Skip to main content
Séminaire

Nouveau salariat du capitalisme informationnel : l’enjeu des recompositions politiques

Présentation

Ce séminaire a été placé sous la direction de Jean Lojkine, sociologue, directeur de recherche au CNRS. Décliné sur plusieurs mois, il a croisé les expériences de militants sociaux et politique et celles de chercheurs de diverses disciplines.

Le séminaire a donné lieu à deux publications  : (PDF à venir)

  • Une note de John Crowley : Les Paradoxes du blairisme
  • Une note de Jean Lojkine : Mutations sociales et représentations politiques.

Pour en savoir plus

La crise politique profonde, mondiale, à laquelle nous assistons aujourd’hui, a un fondement sociologique majeur qui n’a fait l’objet pour le moment d’aucune analyse sérieuse. Il s’agit de la déconnexion complète entre l’organisation des grands partis politiques de gauche, en France comme en Europe mais aussi dans le monde entier (aussi bien aux USA que dans les pays du Tiers Monde), et les nouveaux rapports de classe issus de mutations du travail.

Le reflux des partis communistes mais aussi des partis socio-démocrates européens repose en effet en grande partie sur une perception complètement mythique de la société salariale actuelle. Les partis communistes n’arrivent pas à se détacher de l’ancienne identité ouvrière issue de la révolution industrielle et des formes de luttes qui la caractérisaient : la « classe » ouvrière est perçue comme le pivot central du salariat ( alors que le groupe ouvrier est aujourd’hui profondément imbriqué dans l’archipel des employés), tandis que les partis socio-démocrates européens vivent toujours sur une représentation mythique d’une société capitaliste sans lutte des classes, à travers la notion de « classe moyenne » et l’opposition entre les « exclus » et les « inclus ». Les luttes sociales sont marginalisées au profit des conflits culturels et sociétaux (parité, minorités sexuelles, ethniques), comme si l’exploitation capitaliste ne touchait plus l’immense majorité du salariat, mais seulement une minorité d’exclus. Mais la nouvelle articulation entre ces conflits culturels et les luttes de classe, au cœur de la révolution informationnelle, reste une question non résolue par les différents partis de gauche comme par les mouvements altermondialistes.

Cette première saison du séminaire visait à la confrontation entre la recherche de nouvelles formes politiques, moins délégataires, plus proches de démarches autogestionnaires (comment concilier représentation politique, contrôle par la base, et intervention directe citoyenne ?) et les mutations socio-culturelles ambivalentes entraînées par la révolution informationnelle (individualisme/engagement collectif ; autonomisation du travail, mobilité volontaire/ précarisation, contrainte de la rentabilité à court terme, etc.).

Elle s’est déroulée sur les années universitaires 2005-2006 et 2006-2007 à raison d’une séance par mois.

Jean Lojkine est notamment l’auteur de La guerre du temps. Le travail en quête de mesure (en collaboration avec J.L. Malétras. L’Harmattan, Paris, 2002) et  L’adieu à la classe moyenne, (La Dispute, Paris, septembre 2005).

Séances

1. L’éclatement de la classe moyenne et la crise de la représentation politique

Séance du 5 octobre 2005 avec Jean Lojkine.

La première séance de travail du séminaire tenu par le sociologue Jean Lojkine sur « L’éclatement de la classe moyenne et la crise de la représentation politique » s’est tenu à la Maison des sciences de l’homme.

Précisant d’entrée de jeu que l’intitulé de son séminaire énonçait les deux items à partir desquels il souhaitait développer sa réflexion, Jean Lokine a fixé ainsi son objectif : parvenir au terme du cycle à relier, dans une compréhension dégagée de toute velléité mécaniciste, l’éclatement de la classe moyenne et la crise de la représentation politique.

Dans le contexte général d’une crise politique profonde et mondiale, a-t-il indiqué, nous pouvons penser que nous sommes dans une période de rupture, qu’il s’agirait ainsi d’accompagner pour pouvoir dégager un horizon d’action politique. Actuellement, « le reflux des partis communistes mais aussi des partis socio-démocrates européens repose en effet en grande partie sur une perception complètement mythique de la société salariale actuelle. Les partis communistes n’arrivent pas à se détacher de l’ancienne identité ouvrière issue de la révolution industrielle et des formes de luttes qui la caractérisaient : la « classe » ouvrière est perçue comme le pivot central du salariat (alors que le groupe ouvrier est aujourd’hui profondément imbriqué dans l’archipel des employés), tandis que les partis socio-démocrates européens vivent toujours sur une représentation mythique d’une société capitaliste sans lutte des classes, à travers la notion de « classe moyenne » et l’opposition entre les « exclus » et les « inclus » ».

