait, son mode de gouvernance rejeté, sans la moindre équivoque.

Bien entendu, le prix payé pour arriver à un tel résultat a été élevé : les Sénégalais ont dû se mobiliser sans désemparer, explorer le maximum de plage de convergence, enfiler marches et rassemblements pour pousser Wade et les siens dans leurs derniers retranchements. Du reste, à l’heure du bilan, il ne faut  oublier ni ceux qui ont dû payer de leur vie les changements obtenus, ni ceux qui ont aidé à y accéder au prix de leur sang.

Mais  le fait est là : Abdoulaye Wade qui disait à qui voulait l’entendre que son régime serait aux affaires pour au moins 50 ans a dû, très certainement la mort dans l’âme, reconnaitre sa défaite et se résoudre à passer la main, en ayant pleinement conscience que son camp  n’avait aucune chance de survivre à sa perte du pouvoir.

Pour autant, tout n’est pas gagné. En effet, le Sénégal, en douze ans, a été si désarticulé, ses ressources tellement spoliées, les symboles de la République si malmenés, certains de ses citoyens si habitués aux passe droits et aux privilèges, que la tâche de redressement national s’avère, pour tout observateur averti, titanesque. D’autant que de tout côté il y n’a que des urgences : le retour de la paix en Casamance, l’Ecole et l’Université, le monde rural, l’électricité, la pêche, la santé, l’emploi, la sécurité…Les espoirs sont si grands, les moyens si réduits et les écueils si nombreux, qu’on ne peut envisager l’avenir sans quelques appréhensions…

Précisément parce que, comme le dit Gramsci dans ses Lettres de prison, c’est «  lorsque l’ancien se meurt sans que le nouveau parvienne à voir le jour, que surgissent les monstres. » Il faut donc agir vite, impulser les changements venus à maturité, donner à voir que le chemin emprunté est bien le bon. Un tel objectif suppose d’abord et avant tout que la coalition de « circonstance » qui est aux affaires gagne en cohérence, qu’elle renforce son unité et qu’elle se dote d’un horizon, lui permettant d’avancer ,d’un pas résolu, dans la prise en charge et la recherche de solutions au mille et un défis auxquels les Sénégalais sont confrontés.

1/CONTINUER A EDIFIER LE CAMP DU CHANGEMENT

Au soir du 25 mars 2012, Macky Sall a été élu triomphalement Président de la République du Sénégal. Une victoire très nette, rendue possible parce que son adversaire du second tour s’est retrouvé coupé du Sénégal réel, c’est-à-dire incroyablement isolé. Au point que pas un seul des douze autres prétendants au fauteuil présidentiel n’a appelé à voter Wade ! Tout au contraire : ils se sont tous retrouvés autour du candidat de l’opposition arrivé 2ème au premier tour.

Leur ralliement à Macky Sall- qui traduit ou symbolise éloquemment le Sénégal dont les Sénégalais ne veulent plus- donne toutefois à réfléchir.

En effet Bennoo Bokk Yakaar ne concentre pas que les forces politiques et sociales fédérées par les Assises nationales. On y retrouve aussi une coalition telle que celle pilotée par Idrissa Seck, ancien Premier ministre de Wade, jadis « jardinier de ses rêves », dont le jeu de yoyo avec son ex mentor avait fini de semer le doute dans l’esprit de nombre de ses compatriotes.

Bennoo Bokk Yakaar, ce sont aussi ces candidatures du dernier moment, candidatures ayant fait jaser et dont nombre d’observateurs disaient qu’elles avaient été, pour certaines d’entre elles à tout le moins,  suscitées ou, à défaut, fortement encouragées par Abdoulaye Wade lui-même…

Bennoo Bokk Yakaar, c’est enfin une coalition dont la  pièce maitresse- l’A.P.R- « est sans l’être » partie prenante des Assises nationales. En effet le Président Macky Sall, tout en se réclamant (mollement ?) des Assises, pour en avoir signé les conclusions, a très tôt marqué sa différence. Aussi ne consent-il pas, tout Président de la République qu’il soit, à renoncer à son statut de Chef de Parti. Il n’est pas non plus partant pour un régime de type parlementaire.  Par ailleurs le Président Macky Sall ne décidera de la suppression du SENAT qu’après en avoir lancé la procédure d’élection ! Il a dû, au dernier moment, se rallier au sentiment dominant d’une bonne partie de l’opinion nationale, bloquer le processus enclenché pour économiser des ressources aux fins de faire face à la furie des eaux ayant transformé Dakar en une gigantesque mare et plongé des centaines de milliers de Sénégalais dans une détresse sans nom…

Malgré tout, le Président Macky Sall est prêt à coopérer avec le Comité national de pilotage des Assises pour qu’une commission pérenne soit instaurée, aux fins de veiller à l’application des conclusions des Assises.

