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Les femmes ont joué un rôle important tout au long de la Commune. Le 18 mars, ce sont des femmes qui, participant à la protection des canons, ont permis la fraternisation des soldats de Versailles avec le peuple parisien. Le 3 avril, apprenant l’offensive versaillaise et les exécutions sommaires de prisonniers, elles manifestent pour réclamer une marche sur Versailles. Nombreuses sont celles qui participent aux combats en tant que cantinières, ambulancières ou soldats.
Le 10 avril 1871, «un groupe de citoyennes» fait un appel aux citoyennes de Paris pour organiser et défendre la Révolution: «l’heure décisive est arrivée. Il faut que c’en soit fait du vieux monde ! Nous voulons être libres ! Et ce n’est pas seulement la France qui se lève, tous les peuples civilisés ont les yeux sur Paris, attendant notre triomphe pour, à leur tour, se délivrer».
Le 11 avril, l’Union de Femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés est créée. Cette organisation féministe a joué un rôle majeur en mettant en place un service d’ambulances féminin et laïque, en obtenant la fermeture des maisons de tolérance, l’interdiction de la prostitution ou encore la reconnaissance de l’union libre.
Dans une adresse à la Commission exécutive de la Commune de Paris du 13 avril, les membres du Comité central des citoyennes posent la question de l’égalité des sexes dans la participation à la défense de la Commune.

Journal officiel de la Commune de Paris, partie non officielle, mardi 11 avril 1871

APPEL AUX CITOYENNES DE PARIS

Paris est bloqué, Paris est bombardé…

Citoyennes, où sont-ils nos enfants, et nos frères, et nos maris?… Entendez-vous le canon qui gronde et le tocsin qui sonne l’appel sacré?

Aux armes! La patrie est en danger!…

Est-ce l’étranger qui revient envahir la France? Sont-ce les légions coalisées des tyrans de l’Europe qui massacrent nos frères, espérant détruire avec la grande cité, jusqu’au souvenir des conquêtes immortelles que depuis un siècle nous achetons de notre sang et que le monde nomme liberté, égalité, fraternité?…

Non, ces ennemis, ces assassins du peuple et de la liberté sont des Français!…

Ce vertige fratricide qui s’empare de la France, ce combat à mort, c’est l’acte final de l’éternel antagonisme du droit et de la force, du travail et de l’exploitation, du peuple et de ses bourreaux!…

Nos ennemis, ce sont les privilégiés de l’ordre social actuel, tous ceux qui toujours ont vécu de nos sueurs, qui toujours se sont engraissés de notre misère… Ils ont vu le peuple se relever en s’écriant: «Pas de devoirs sans droits, pas de droits sans devoirs!… Nous voulons du travail, mais pour en garder le produit… Plus d’exploiteurs, plus de maîtres !… Le travail et le bien-être pour tous, — le gouvernement du peuple par lui-même, — la Commune, vivre libres en travaillant, ou mourir en combattant!…»

Et la crainte de se voir appelés au tribunal du peuple a poussé nos ennemis à commettre le plus grand des forfaits, la guerre civile!

 

Citoyennes de Paris, descendantes des femmes de la grande Révolution, qui, au nom du peuple et de la justice, marchaient sur Versailles, ramenant captif Louis XVI, nous, mères, femmes et sœurs de ce peuple français, supporterons-nous plus longtemps que la misère et l’ignorance fassent des ennemis de nos enfants, que père contre fils, que frère contre frère, ils viennent s’entre-tuer sous nos yeux pour le caprice de nos oppresseurs, qui veulent l’anéantissement de Paris après l’avoir livré à l’étranger?

Citoyennes, l’heure décisive est arrivée. Il faut que c’en soit fait du vieux monde! Nous voulons être libres! Et ce n’est pas seulement la France qui se lève, tous les peuples civilisés ont les yeux sur Paris, attendant notre triomphe pour, à leur tour, se délivrer. Cette même Allemagne, — dont les armées princières dévastaient notre patrie, jurant la mort à ses tendances démocratiques et socialistes, — est elle-même ébranlée et travaillée par le souffle révolutionnaire ! Aussi, depuis six mois est-elle en état de siège, et ses représentants ouvriers sont au cachot! La Russie même voit périr ses défenseurs de la liberté que pour saluer une génération nouvelle, à son tour prête à combattre et à mourir pour la République et la transformation sociale!

L’Irlande et la Pologne, qui ne meurent que pour renaître avec une énergie nouvelle, — L’Espagne et l’Italie qui retrouvent leur vigueur perdue pour se joindre à la lutte internationale des peuples, — l’Angleterre, dont la masse entière, prolétaire et salariée, devient révolutionnaire par position sociale, — l’Autriche, dont le gouvernement doit réprimer les révoltes simultanées du pays même et des pouvoirs slaves, — cet entrechoc perpétuel entre les classes régnantes et le peuple n’indique-t-il pas que l’arbre de la liberté, fécondé par les flots de sang versés durant des siècles a enfin porté ses fruits?