La première séance de son séminaire, Jean Lojkine a donc voulu la consacrer à retracer l’histoire de cette notion de « classe moyenne » qui constitue l’un des deux pôles de l’arc réflexif mis en chantier. « Qu’entend-on par « classe moyenne » ? Le débat est historique et agite les mouvements ouvrier et syndicaliste comme les partis politiques depuis le début du XXe siècle ». A preuve les échanges d’arguments entre Jaurès et Guesde en France ou entre Bernstein et Kautsky en Allemagne ; Guesde et Kautsky soutenant la thèse d’une grande simplification de l’organisation socio-politique de nos sociétés à laquelle aboutiraient d’un côté l’homogénéisation du prolétariat, de l’autre la concentration du capital ; Jaurès et Bernstein défendant l’idée d’une diversification inéluctable du salariat et la pacification des rapports sociaux par l’extension de la classe moyenne, l’un (Bernstein) préconisant un travail politique de transformation sociale tandis que l’autre (Jaurès) parlait plutôt d’évolution révolutionnaire. Aussi Jean Lojkine fait-il remarquer : « dès le début du siècle, le débat autour de la classe moyenne traverse les deux visions de la social-démocratie et du communisme ». Un débat renouvelé, poursuit-il, par « les crises conjointes du capitalisme et de la représentation politique des couches moyennes de la population » tout au long du XXe siècle. Mais, pour comprendre comment de nos jours se repose le problème, il faut prendre en compte ce que Jean Lojkine nomme la révolution informationnelle, révolution socio-historique qui a remplacé dans le procès de production capitaliste la révolution industrielle. De quoi s’agit-il ? D’un quadruple chamboulement : l’évolution du rapport de l’homme à la matière ; la révolution féministe et la féminisation du salariat, remettant en cause la distinction essentialisée entre les espaces privé et public ; le développement des activités de service dans tous les domaines : du travail social à la santé, de la communication à la culture, en passant par l’éducation ; la fin de la coupure entre exécution et prescription et l’extension de l’obligation de résultat, auparavant réservée aux cadres, à tous les postes de l’entreprise, autrement dit, la fin du taylorisme : « l’exploitation du travail se faisant désormais à travers l’aliénation subjective de tous ». Dans ce nouvel univers capitaliste, l’individualisme qui est rejet de toute solidarité collective et donc source de désintégration de la classe ouvrière pour soi – en tant que groupe social politiquement identifié à une représentation politique organique – devient aussi le vecteur des aspirations individuelles à l’autonomie politique. La thèse que je défends et que je soumets à discussion, indique Jean Lojkine pour clore cette première séance de séminaire, c’est « qu’il y a dans l’archipel salarial des point d’unification mais dans la différence ».

La dizaine de personnes présentes a bien sûr répondu à l’invitation au débat pour interroger le sociologue sur sa qualification du salariat actuel en terme géographique : l’image d’un archipel n’évoquant pas assez la dynamique des rapports sociaux et de production. La notion moins métaphorique d’Alain Chenu de salariat multipolaire a semblé préférable. Le dialogue s’est enfin engagé sur la nécessité d’appuyer la réflexion élaborée pendant les séances de séminaire sur les travaux quantitatifs et qualitatifs que devront se partager les participants.

2. La représentation des classes sociales au Parti socialiste

Séance du 3 novembre 2005 (Maison des sciences de l’Homme, Paris) avec Rémi Lefebvre.

Rémi Lefebvre est professeur de sciences politiques à Reims, chercheur au Ceraps (Lille-II). Il est notamment l’auteur de La Démobilisation (collectif, sous la direction de Frédérique Matonti, La Dispute 2005).

3. « L’éclatement de la classe moyenne en Allemagne, la crise de l’État social et des politiques de G. Schröder. Enjeux d’une recomposition politique à gauche »

Séance du 17 décembre 2005 avec Joachim Bischoff, Gilbert Casasus et Jörn Schütrumpf.

Le séminaire 2005-2006 de la fondation Gabriel Péri inaugurait son tour de table international avec le cas allemand. Comment la social-démocratie la plus brillante des années 80 et 90 appréhende-t-elle la crise politique occidentale ?

« Les classes moyennes ont une réalité beaucoup moins forte en Allemagne qu’en France, où le terme de “cadre” a été forgé pour que le syndicalisme du même nom court-circuite la CGT », pointe Jean Lojkine au cours de sa présentation de la journée. Le docteur en sciences politiques Gilbert Casasus souligne également que la Mittelklasse renvoie en premier lieu, dans l’esprit allemand, aux berlines de moyenne catégorie ! En dépit de cette différence lexicologique, les gauches des deux nations semblent partager une perception mythique du salariat mise en évidence par Lojkine lors de la première séance du séminaire.