Dans la composition de son gouvernement tout comme dans la confection de la liste de la coalition Bennoo Bokk Yakaar pour les législatives, le Président Macky Sall a, objectivement, fait montre d’ouverture et de respect pour ses partenaires. Ainsi par exemple a-t-il dû contenir avec fermeté son camp pour faire de Moustapha Niasse de l’A.F.P  le Président de l’Assemblée nationale. Dans la même veine, il n’hésite pas, dans ses déplacements à l’extérieur du pays, de se faire entourer par les  figures emblématiques de sa coalition, mettant à contribution leurs relations internationales, au profit du Sénégal. De ce point de vue, il est possible de lui donner du crédit quand il allègue que pour lui, «  la Patrie doit passer avant le Parti »…

Bennoo Bokk Yakaar se ressent cependant du fait que le parti du Président, l’A.P.R, est un Parti en construction, n’ayant pas encore fini de mettre en place ses instances. Quelque part, les alliés du Président peinent à trouver des interlocuteurs notamment à la base, quand ils n’en trouvent pas…beaucoup trop !

Du reste et même au sommet, la concertation entre partenaires se fait au coup par coup, Bennoo Bokk Yakaar n’ayant pas encore, formellement en tout cas, des instances d’élaboration et de prise de décision, en dehors de la « conférence des leaders »…

Or, parce que Bennoo Bokk Yakaar a réussi à transcender les clivages Gauche/Droite, parce que cette coalition a comme tâche historique de jeter les bases solides d’un Etat de droit, d’une République démocratique, laïque et citoyenne, c’est-à-dire de faire du Sénégal un pays souverain, de justice sociale et de progrès partagés, il faut plus de cohérence dans Bennoo. Il importe que cette coalition se dote d’une plate forme politique et d’un agenda consensuel, de normes de prises de décisions et de fonctionnement dûment établies.

Précisément parce que de la solidité de Bennoo Bokk Yakaar, de sa cohésion interne et de son intelligence politique dépend, pour une large part, la résolution des nombreux problèmes auxquels les Sénégalais sont confrontés.

2/ L’EPINEUX LEGS DE WADE

Entre les deux tours de la présidentielle de 2012, les Sénégalais ont été sidérés d’entendre le Président sortant dire qu’en l’état, personne ne peut diriger le Sénégal, si ce n’est lui, et que si les Sénégalais portaient majoritairement leur vote sur son concurrent, ils le découvriraient au plus tôt et à leurs dépends !

Quelque part, un tel propos cadre bien avec le profil du personnage, imbu de sa personne, excessivement sûr de lui, au point de tenir les autres pour quantité négligeable.

Mais à y regarder de plus près, cette déclaration de Wade était peut-être aussi motivée par la pleine conscience que le vieux Président avait de l’état réel de son pays, par delà les comptes maquillés et le discours d’autoglorification.

a/L’électricité en panne

L’un des legs de Wade dont pâtit l’actuel régime, c’est le plan «Takal » du wolof « allumer » ou, si l’on veut persifler « embraser ». Ce plan, élaboré par l’ancien ministre du ciel et de la terre  Karim Wade, a fini de se révéler comme un véritable tonneau des Danaïde.

Gouffre à milliards, pompe aspirante de tous les autres fonds des autres secteurs de la vie nationale, le plan Takal n’en a pas pour autant résolu le récurrent problème de la fourniture d’électricité.

Pour preuve, Wade parti, le Sénégal continue à vivre les sempiternelles coupures d’électricité, la SENELEC demeurant empêtrée dans son endettement chronique, ses problèmes de trésorerie, sa lourde dépendance à l’énergie fossile, la mauvaise gestion de ses approvisionnements, avec et fatalement, des tarifs fortement subventionnés parce que prohibitifs.

