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Présentation

La situation de l’industrie française est extrêmement dégradée. Depuis maintenant trois décennies, les politiques et les stratégies marquées par l’idéologie de la société post industrielle et par les logiques de la mondialisation financiarisée ont conduit à son déclin. Fin 2013, notre production avait reculé de 11,5% par rapport à ce qu’elle était au 1er janvier 1990. Quant à l emploi industriel au sens de l’Insee, il s’établit en 2010 à environ 20% du total des salariés.

Ce n’était pas une fatalité. L’Allemagne a, par exemple, pris une option différente. Les grands groupes à base française et les gouvernements qui se sont succédé portent de lourdes responsabilités dans les choix qui nous ont placés dans cette position.

Pourtant rester présent dans le concert des nations industrielles est un enjeu important pour notre pays. Cet enjeu se manifeste sur plusieurs terrains.
C’est un enjeu d’emploi, tant il est vrai que l’existence d’une activité productive conséquente offre des débouchés multiples pour les jeunes et les demandeurs d’emplois, tout en créant des emplois induits dans les secteurs situés en amont, en aval et dans les services.
C’est un enjeu de dynamisme économique pour le pays et pour ses territoires car la production engendre l’activité.
C’est un enjeu de prospérité structurelle pour la France car notre pays s’appauvrit depuis des années du fait de son incapacité à subvenir, dans des proportions suffisantes, à ses propres besoins.
C’est un enjeu pour notre capacité à développer une recherche fondamentale et une R&D de haut niveau car ces dernières s’étiolent si elles ne sont pas confrontées à l’expérience productive.

Pendant trop longtemps, la famille de pensée communiste s’est trouvé bien seule pour défendre cette argumentation. Depuis quelques temps, face au constat d’une situation désormais très dégradée, le discours sur un indispensable redressement de notre capacité industrielle a repris droit de cité. Mais les actes sont loin de suivre les déclarations médiatiques. Les fermetures de sites industriels se sont accélérées et, en septembre 2013, notre production était toujours inférieure de 14,2 % à celle de juillet 2008 (juste avant le déclenchement de la crise financière).

Il est donc urgent de s’interroger sur les conceptions, approches et mesures concrètes qui pourraient assurer un nouvel essor à l’industrie française.
À l’évidence, cette réflexion doit être appréhendée dans les conditions contemporaines marquées par :

    • Les nouveaux rapports que l’industrie entretient désormais avec les services

 

    • La transformation indispensable des modèles productifs visant à prendre en compte les dimensions sociales, écologiques et territoriales de la question.

 

    • La dimension européenne des coopérations indispensables

 

    • La dimension mondiale des conditions présidant aux échanges internationaux.

 

Tel est l’objectif que s’est fixé la Fondation Gabriel Péri en décidant la tenue d’un séminaire intitulé Quelle politique industrielle pour quelle industrie ? qui s’est déroumé sur les deux années 2014 et 2015.

1. « Reconstruire l’industrie française : le cœur d’un nouveau modèle de développement », avec Gabriel Colletis, professeur de Sciences économiques à l’université de Toulouse 1, auteur de L’urgence industrielle, 2012, Éditions Le bord de l’eau (vendredi 31 janvier 2014).

Résultat de recherche d'images pour "L’urgence industrielle"Après une introduction du séminaire par Alain ObadiaGabriel Colletis a exposé les grands chantiers de ce nouvel horizon qui s’ouvrent aux citoyens : repenser le travail, réguler la finance, réorienter la production, repenser l’entreprise.

Austérité ou rigueur pour les uns, soutien de la croissance pour les autres. Mesures portant sur le budget pour les uns, sur la politique monétaire pour les autres. Réformes dites « structurelles » ou décroissance, les termes du débat sur l’orientation appropriée des politiques économiques mais aussi sur le devenir de nos économies sont particulièrement nombreux, souvent contradictoires, et traduisent un désarroi certain parmi les experts, les politiques mais aussi dans l’opinion publique.

Les politiques proposées sont incapables de fournir l’horizon, le souffle nécessaire à une sortie de crise ou, plutôt, à la nécessaire mutation des systèmes sociaux-économiques.

Ailleurs que dans la recherche de leviers pour stimuler la croissance, l’horizon que nous proposons est celui d’un nouveau modèle de développement centré sur un renouveau profond de la conception des activités productives. Ce renouveau est inséparable de l’élaboration d’un « pacte productif » rassemblant les forces sociales.

À condition de s’appuyer sur un nouveau pacte social, ce nouveau modèle pourrait fournir un horizon pour succéder à la grande crise que le capitalisme traverse depuis plusieurs décennies. 