Directeur de la revue Sozialismus, Joachim Bischoff détaille la théorie allemande des deux-tiers, qu’il juge « erronée » : « notre société se perçoit traditionnellement comme tripartite, et équilibrée dans ses proportions. Le premier tiers occupe le haut de la pyramide, et bénéficie de hauts revenus et d’une grande sécurité d’emploi ; c’est lui qui détermine la marche de l’ensemble social. Le deuxième, intégré au processus économique, mène un train de vie confortable. Un peu à l’écart du système de développement, le dernier tiers se caractérise par son hétérogénéité. Or, les couches précaires et paupérisées, à moins de 1500 euros de revenus mensuels, comptent 50 % de la population dans leurs rangs. » « J’irai jusqu’à parler de retour du Lumpenproletariat à leur propos, renchérit l’historien Jörn Schütrumpf. Ils doivent par exemple désormais franchir une véritable barrière pour accéder à l’énergie. Le capitalisme est en train de se féodaliser. »

Les modifications de l’organisation du travail enregistrées lors des trente dernières années ont bouleversé les superstructures sociales. Le concept de capitalisme informationnel formé par Lojkine pour en rendre compte reste cependant trop flou aux yeux de Bischoff. Le docteur hambourgeois identifie là un processus de crise comparable à celui des années vingt, où prédominaient déjà les marchés financiers, et non une nouvelle phase du capitalisme. Schütrumpf rappelle que, comme alors, le capitalisme ne remplit plus sa fonction sociale, au point que dix millions d’Allemands dépendent en ce moment des aides sociales.

Malgré cela, les 50 % de précaires se désintéressent totalement de la chose publique et forment la grande majorité des 40 % d’abstentionnistes. Le motif, invoqué dans toutes les sociétés développées, est sans appel : la politique est perçue comme incapable de changer les choses. La cause principale de ce scepticisme tient selon Bischoff dans la complète déconnexion des partis de gauche avec la couche sociale la plus pauvre. Force est de constater, au SPD comme chez les Grünen, que personne ne la représente. Désormais couplés à de fortes participations dans les entreprises, les revenus des électeurs verts, les plus faibles en 1982, sont ainsi devenus les plus élevés. « C’étaient des étudiants, ils ont tout simplement vieilli et prospéré ! », fait valoir Casasus. Leur parti en a en tout cas pris acte, et élaboré un programme idoine. Le SPD, qui a abandonné le concept de classe ouvrière dès son congrès de 1959 au profit de celui de kleine Leute, s’est lui aussi éloigné, intellectuellement et matériellement, de ces « gens de peu ». « L’Allemagne s’est muée en véritable paradis fiscal sous l’ère rose-verte, déplore Schütrumpf. À chaque baisse d’impôt, le patronat en réclamait une nouvelle, alors que les bénéfices des actionnaires ont explosé grâce à la hausse de la productivité et à la destruction d’emplois. »

Cela n’a cependant pas empêché la gauche de recueillir une majorité de suffrages aux dernières législatives… ni d’essuyer une défaite. Comment éviter qu’une telle déconvenue se reproduise ? Casasus estime que la figure d’Oskar Lafontaine, coupable d’avoir cristallisé trop de haines, oblitère une alliance entre la Linkspartei et les sociaux-démocrates. Bischoff et Schütrumpf signalent, eux, que la composition sociologique de cette dernière n’est pas moins éloignée de la société réelle que celle des partis réformistes. « L’avenir de la coalition est hypothéqué par ses caciques de l’ex-RDA qui rêvent d’un retour aux responsabilités, prévient Schütrumpf. Et si elle demeure un parti d’hommes vieux, elle mourra avec eux. »

Au-delà, tous trois s’accordent sur le fait que la gauche allemande, « bien pauvre intellectuellement » selon le mot de Casasus, ne pourra pas longtemps faire l’économie d’une autocritique sans concession ni d’une vaste réflexion culturelle, sociale et politique, afin d’ajuster ses grilles d’analyse au monde actuel. « Les critères sociaux ne sont pas les seuls, tempête le politiste. Les protestants continuent par exemple de voter majoritairement SPD, et les catholiques, CDU, de sorte que les régions ouvrières ne sont pas forcément de gauche. Il faut s’intéresser au facteur religieux ! »

Sur quelles pistes lancer la réflexion ? En premier lieu, il conviendrait de mettre au jour les raisons qui ont conduit la social-démocratie à lâcher la bride au néolibéralisme. Car la vague a gagné le SPD presque sans qu’il s’en aperçoive, et lui vaut aujourd’hui une image des plus ambiguës. Le plus gros chantier concerne donc la refonte de l’identité de la gauche. Même si elle n’a jamais promu le socialisme, difficile à assumer outre-Rhin, elle doit éviter de céder aux sirènes des modes successives, en particulier nationalistes. Pour Casasus, « les propos choquants de Lafontaine sur les travailleurs polonais ou tchèques contribuent à brouiller son message. »

À terme, Schütrumpf prévoit un profond remaniement du jeu politique : « le système des partis traditionnels a très certainement vécu. D’autres organisations reflétant plus fidèlement la population verront le jour dans les dix ans à venir. Cette nouvelle gauche n’aura rien à voir avec le mouvement socialiste ouvrier, ce sera difficile pour les anciens militants de s’y faire. » De leur degré d’implication dépendra l’impact de ce mouvement inédit.