De sorte que de plus en plus, le plan Takal apparaît comme simplement conçu pour traverser le gué, c’est-à-dire remettre à plus tard les choix qui fâchent, le temps de dépasser le cap des élections.

L’actuel régime a décidé de trancher dans le vif et les Sénégalais qui n’en peuvent plus se sont entendus dire qu’il y aurait une hausse des tarifs, même si celle-là devait épouser le niveau de consommation, c’est-à-dire discriminer les moins nantis de ceux plus riches.

b/Une campagne agricole poussive

Sitôt installé, le nouveau régime a dû faire  avec la dure loi de la continuité de l’Etat. Il a dû répondre de la mauvaise qualité des semences d’arachide, du déficit criard d’intrants agricoles, d’engrais notamment, du retard relatif dans la mise à disposition des facteurs de production. Il lui a fallu aussi et dans la foulée appeler ses partenaires à un urgent accompagnement pour faire face à la soudure frappant le monde rural.

Par ce biais, il réussira à soulager en partie les paysans du pays sans que cela puisse augurer, au vu de la manière dont les choses étaient engagées, d’une bonne campagne agricole, quel que soit par ailleurs le caractère prometteur de la saison des pluies…

L’actuel régime a aussi hérité de l’épineux dossier de la faim de terres de l’agrobusiness. Il a décidé d’affecter à SEN ETHANOL, chassé de la communauté rurale de Fanaye par la résistance des populations, 10000 hectares de terre susceptibles de passer à 20000, à GNITH, après maints rebondissements.

Ce qui ne va pas sans imposer au Sénégal et  dans des délais qui ne peuvent plus être durablement reculés, un débat de fond sur le foncier et sur la politique agricole à mettre en œuvre, sans préjudice de ce qu’en ont déjà dit les Assises nationales.

c/ Une Ecole piégée

Le même débat de fond s’impose concernant l’Ecole sénégalaise. A la vérité, celle-ci est au plus mal, tant et si bien que pour l’année en cours, ni les élèves ni les étudiants n’auront droit à des vacances.

Il a fallu recourir à des expédients, prolonger l’année au maximum pour essayer de compenser (sans y arriver réellement) les trop longs mois de grève de certains  enseignants. Ceux-ci sont restés, dans le cycle moyen secondaire, près de 5 mois en dehors des classes, réclamant à cor et à cris un plus juste traitement salarial, dans le cadre d’une fonction publique complètement désarticulée par le prédécesseur du Président Macky Sall.

Justement parce que Abdoulaye Wade, faisant flèche de tout bois, n’a pas hésité un seul instant à accorder des privilèges importants à divers corps de l’administration, pour peu qu’il ait pensé qu’ils pouvaient  être utiles à la pérennisation de son système. Ce faisant, les distorsions ont été telles que les enseignants en sont venus à verser dans ce qui apparaît comme une sorte de surenchère, au vu des ressources somme toute modestes du pays, rapportées aux urgences à affronter.

d/ Culture de l’impunité et culte des privilèges

L’un des travers les plus pernicieux du legs de Wade, c’est le déficit de probité ayant conduit plus d’un décideur de la vie nationale à confondre biens publics et biens privés. Les abus ont été tels, l’enrichissement de certains si soudain et massif, les habitudes de mal gouvernance si ancrées, que remettre la République en ordre ne sera pas une partie de plaisir.

Pour ne prendre que cet exemple, si Dakar entre autres villes du pays se ressent autant que cela des inondations, c’est aussi parce que la boulimie foncière et la permissivité, adossées à la corruption, ont permis à certains Sénégalais de tout accaparer, de vendre jusqu’y compris des espaces de passage de l’eau de pluie, au point que la capitale du Sénégal se retrouve étranglée…

Par ailleurs, certains marabouts et autres dignitaires, habitués aux passeports diplomatiques et aux valises remplies d’argent que le vieux Président n’hésitait guère à leur délivrer, ne se gênent nullement pour indiquer, à haute et intelligible voix, qu’ils ne sont, en aucune manière, disposés à subir sans broncher, d’être traités autrement que ne le requiert leur auguste rang…

Pour dire que si les cinq années de mandat que le Président Macky Sall( pourtant élu pour sept ans) se donne, sont perçus comme une période de transition, pour faire advenir les ruptures indispensables au Sénégal, il s’avère crucial, pour la période, de bien cerner les contours de classe des mutations politiques, économiques et sociales en cours.

