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La pandémie de Covid-19, ses conséquences sanitaires, sociales et économiques interrogent les politiques mises en œuvre dans les différents pays. Au Cameroun, comme ailleurs, les pouvoirs publics sont mis à l’épreuve dans un contexte déjà difficile marqué par la guerre civile en zone anglophone et les affrontements avec les groupes terroristes au nord. Nous avons demandé au comité d’organisation de l’Université Nationale de la Jeunesse, projet organisé par  la Plateforme Indépendante des Jeunes pour la Démocratie et la Citoyenneté Active (PIJEDECA), soutenu par la Fondation, quelle était leur appréciation de cette situation inédite.

 

Quelle est la situation épidémiologique au Cameroun ? Comme le reste de l’Afrique et contrairement au reste du monde, est-il encore peu touché par la pandémie ?

La pandémie de Covid19 est une réelle préoccupation de santé publique au Cameroun. Comme dans la plupart des Etats du globe terrestre, le Cameroun avec ses 5436 cas répertoriés le 26 Mai 2020 et ses 175 décès est classé 2ème Etat subsaharien le plus touché par le Covid-19 après l’Afrique du sud (source site web de l’OMS du 28 Mai 2020). Il demeure ainsi, à l’instar d’autres Etats africains, dépassé par ladite crise sanitaire qui va crescendo du fait du non-respect par le plus grand nombre de personnes des gestes barrières, de la vétusté et de l’insuffisance des équipements médicaux, de la précarité ambiante, de la mauvaise prise en charge des personnes contaminées mais surtout d’une mauvaise politique globale de gestion de la crise et de ses conséquences.

Le chef de l’Etat Paul Biya s’est exprimé pour la première fois depuis le début de la pandémie le 19 mai. Pourquoi ce silence vivement dénoncé par l’opposition camerounaise ? Que retenir de sa déclaration ?

Les silences du chef de l’Etat du Cameroun demeurent un mystère pour le plus grand nombre des Camerounais et sans vouloir nous avancer à des conjectures erronées nous restons à l’affût de l’actualité sur cette question. Nonobstant cela, lors de son discours du 19 Mai dernier, très attendu, il est revenu de façon lapidaire sur la nécessité d’une solidarité nationale dans la lutte contre ce fléau ; il a également appelé son gouvernement à ne ménager aucun effort pour la réussite de la lutte contre la COVID19 avant d’abonder dans le rappel des mesures barrières déjà largement diffusées et vulgarisées depuis le début de la crise dans notre pays. Néanmoins il reste le seul chef d’Etat n’ayant pris la parole qu’une seule fois depuis le début de la crise cela présuppose soit son incapacité à gérer soit l’insouciante outrancière dont il fait preuve vis-à-vis des populations et des garanties qu’elles sont en droit d’attendre de lui.

Quelles sont les mesures mises en œuvre par l’Etat pour faire face à la pandémie dans un contexte où le système de santé pâtit de manques de moyens et de personnels ?

Les pouvoirs publics du Cameroun ont adopté de nombreuses mesures pour éradiquer la pandémie de Covid-19 dans notre pays. Les premières mesures prises à cet effet furent la fermeture des frontières, la fermeture des écoles, des universités et des instituts d’enseignements supérieurs, l’arrêt des activités dans les débits de boisson et autres commerces dès 18h, la mise à la disposition de la population d’un numéro vert , le confinement partiel etc. Le ministre de la santé publique au Cameroun a repris à son compte les mesures validées et prônées par l’OMS en l’occurrence (obligation du port du masque dans les lieux publics, désinfection des mains de manière récurrente, le respect d’une distance d’un mètre et demi entre les usagers, limitation du nombre de personnes à 50 pour les regroupements publics etc.). En sus, il a de concert avec le ministre du transport ramené à 3 pour un premier temps puis à 4 le nombre de place dans les transports en commun (taxi) qui jadis était à 6 chauffeur compris. Il a réquisitionné certains hôtels et les logements sociaux non encore occupés pour la mise en quarantaine des cas suspects ; il a en outre réquisitionné certaines cliniques et centres médicaux privés pour la prise en charge de certains malades atteints du Covid-19.