4. Sociologie du blairisme. Blairisme et rapports de classes

Séance du 12 janvier 2006 avec John Crowley.

Suite du tour d’horizon international du séminaire, ce 12 janvier 2006, avec une analyse comparative de la situation anglaise par John Crowley, chercheur au CERI (Sciences-Po) et directeur de la Revue internationale des sciences socialesde l’Unesco.

La mutation opérée par le Labour au cours du dernier quart de siècle lui a valu d’aligner trois triomphes électoraux depuis 1997 et de mettre ainsi fin à une série de quatre cuisantes défaites ! Comment s’est produit un tel renversement de tendance ?

Crowley distingue deux prismes, l’idéologique et le sociologique, à l’aune desquels rendre compte de ce phénomène : « le premier rattache Blair au néolibéralisme et le considère comme le nouveau visage de Margaret Thatcher. » Or, contrairement à une idée reçue, « de la même manière que le succès économique de Reagan devait tout à l’investissement public, poursuit le chercheur, Blair est social-démocrate, et même keynésien, en politique fiscale et sociale ! Il a instauré un salaire minimum, augmenté les minima sociaux et les emplois aidés, et injecté beaucoup d’argent dans la santé. » De son côté, le parti conservateur ne s’est jamais totalement converti au libéralisme, difficilement conciliable avec sa rigueur morale. Force est de reconnaître cependant que le Labour est devenu si perméable aux idées du « conservatisme de marché libre », comme Crowley préfère dénommer la doctrine torie, que les privatisations, hérétiques dans les années 70, se sont muées pour lui en lieu commun. Le clivage partisan demeure, mais n’est plus polarisé que par le concept d’égalité.

Pourquoi ce recentrage ? Après le revers électoral de 1979, et forte de l’appui des syndicats, l’aile gauche du Labour en a pris le contrôle pour l’emmener « dans une direction où le peuple ne l’a jamais suivie, souligne Crowley. Ses militants, en complet décalage avec ses préoccupations, ne représentaient qu’eux-mêmes. J’en veux pour preuve la lourde défaite aux législatives de 1983 et l’échec de la grève des mineurs de 1984-85. Le gouvernement l’avait effectivement provoquée pour briser les syndicats, mais ceux-ci n’ont jamais réussi à gagner l’opinion. Devant leur entêtement, le Labour a dû les lâcher pour ne pas se discréditer. » Depuis lors, l’extrême-gauche apparaît comme l’ennemie du parti.

Au début de son deuxième mandat, Thatcher a engagé une politique de revanche sociale, et s’est donnée pour mission d’« extraire la base sociale du socialisme », rappelle Crowley. Sa première salve a consisté à démanteler toute organisation collective, car l’idée même d’institution contredisait sa vision du citoyen en tant qu’individu autonome, et du Royaume-Uni comme gagnant dans la compétition mondiale. La privatisation des entreprises nationales, du logement social (mesure extrêmement populaire qui a permis aux plus modestes d’accéder à la propriété) et de la protection sociale, ont précédé la dérégulation de la City. Pour le parti travailliste, ses succès validaient l’analyse sociologique thatchérienne : le collectif était mort et dépassé. Restait à trouver une autre manière d’être de gauche.

Crowley ne tient pas Blair pour un théoricien. Son messianisme et son dogmatisme font de lui un idéologue : « il ne s’intéresse pas aux idées, mais son identité politique, constituée au premier chef par son autoritarisme moral, n’est pas négociable. Au sortir des années 80, deux éminences grises du parti ont estimé que le Labour perdait parce qu’il était excentré, politiquement et géographiquement. L’enjeu électoral s’est donc porté sur la conquête des classes moyennes habitant majoritairement au nord de Londres et dans les Midlands du centre de l’Angleterre. »

Les récents lauriers du New Labour entérinent-ils cette stratégie ? D’autres facteurs ont leur importance, à commencer par l’enlisement du parti conservateur, qui a accumulé les leaders inefficaces depuis Thatcher, et ne sait plus qui il est, ni qui il représente. Car les Tories, hérauts de la hiérarchie, de l’ordre et de la déférence, avaient su, au nom de la cohésion nationale, adapter ces principes aristocratiques à la société industrielle. En les agrémentant d’une légère redistribution et en suivant l’évolution des moeurs, ils avaient dominé la vie politique de la première Guerre mondiale aux années soixante. « Ce conservatisme modéré prospérait sur une base sociale très forte, relève Crowley. L’entreprise de démolition menée par Thatcher, convaincue que “la société n’existe pas”, a sapé tous ses fondements sociaux et culturels. Il ne repose plus désormais sur rien. »