2. « Engager la transition écologique en relançant la politique industrielle : Quelques principes pour une refondation », avec Benjamin Coriat, professeur d’économie à l’université Paris 13 et co-président du Collectif des Économistes Atterrés (mardi 11 mars 2014).

L’exposé montre pourquoi la question de la transition écologique devrait aujourd’hui s’imposer comme le cœur d’une politique industrielle rénovée. Elle peut et doit être l’occasion non seulement de réhabiliter la politique industrielle mais de relancer des nouveaux types de « grands projets » basés sur des principes nouveaux.

3. « Multinationales et industrie : des défis très nouveaux », avec Frédéric Boccara, économiste, maître de conférences associé à l’université Paris 13 (lundi 28 avril 2014)

Les Firmes multinationales (FMN) sont au cœur des délocalisations, de la désindustrialisation et des transformations de l’économie française. Leur poids direct est considérable (la moitié de l’emploi des entreprises situées en France), et elles sont très extraverties (plus la moitié de leurs propres emplois sont à l’étranger).

Malgré leur extraversion, la délocalisation en leur sein d’activités industrielles est très loin d’expliquer le recul de l’industrie en France. La notion même « d’entreprise française » et d’entreprise industrielle est déstabilisée, avec les deux forces motrices fondamentales que sont la financiarisation et les transformations technologiques actuelles, que nous interprétons comme les débuts d’une révolution informationnelle (par opposition à la révolution industrielle). Ces deux forces motrices agissent sous la pression des exigences de rentabilité et de la crise d’efficacité du capital. On peut en lire certains effets dans les balances des paiements de pays émergents (Chine, Brésil, Tunisie) ou développés (France, USA).

Prendre l’industrie au sérieux exige de prendre les firmes multinationales au sérieux, dans toute leur spécificité et originalité, et de dépasser l’approche traditionnelle héritée de la première moitié du 20e siècle (le couple prédation/dépendance auquel répondait le couple nationalisation étatique/indépendance nationale). Cet aggiornamentodes idées concerne aussi la théorie économique dite des « avantages comparatifs », qui repose sur l’idée de facteurs de production présents à chaque fois dans un seul pays (contrairement aux informations) et que les circulations des produits sont exclusivement des échanges (alors que les transferts prennent un place décisive).

Nous avons en effet des FMN « nouvelle manière » : celles de la révolution informationnelle, partageant dans leurs filiales monde entier les informations (comme la formule chimique d’un médicament). Elles articulent des activités productives localisées (multi-localisées) et une globalisation de leurs résultats et des ressources auxquelles elles ont accès. À cette tension localisation/globalisation correspond la tension entre coûts localisables et coûts globalisables. Globalisation financière et globalisation industrielle apparaissent pour l’essentiel comme deux faces d’un même phénomène. On peut montrer l’existence d’une intrication très forte entre financement, circulation des revenus et gestion industrielle. Elles organisent ainsi à leur profit un nouveau couplage finance/activités réelles, mais aussi services/industrie, voire activités réelles/services publics. Une réponse étroitement nationale se heurte ainsi à la double limite de fond de la financiarisation et du besoin de partage technologique, avec le besoin d’efficacité sociale.

L’exposé s’attachera à montrer que ces FMN changent la donne de l’industrie mais aussi de la politique économique, exigeant une cohérence alternative nouvelle. Cela concerne tout particulièrement les critères de gestion et d’action politique, les pouvoirs et les institutions, mais aussi les buts sociaux de l’industrie, avec l’enjeu de développer des biens qui pourraient être communs : depuis la connaissance scientifique jusqu’à la santé, l’énergie, le transport,  la culture, l’écologie, etc.

Cela renvoie bien sûr à l’exigence d’autres critères de gestion (coûts,  efficacité..) et au développement en cours d’indicateurs statistiques (Insee, Eurostat, OCDE, ONU) ainsi qu’à leur territorialisation, avec une double dimension sociale et écologique (notamment le rapport VA/C et la notion de VAdt, valeur ajoutée disponible pour la population d’un territoire).

Mais cela change la vision des institutions publiques concernées par les FMN et l’industrie. Contrairement au centrage exclusif sur les institutions de concurrence internationale sur les échanges de produits (telles l’OMC), cela appelle à des transformations fortes de la politique monétaire, de la régulation des balances des paiements (investissements internationaux, revenus, etc.) ou des institutions qui concernent les brevets et la connaissance, dans le sens d’une nouvelle sélectivité — financière, monétaire et réelle — en faveur de protections et promotions sociales et productives coordonnées entre pays et maîtrisées pour le développement de biens communs.

 

4. « Changer d’aveir par la production », avec Jean-Louis LevetHaut responsable à la coopération industrielle franco-algérienne, Délégation interministérielle à la Méditerranée (DiMed) auprès du Premier ministre (lundi 26 mai 2014).