Face aux manquements des pouvoirs en place, quelles sont les initiatives prises par la société civile, forces politiques comprises, pour participer à la gestion de crise ?

Les organisations de la société civile et les partis politiques pour pallier les manquements qui sont ceux des pouvoirs publics, ont entrepris diverses initiatives. Des initiatives aussi variées que pertinentes à l’instar des sensibilisations au travers des vidéos et les descentes dans les lieux publiques, des postes sur les réseaux sociaux… des élans de solidarité (Dons aux couches sociales vulnérables des caches nez, gels hydro-alcooliques etc.).

Le Cameroun connaît plusieurs conflits sur son territoire. La guerre civile en zone anglophone qui a fait plus d’1 million de déplacés et des milliers de victimes depuis 2017 se poursuit. Comment envisager une sortie de crise durable face à l’impasse de la violence armée ?

Les velléités sécessionnistes qui ont sous-tendu et justifié l’envoie des forces armées camerounaises dans les régions anglophones du Sud-Ouest et du Nord-Ouest dissimulent en réalité un mal plus profond et général. La résolution de ce conflit demande dès lors de transcender la crise meurtrière et déplorable qui sévit dans les régions anglophones, pour que se relance le débat sur la forme de l’Etat et enfin une prise en considération des revendications générales de la majorité des camerounais : diminution du chômage, augmentation du pouvoirs d’achat des Camerounais, juste répartition des richesses, renouvellement, alternance et rajeunissement de la classe dirigeante, l’intensification du bilinguisme sur l’étendue du territoire national, l’accentuation des politiques d’intégration des anglophones en particulier, et des Camerounais en général, la décentralisation effective, la libération des leaders et un dialogue entre le chef de l’État et les leaders des mouvements de revendications anglophones etc. ).

L’extrême nord subit les exactions de Boko Haram. Quelle est la situation des populations civiles dans cette région ? Que fait l’Etat face aux mouvements terroristes ?

La secte terroriste Boko Haram qui sévit depuis les années 2014-2015 au Nord Cameroun sous le contrôle d’Abubakar Shekau a mené de nombreuses attaques meurtrières contre les populations de cette région du Cameroun et affaibli la précaire quiétude économique de celles-ci. L’Etat camerounais talonné par ceux du Tchad et du Niger ont mené avec le Nigéria fief de ladite secte de nombreux raids contre cette organisation à partir de Janvier 2015, l’Etat du Cameroun a en outre apporté de l’aide aux populations fragilisées du Nord et aux nombreux déplacés à travers un plan d’urgence mais malheureusement la situation n’a pas beaucoup évolué. Les populations croupissent toujours dans l’extrême pauvreté et les attaques de Boko Haram qui avaient un tantinet baissé reprennent de plus belle. L’armée étant pris aujourd’hui entre deux fronts n’arrive pas vraiment à gérer la situation et l’Etat a réduit sa réponse dans le nord pour se concentrer un peu plus au nord-ouest et au sud-ouest. Ces guerres coûtent énormément au contribuable et nous n’avons pas assez s’informations sur les ressources financières et matérielles déployées de ce côté-là.

Dans ce contexte difficile, pourquoi organiser une université nationale de la jeunesse cette année ? quels en sont les objectifs ?

L’Université Nationale de la Jeunesse portée par la Plateforme Indépendante des Jeunes pour la Démocratie et la Citoyenneté Active (PIJEDECA) est un cadre de réflexion des jeunes sur les problèmes du pays. Elle a depuis longtemps entrepris des initiatives originales visant à aider les jeunes leaders des organisations de la société civile à mieux porter et exprimer leurs idées et leurs revendications au travers d’outils divers et riches misent à leur disposition. Ainsi de façon générale le but de l’université est de travailler à la conscience citoyenne des jeunes pour leur donner les outils nécessaires pour un questionnement efficient à la fois du contexte national, de leur contexte local mais aussi des outils pour qu’ils questionnent leur propre participation dans la construction de la nation camerounaise. Particulièrement l’UNJ se structure entre atelier pour l’apprentissage et les exposés pour les discussions. Les thèmes des discussions de cette année iront dans le sens de la réflexion sur la réponse commune qui peut être envisagée face à toutes les crises que traversent notre pays en ce moment.

Le 2 juin 2020.