La rénovation travailliste s’est si bien conformée à l’individualisation de la recomposition sociale, qu’elle disqualifie toute approche qui n’en tiendrait pas compte. Mais une telle réussite comporte un coût. L’abstention a progressé de façon spectaculaire, et une gauche anti-travailliste et anti-politique très puissante a gagné le mouvement social. Greenpeace-Angleterre compte ainsi deux fois plus de membres que le Labour. Mais Crowley relativise l’antagonisme : « Ils s’accordent sur le fonctionnement de la société ! Le social-libéralisme et de nombreuses radicalités présupposent en effet l’individuation et la désinstitutionalisation. Confronté à sa difficulté à penser le collectif, Blair se tourne vers le communautarisme, persuadé que l’ordre social peut se fonder sur des valeurs communes. C’est naïf, mais comme il évacue le fait que la société est avant tout institutionnelle, il se condamne à chercher une issue mythique et unanimiste. De même, la théorie produite par les forums sociaux mondiaux tend, faute de penser l’institutionnalisation du collectif, à chercher refuge dans des organisations auto-instituantes iréniques. »

Au final, Blair place la gauche européenne devant un défi : identifier la part pertinente de son analyse de la transformation sociale. « Il existe une possibilité de recomposer les institutions qui ont fait la social-démocratie en en prenant acte !, conclut Crowley. C’est l’exact négatif du blairisme. » Qui pour le révéler ?

5. Bouleversements des identités de classe et représentations politiques aux USA

Séance du 2 février 2006 avec Marianne Debouzy.

Troisième étape du tour du monde du nouveau salariat avec les États-Unis. À son corps défendant, l’american way of lifemet en lumière la nécessité d’organisations collectives et d’une « conscience pour soi » dans l’amélioration du sort des couches paupérisées.

La classe ouvrière américaine se distingue par son conservatisme. Jusque dans les années 60, « un grand nombre de syndicats étaient même racistes, rappelle Mme Debouzy, professeur d’histoire à l’Université Paris VIII. Les Noirs ne montaient pas en grade, et se voyaient cantonnés aux usines les plus vétustes. Aujourd’hui, les ouvriers WASPn’éprouvent aucune solidarité avec les laissés-pour-compte que sont les travailleurs immigrés. Ils sont bien plus en empathie avec les classes moyennes, à qui ils veulent ressembler. »

Les travailleurs les plus précaires proviennent désormais d’Asie du sud-est, de Chine, ou du Pakistan. Pauvres et dépourvus d’instruction pour la plupart, ils constituent la main d’ ?uvre idéale pour les patrons de maquiladoras installées juste derrière la frontière mexicaine ou d’ateliers clandestins. À El Paso, par exemple, l’action conjointe d’associations et de syndicats a permis la fermeture d’une usine où les ouvrières coréennes et thaïlandaises étaient littéralement enfermées, et même non-payées pour certaines !

En fait, avant même leur arrivée, les immigrants ont intériorisé les inégalités étasuniennes, indissociables dans leur esprit de l’égalité des chances. « Ils ne bénéficient pas de couverture sociale, mais estiment que chacun doit se battre pour améliorer sa propre condition, déplore Mme Debouzy. Ils sont convaincus que c’est comme cela qu’on devient vraiment américain. La prégnance de l’idéologie dominante est totale. Les Noirs ne se sont pas distingués de la tendance générale en accédant à la citoyenneté grâce au Mouvement pour les droits civiques. Je me souviens ainsi d’un quartier de Harlem où tous les professeurs juifs ont été remplacés à ce moment-là. Les juifs avaient pourtant combattu aux côtés des Noirs contre les discriminations. »

Historiquement, le bipartisme n’a pas favorisé la conscience de classe, et les syndicats n’ont jamais promu de contre-modèle plus collectif. Actuellement, ces derniers traversent d’ailleurs une grave crise due à la mutation de l’organisation du travail. Délocalisations, désindustrialisation, et tertiarisation de l’économie ont bouleversé la donne traditionnelle. Les règles syndicales ne sont tout simplement plus adaptées : les grandes concentrations de travailleurs sur un même lieu sont désormais rarissimes. Les services, qui emploient 70 % de la population active, sont extrêmement fragmentés. Nombre de salariés travaillent pour plusieurs employeurs, et cumulent temps partiels et jobs temporaires. Difficile de se syndiquer dans ces conditions. Spécificité américaine, une myriade d’associations vient en aide aux travailleurs les plus fragiles, mais elles ne disposent d’aucun poids politique. Les mobilisations sociales ne sont donc que locales, et aux revendications très limitées.