Résultat de recherche d'images pour "Réindustrialisation j'écris ton nom"Les États ont-ils encore face au marché le pouvoir d’endiguer la désindustrialisation dévastatrice à l’œuvre depuis plusieurs décennies et qui s’est accélérée au cours de la période récente ? Les défis sont tels aujourd’hui que seule la mise en œuvre d’un projet de développement par la production dans la durée autour d’un ensemble d’orientations puissantes peut permettre à la France et à l’Europe de sortir de la crise par le haut, tout en changeant profondément les modes d’action des acteurs publics et privés. Comprendre, proposer, agir : l’intervention de Jean-Louis Levet sera structurée autour de ces trois mots clés.

Jean-Louis Levet est un économiste spécialiste des questions industrielles et des politiques publiques en faveur du développement productif. Ouvrages récents : Réindustrialisation j’écris ton nom (dir), 2012 ; Concrétiser l’ambition industrielle (dir), avril 2014. Article récent: Europe, changer de modèle de concurrence, Fondation Jean Jaurès, 16 mai 2014.

 

5. « Vers une nouvelle prospérité », avec Anne de Béthencourt, spécialiste en éco-innovation à la Fondation Nicolas Hulot, vice-Présidente de l’Institut de l’Économie Circulaire et membre de la section activités économiques au Conseil Économique, Social et Environnemental (mardi 7 octobre 2014).

Le modèle de production et de consommation qui prévaut depuis la révolution industrielle repose sur des ressources naturelles abondantes et un schéma linéaire : extraction de matières premières > production > consommation > déchets.
Ce  modèle de développement a  permis d’accélérer  le « progrès » et  à des milliards d’individus d’accéder à une certaine prospérité matérielle. Mais le fondement de la société de consommation et le modèle industriel actuel trouvent aujourd’hui leurs limites face aux défis environnementaux, d’emploi et de l’augmentation de la population mondiale.
De nouveaux services et modes de production et consommation émergent (économie circulaire, économie de la fonctionnalité, économie collaborative…) dont l’ambition est de découpler croissance économique et épuisement des ressources naturelles.
Quels en sont les opportunités et risques ? Quels enjeux pour l’industrie, pour l’emploi et l’environnement ?

6. « La renaissance de l’industrie. Le cas de l’industrie du numérique », avec Gérard Roucairol, Président Honoraire de l’Académie des technologies (mardi 4 mars 2015).

L’industrie est indispensable au développement et à la cohésion de notre pays.

L’Académie des technologies a donc réfléchi aux moyens de redresser l’industrie française dans un contexte où pour s’épanouir elle doit se réinventer, se transformer pour prendre en compte de nouveaux défis : mondialisation, fragilité de l’environnement, aspiration au développement et à la sécurité d’une population de plus en plus nombreuse.

L’exposé permet de présenter quelques leviers d’une renaissance industrielle identifiés par l’Académie des technologies et qui concernent tant les entreprises que les pouvoirs publics. Le cas de l’industrie du numérique est ensuite détaillé.

 

 

 

7. « Économie circulaire : écologie, progrès et renouveau du système productif », avec Sébastien Elka, responsable de transfert de technologie recherche-industrie, rédacteur en chef adjoint de la revue Progressistes (mardi 28 avril 2015)

En ces temps de crise, entreprises et financiers sont à l’affût de « relais de croissance ». À la mode, consensuelle, l’économie circulaire semble receler d’opportunités des plus prometteuses. Mais au-delà des discours, les enjeux et réalités industrielles du concept ne vont pas sans fausses évidences et vraies contradictions.

Qu’appelle-t-on économie circulaire ? Une nouvelle industrie du recyclage ? Une appréhension des produits et services à travers tout leur cycle de vie ? Un nouvel aménagement du territoire soucieux des flux de matière et d’énergie de toutes les activités de production et de consommation ?

Dis-moi ce que tu entends par économie circulaire, je te dirai qui tu es… Cette question de définition n’est pas neutre, car le réel travaille et oblige entreprises, politiques et citoyens à se positionner. Vers quels intérêts penchera le balancier ? Hyper-exploitation en flux tendus ou relocalisation en circuits courts ? Véritable éco-conception ou obsolescence programmée repeinte du vert de la recyclabilité ? Exploitation optimisée des hommes et de la nature, sobriété subie ou capacité à poursuivre l’aventure du progrès malgré la finitude des ressources ?
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Sébastien Elka a coordonné le dossier sur l’économie circulaire, de la revue Progressistes, n° 6, octobre-novembre-décembre 2014 (en téléchargement libre : https://revueprogressistes.files.wordpress.com/2014/12/revue-progressiste-nc2b06-basdef1.pdf).