Précisément parce que le projet de l’ancien Président de « fabriquer une nouvelle classe d’entrepreneurs», de façon tout à fait artificielle, par le recours aux marchés publics surfacturés, la spéculation foncière et immobilière, les détournements des opportunités d’affaires et de la coopération, au détriment des véritables entrepreneurs nationaux, a conduit même ceux-là à participer, activement, aux Assises nationales mais aussi aux autres phases de la lutte pour le départ de Wade.

Ce qui a eu comme résultat d’agrandir le spectre des forces coalisées dans la coalition Bennoo Bokk Yakaar, mais aussi d’en faire un réel champ de complexité, avec très probablement et au fil du temps de rudes batailles d’orientation.

Encore une fois, la volonté de l’ancien Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, de créer, à la manière d’un démiurge,  une nouvelle classe d’entrepreneurs, va pour longtemps impacter la vie économique et politique nationale.

Précisément parce que pendant des décennies, sous Senghor tout comme sous Diouf, des cadres intellectuels et de hauts fonctionnaires ont constitué le « socle » à partir duquel a surgi une bourgeoisie bureaucratique, par le biais de cooptations dans la gestion de l’Etat.

Tel n’a pas été le cas avec Wade et ces cadres tout comme les entrepreneurs nationaux déjà établis se sont retrouvés marginalisés.

Ces cadres donc, espérant avec la chute de Wade revenir aux affaires, sont particulièrement réfractaires à l’idée de voir les véritables entrepreneurs nationaux prendre la place qui, pensent-ils,  leur revient de droit…

S’y ajoutent les réactions prévisibles du patronat français qui devrait, de plus en plus, composer avec le « patriotisme économique » sénégalais. Or,  si ce « patriotisme économique »  se traduit par une préférence nationale, aux antipodes de la volonté de positionnement de quelques patrons locaux comme simples partenaires d’un intervenant étranger dit «  stratégique », qui tirerait les marrons du feu, c’est-à- dire donc par une volonté de faire profiter au Sénégal et aux Sénégalais de l’essentiel des fruits de leur travail, il est légitime de se demander ce que sera la réaction du patronat français, solidement installé au Sénégal. En tous les cas, il est probable que ce ne soit pas avec le sourire que ceux qui ont toujours profité des situations de rente et d’autres privilèges réagiront!

D’où donc la nécessité, pour toutes les forces de progrès, de peser de tout leur poids pour consacrer les ruptures indispensables dans la vie nationale, au profit de la majorité des travailleurs, des femmes et des jeunes du pays.

3/ SE RASSEMBLER SANS S’ALIENER

La ligne directrice du Parti de l’Indépendance et du Travail(P.I.T), depuis plus de trois décennies, celle de son action politique au plan national, c’est « la stratégie de large rassemblement ». Bien loin d’un œcuménisme lénifiant qui gommerait les différences enrichissantes, il s’agit plutôt de construire, à chaque tournant de la vie historique de la lutte du Peuple sénégalais pour plus de souveraineté, de démocratie et de justice sociale, les rapports de force nécessaires à la réalisation des changements venus à maturité.

La pertinence d’une telle ligne d’action s’est manifestée  avec éclat au début des années 90 sous Diouf (adoption d’un code consensuel ayant débloqué la situation politique…), en 2000 avec la première  alternance démocratique, mais aussi en 2012…

Régulièrement, le P.I.T a réussi, à force de patience et de ténacité, de fermeté sur les principes et d’ouverture, à fédérer autour de lui les forces nécessaires pour conduire à des évolutions significatives.

Malheureusement trop souvent aussi les fruits n’ont pas tenus la promesse des fleurs, principalement parce que les Partis se réclamant du camp de la transformation sociale ont manqué de perspicacité, de solidarité, de constance, préférant le positionnement partisan à la défense intransigeante des intérêts populaires.

Pour dire qu’à l’expérience, il y a bien loin de la coupe aux lèvres. Autrement dit, être de Gauche, surtout aujourd’hui, ne peut relever de la simple incantation. Beaucoup trop d’hommes et de femmes, de formations politiques du Sénégal, qui au plan doctrinaire n’ont cessé de se réclamer du camp du progrès et de la justice sociale, ont cédé aux lambris dorés du pouvoir, n’ont pas réussi à rester eux-mêmes, à l’épreuve du pouvoir.