Les classes ouvrières n’ont en fait jamais véritablement existé aux États-Unis : il n’y avait que des classes moyennes en formation. Le mythe s’est quelque peu écorné au cours des années 60, quand travailleurs et syndicats ont aspiré à davantage de démocratie. L’inamovibilité du système a généré le « blue collars’ blues » (« la déprime des cols bleus ») du début des années 70, et répandu absentéisme et sabotage. Les ouvriers n’étaient plus « fans du travail », selon l’expression de Mme Debouzy. Mais l’échec de quelques grèves d’ampleur a eu tôt fait de rejeter la notion même de classe ouvrière aux oubliettes.

Depuis, sa représentation politique est demeurée nulle. « Les travailleurs sont pourtant conscients que les corporationsdécident de leur sort et de la politique, remarque Mme Debouzy, mais ils n’accusent que la mondialisation ou la crise. Même les journalistes, qui ont redécouvert la réalité de cette classe depuis 2000, s’étonnent qu’elle ne conteste pas le patronat. » Le self-made-man ne connaît pas de rapports de force sociaux. Le temps de la recomposition est encore loin.

6. Où en est la conscience de classe en France ? De l’antilibéralisme idéologique à l’anticapitalisme politique

Séance du 2 mars 2006 avec Stéphane Rozès

Depuis une dizaine d’années, l’opposition systématique du pays aux réformes de désengagement de l’État révèle un antilibéralisme majoritaire dans les esprits. Pour quelles raisons ce mécontentement général envers le cours des choses ne se traduit-il pas en anticapitalisme politique ?

L’approche historique de S. Rozès observe qu’en intégrant l’individualisme contemporain à l’organisation des entreprises, le capitalisme managérial a indexé la réalisation de chacun à son investissement personnel. De la sorte, les représentations subjectives collectives sont passées d’une conscience de classe à la projection d’un devenir individuel. « Le marché permettait tendanciellement de trouver une cohérence entre la progression de ses moyens et les fins individuelles, considère le maître de conférences en sciences politiques. Les syndicats n’ont pas su promouvoir de visée plus collective, voilà la première cause de leur crise. Cette “modernisation”, également soutenue par la gauche, a abouti à la disparition de la classe ouvrière pour soi.Et aujourd’hui que les inégalités ne cessent de croître, la conscience de classe ne réapparaît pas. »

Au début des années 90, les logiques financières ont ainsi pris le pas sur le management. Les licenciements boursiers et les délocalisations ont brisé le contrat implicite donnant-donnant entre le salarié et l’entreprise. Cette contingence économique inédite, vécue comme un effet de la mondialisation, a provoqué le basculement de l’opinion dans un antilibéralisme aux contours flous. « Le clivage bas /haut, peuple/élite, s’est alors superposé au clivage gauche-droite fondé sur le rapport capital/travail, constate S. Rozès. Des salariés en CDI qui gagnent 3000 ? par mois disent appartenir au “bas”, simplement parce qu’ils ne maîtrisent pas leur devenir social. Le référendum du 29 mai 2005 illustre parfaitement cette nouvelle détermination de classe. Ceux qui ne peuvent se projeter dans l’avenir ont voté non par principe de précaution sociale, tandis que les autres, comme les enseignants, ont opté pour le oui. Il n’y a pas eu de non de gauche, mais un non à gauche. En fait, les motivations des deux camps étaient très proches : tous voulaient une Europe qui soit une sorte de France en grand et qui existe dans le concert de la globalisation sans remettre en cause notre modèle. »

Quels éléments d’analyse rendent compte de ce constat ? Tout d’abord, la fin du communisme réel et de la crainte de ses adeptes intérieurs ont rendu anachronique le pacte tacite entre gouvernés et gouvernants qui échangeait la prospérité économique et sociale du plus grand nombre contre la paix sociale. L’État ne s’applique plus, dorénavant, à établir de hauts niveaux de compromis socio-économiques entre classes dans l’intérêt général, mais à capter l’épargne internationale en garantissant le retour sur investissement, quitte à fragiliser les autres sphères économiques. Le paradoxe veut donc que c’est maintenant le salariat qui souhaite préserver les rapports sociaux, et la bourgeoisie, les transformer. « Les abstentionnistes ouvriers qui ont fait pencher la balance en faveur du non n’ont pas voté pour une alternative politique, mais contre la remise en cause des acquis sociaux et le manque de lisibilité de l’Europe, note S. Rozès. Ils veulent savoir à qui s’adresser en cas de problème. Le Français est en fait libéral comme consommateur, socialement conservateur, et républicain dans sa tête.Il s’efforce avant tout de se mettre lui-même à l’abri, tout en rêvant à une société plus solidaire ; c’est pourquoi le libéralisme continue à progresser dans les faits. »