Citoyennes, le gant est jeté, il faut vaincre ou mourir! Que les mères, les femmes qui se disent: «qu’importe le triomphe de notre cause, si je dois perdre ceux que j’aime!» se persuadent enfin que le seul moyen de sauver ceux qui leur sont chers, — le mari qui la soutient, l’enfant en qui elle met son espoir, — c’est de prendre une part active à la lutte engagée, pour la faire cesser enfin et à tout jamais, cette lutte fratricide qui ne peut se terminer que par le triomphe du peuple, à moins d’être renouvelée dans un avenir prochain!

Malheur aux mères, si une fois encore le peuple succombait! Ce seront leurs fils enfants qui paieront cette défaite, car pour nos frères et nos maris, leur tête est jouée, et la réaction aura beau jeu! De la clémence, ni nous ni nos ennemis nous n’en voulons!…

Citoyennes, toutes résolues, toutes unies, veillons à la sûreté de notre cause! Préparons-nous à défendre et à venger nos frères! Aux portes de Paris, sur les barricades, dans les faubourgs, n’importe! soyons prêtes, au moment donné, à joindre nos efforts aux leurs; si les infâmes qui fusillent les prisonniers, qui assassinent nos chefs, mitraillent une foule de femmes désarmées, tant mieux! le cri d’horreur et d’indignation de la France et du monde achèvera ce que nous aurons tenté!… Et si les armes et les baïonnettes sont toutes utilisées par nos frères, il nous restera encore des pavés pour écraser les traîtres!…

Un groupe de citoyennes.

Journal officiel de la Commune de Paris, partie non officielle, vendredi 14 avril 1871.

Paris, le 13 avril 1871

ADRESSE DES CITOYENNES
À LA COMMISSION EXÉCUTIVE DE LA COMMUNE DE PARIS

Considérant :

Qu’il est du devoir et du droit de tous de combattre pour la grande cause du peuple, pour la Révolution;

Que le péril est imminent et l’ennemi aux portes de Paris;

Que l’union faisant la force, à l’heure du danger suprême tous les efforts individuels doivent se fusionner pour former une résistance collective de la population entière, à laquelle rien ne saurait résister;

Que la Commune représentante du grand principe proclamant l’anéantissement de tout privilège, de toute inégalité, — par là même est engagée à tenir compte des justes réclamations de la population entière, sans distinction de sexe, — distinction créée et maintenue par le besoin de l’antagonisme sur lequel reposent les privilèges des classes gouvernantes;

Que le triomphe de la lutte actuelle — ayant pour but la suppression des abus, et dans un avenir prochain la rénovation sociale tout entière assurant le règne du travail et de la justice, — a, par conséquent, le même intérêt pour les citoyennes que pour les citoyens;

Que le massacre des défenseurs de Paris par les assassins de Versailles exaspère à l’extrême la masse des citoyennes et les pousse à la vengeance;

Qu’un grand nombre d’entre elles est résolu, au cas où l’ennemi viendrait à franchir les portes de Paris, à combattre et vaincre ou mourir pour la défense de nos droits communs;

Qu’une organisation sérieuse de cet élément révolutionnaire en une force capable de donner un soutien effectif et vigoureux à la Commune de Paris, ne peut réussir qu’avec l’aide et le concours du gouvernement de la Commune;

Par conséquent,

Les déléguées des citoyennes de Paris demandent à la commission exécutive de la Commune:

1° De donner l’ordre aux mairies de tenir à la disposition des comités d’arrondissement et du Comité central, institués par les citoyennes pour l’organisation de la défense de Paris, une salle dans les mairies des divers arrondissements, ou bien, en cas d’impossibilité, un local séparé ou les comités pourraient siéger en permanence;

2° De fixer dans le même but un grand local où les citoyennes pourraient faire des réunions publiques;

3° De faire imprimer aux frais de la Commune les circulaires, affiches et avis que lesdits comités jugeront à propager.

Pour les citoyennes, membres du comité central des citoyennes :
ADÉLAÏDE VALENTIN, OUVRIÈRE;
NOÉMIE COLLEUILLE, OUVRIÈRE;
MARCAND, OUVRIÈRE;
SOPHIE GRAIX, OUVRIÈRE;
CÉLINE DELVAINQUIER, OUVRIÈRE;
ELISABETH DMITRIEFF.

Estampe de Gaillard fils, Musée Carnavalet de Paris, CC.

Le Monde illustré du 8 avril 1871, dessin de Ryckebush (Gallica).

Estampe de Moloch, Musée Carnavalet, CC.