Abdoulaye Wade, particulièrement, en aura usé plus d’un, au point non seulement de les rendre méconnaissables, mais aussi de conduire plus d’un Sénégalais à se dire que « tous se valent ».

Il apparait ainsi nécessaire au camp du progrès, de la liberté, de la justice sociale, de savoir à la fois cultiver avec les autres les indispensables  convergences et à la fois de se doter de la force d’âme lui permettant de ne pas se  renier, de demeurer un recours, de donner toujours des raisons d’espérer

Pour ce faire, la Gauche sénégalaise devra muter, arriver à articuler ses différents démembrements, de sorte à peser de manière significative.

L’une des hypothèses agitées au P.I.T, c’est que la coalition Bennoo Siggil Senegaal, composée de la plupart des forces qui se réclament de la Gauche- à la notable exception du Parti socialiste- que donc Bennoo Siggil Senegaal pourrait évoluer en une sorte de front de la Gauche sénégalaise. Les scores obtenus à la présidentielle, le positionnement de ce cadre dans le gouvernement, sa place à l’assemblée nationale, devraient être convertis en autant de leviers pour réaliser les synergies indispensables aux forces de progrès du Sénégal. Ce qui peut être facilité par le fait qu’au sein de Bennoo Siggil Senegaal et par la force des choses, il a fallu apprendre à travailler ensemble, à s’accorder sur des plateformes politiques, bref à faire cause commune pour davantage peser.

CONCLUSION

Le  peuple sénégalais  a, incontestablement, des raisons objectives d’être fier de lui. A des moments cruciaux de son devenir, il a su trouver, dans son propre génie, les ressorts nécessaires à  l’expression de sa pleine souveraineté. Ainsi, le 23 juin, il s’est opposé, avec succès,  à un projet de loi scélérat  qui ambitionnait de lui enlever tout réel pouvoir de choix de ses propres dirigeants.

Il a aussi fait face, dans la durée, au régime de Wade, a ses policiers, gendarmes, à ses pratiques corruptrices, à son absence radicale d’éthique en matière de  pratique politique. Et pour couronner le tout, le 25 mars, il a, dans un élan irrésistible, envoyé Wade et son camp dans les cordes par un vote sans appel  (65% des suffrages !)

Ce faisant le Peuple sénégalais a révélé  qu’en dépit de tous les facteurs handicapants qui sont les siens, dont les moindres ne sont pas le faible  niveau  d’étude de sa population globale, la pauvreté de celle-ci, la prégnance de l’autorité religieuse, l’atomisation des acteurs politiques, qu’il sait se hisser à la hauteur des exigences des moments historiques.

De sorte que le Sénégal, par l’expression démocratique de ses  filles et fils, brille de mille feux.

Pour autant, qui peut présager de ce dont demain sera fait ? La réalité du monde est si  complexe, la sous région ouest africaine si travaillée par un champ  d’instabilité, les défis internes au Sénégal si redoutables, rapportés à ses ressources propres, qu’il convient de se dire  qu’ici comme ailleurs rien n’est définitivement acquis.

D’autant plus que les  sénégalais  se montrent pressés. Beaucoup d’entre  eux, dont une bonne partie manipulés par le camp des défaits, se plaignent du fait  que pas grand chose dans leur vécu ne leur indique, de façon significative,  qu’il y a eu dans le pays changement de régime. Le coût de la vie demeure hors de portée du grand nombre. La demande en emplois est toujours criarde. L’Ecole et l’université souffrent de mille maux et il n’est toujours pas facile de se soigner correctement…

Pour peu donc que les actuels dirigeants du pays ferment les yeux sur le réel concret de leur pays, la colère va sourdre et les conflits éclatés vont être fédérés. Or, puisqu’il n’y a  que le 1er pas  qui coûte, le divorce  pourrait alors  s’installer entre dirigeants et dirigés.

Le comprendre, agir pour qu’il n’en soit pas ainsi, c’est demeurer constamment à l’écoute des pulsions populaires. Nullement pour tout faire et tout de suite. Mais pour prendre acte, prendre date, prouver la marche en marchant, pour que de façon concrète, la grande majorité des sénégalais puisse se convaincre que leur engagement n’a pas été vain. En définitive, l’horizon demeure ouvert et le champ du possible d’une extrême profusion.