L’époque, même à droite, exige le retour de la politique-puissance et de l’État. Or, depuis le passage de Raymond Barre à Matignon, les gouvernants, à l’exception de Pierre Mauroy et des trois premières années de Lionel Jospin, ont tous rejeté la responsabilité de leurs politiques monétaristes et de désinflation compétitive sur Bruxelles, renvoyant l’image d’une caste privilégiée et impuissante. À l’inverse, « si Nicolas Sarkozy est si populaire, déduit S. Rozès, c’est qu’il donne une impression de volontarisme. Jamais il ne s’est avoué empêché par quoi que ce soit. »

Sans en prédéterminer le contenu, qu’il laisse à la charge du politique, le citoyen espère un nouveau contrat républicain. En attendant, socialement précarisé, il tend à recourir aux distinctions identitaires afin de se réassurer moralement. L’incapacité à se projeter nourrit le conservatisme communautariste et la concurrence victimologique, d’où l’intérêt de N. Sarkozy pour les religions. Conscient des limites temporelles du marché, il aimerait les voir reprendre en charge les finalités humaines. Car l’individu a besoin de porter une positivité. « Or la gauche est misérabiliste, regrette S. Rozès. Georges Marchais a porté un coup décisif au Parti communiste en le proclamant “parti des pauvres”. Si le travailleur ne retire plus de fierté de sa fonction, il se replie facilement sur celle d’être Français. En désertant le terrain du travail, la gauche a autorisé la droite à s’en prévaloir tout en le rendant incertain ! »

Le constat de la misère ne met pas en mouvement, à la différence de celui qui montre un chemin vers le souhaitable. « À l’heure actuelle, estime S. Rozès, les seuls qui offrent un imaginaire sont MM. Sarkozy et Villepin. La gauche doit embrasser à la fois les questions sociale, nationale, et politique, comme savait le faire François Mitterrand. Elle se partage malheureusement aujourd’hui entre le marxisme vulgaire qui ramène tout à l’économie, et le technocratisme pour qui la politique se résume à des dossiers. À elle de créer un imaginaire positif qui ne répète pas le passé. La république est trop délégataire et a trop procédé selon l’attentisme et la guillotine. Il faut qu’à l’avenir les citoyens se sentent co-propriétaires de ce qui se fait. »

Stéphane Rozès est directeur de la SOFRES et maître de conférences en sciences politiques.

7. Le mythe indien de la classe moyenne

Séance du 6 avril 2006 avec Gérard Heuzé.

Le jeudi 6 avril, le séminaire sur le nouveau salariat du capitalisme informationnel marquait une première étape au Sud avec Gérard Heuzé, anthropologue au CNRS et spécialiste de l’Inde.

« La classe moyenne est servie à toutes les sauces en Inde, pointe Gérard Heuzé. Tout le monde veut ou croit en faire partie, à tel point qu’elle englobe indistinctement les petits commerçants, les ouvriers, les paysans, bref, tous ceux qui ont de quoi s’alimenter quotidiennement. Elle fait figure de Bien en soi, de solution à tous les problèmes : l’avenir est promis à la moyennitude. » Dans un État de plus d’un milliard d’âmes, elle est donc particulièrement importante, mais méconnaît la réalité, d’après l’anthropologue : « la véritable classe moyenne s’achète des scooters et des 4×4. »

Son succès idéologique repose sur différents facteurs. En premier lieu, la pensée indienne s’arrime à une conception circulaire du monde que reflète l’organisation de la société, traditionnellement centrée autour des brahmanes. Tenue pour quasi-divine, cette caste sacerdotale a beaucoup compté dans l’onction de la classe médiane voulue et créée par les Britanniques. Les plus pauvres de ses membres ont en effet été les premiers à l’intégrer à partir des années 1850-60. Les officiers, fonctionnaires, et marchands britanniques qui passaient quelque temps en Inde n’ont jamais eu l’intention d’y propager leur mode de vie ni d’en faire une colonie de peuplement. Ils avaient besoin d’une intendance qui les aide à maximiser leur exploitation du pays. Les fils de petits notables ont peu à peu constitué ce corps supplétif, les babous, caractérisé par sa soumission à l’occupant.

En cette fin de XIXe siècle, les enfants issus de l’élite, eux, poursuivaient leurs études en Angleterre, d’où ils ont ramené un profond attachement à la classe moyenne, « inventée par la reine Victoria » selon Gérard Heuzé. Censée procurer le bonheur sur terre, son fort contenu religieux a été idéalisé par ces exilés. C’est également là-bas, au contact de la philosophie des Lumières et des idées libérales, qu’est né le désir d’autonomie. À leur retour, leur opposition aux magnats de l’industrie a valu à ces fils prodigues de prendre la tête du mouvement nationaliste et des classes populaires.

L’indépendance acquise, l’Inde a pu mesurer la faiblesse de son administration par les Britanniques. Elle a donc mis les classes moyennes au travail, et en a fait le centre du développement à l’indienne, celui de la « frugalité utile » et du « travail de bureau propre ». C’était l’ère de la « petite honorabilité » ; avec elle s’opéra leur désacralisation partielle, en partie à cause de leur ouverture aux castes les plus basses au moyen de quotas. En 1970, ces vingt millions d’emplois stables faisaient vivre cent-vingt millions de personnes.

La montée des régionalismes dans les années 70, toujours sous l’égide des élites, portait de fortes revendications sociales. L’heure était à la solidarité et à la satisfaction des besoins essentiels pour tous. « Ces mouvements étaient d’un grand idéalisme gandhien, précise Gérard Heuzé. Ils étaient fondés sur le don et l’action pour l’ensemble de la société. » La répression féroce et l’état d’urgence qui ont suivi la révolte de l’état du Gujarat se sont accompagnés de quelques mesures destinées à faire passer la pilule : les salaires ont été quelque peu augmentés, et les avantages de la fonction publique consolidés. Mais le tournant des années 80 a surtout été marqué par « le retour de la dame de fer, Indira Gandhi, dixit Gérard Heuzé, et par son offensive sans merci contre le salariat. Ce fut en fait le triomphe de la technocratie, la revanche des magnats, et le début du règne des affairistes. Avec eux, les instituteurs n’enseignaient plus, mais ouvraient des écoles payantes ; c’est à ce moment que s’est généralisée la corruption, devenue un trait de société. »

Ébranlée par cet échec, la classe moyenne s’est repliée sur elle-même, et n’a plus agi que pour défendre ses seuls intérêts, jusqu’à remettre en cause les quotas de la fonction publique. Elle s’est même livrée, relate Gérard Heuzé, « à de véritables pogroms anti-dalits [la caste des intouchables, ndlr], premiers bénéficiaires des emplois réservés. À noter que les “cureurs de chiottes” des hautes castes n’ont pas été tracassés. Seuls ceux qui voulaient améliorer leur condition ont été la proie du ressentiment des privilégiés. »

Aujourd’hui, la fonction publique conserve tout son attrait, souligne le chercheur. Elle est donc très difficile à intégrer, compte tenu de la démographie galopante de l’Inde et de son incapacité à créer des emplois. Le dernier concours de cheminot, profession considérée comme « moyenne », a ainsi reçu huit cent mille dossiers de candidatures pour… huit cent postes ! La classe moyenne, ou l’histoire partout répétée d’un miroir aux alouettes ?

8. Le PCF et la représentation des classes sociales

Séance du 4 mai 2006 avec Julian Mischi.

Julian Mischi est chargé de recherche à l’INRA, enseignant à Science-Po Paris et à l’ENS-EHESS. Il est l’auteur notamment de : Traditions politiques locales et communismes ouvriers. L’implantation du Parti communiste français dans la région de Saint-Nazaire, Saint-Nazaire, AREMORS, préface de Marc Lazar, 1998.

9. La fin du vote de classe ouvrier ?

Séance du 16 novembre 2006 avec Florent Gougou.

Florent Gougou est chercheur au CEVIPOF.

10. Une lecture Gramscienne de l’intellectuel moderne

Séance du 10 janvier 2007 avec Pierre Musso.

Pierre Musso est professeur de sciences de l’information et communication à l’université de Rennes 2.

11. Populisme et classes populaires : une liaison bien problématique

Séance du 1 février 2007 avec Annie Collovald.

Annie Collovald est professeur de sociologie à l’Université de Nantes.

Ouvrages

 

Collovald (A.), Jacques Chirac et le gaullisme. Biographie d’un héritier à histoires, Paris, Belin, 1999. (réédition poche en novembre 2010 avec une préface inédite)

Collovald (A.), Courty (G.), Grands problèmes politiques contemporains, Paris, Maison de L’Étudiant, 1999 (4ème réactualisation, décembre 2007).

Collovald (A.), dir., L’humanitaire ou le management des dévouements. Enquête sur un militantisme de solidarité internationale en faveur du Tiers Monde, Rennes, PUR, 2002.

 

Collovald (A.), Le « Populisme du FN » : un dangereux contresens,
Bellecombes en Bauges, éd. du Croquant, 2004.

Collovald, A., Gaïti, B., dir., La Démocratie aux extrêmes. Sur la radicalisation politique, Paris, La Dispute, 2006.

12. Classes moyennes et classes populaires dans la ségrégation urbaine : proximités résidentielles et rapports de cohabitation

Séance du 5 avril 2007 avec Edmond Préteceille.

Edmond Préteceille est directeur de recherche au CNRS. Il est auteur notamment de La division sociale de l’espace milanais. Comparaison avec le cas parisien in Mélanges de l’école française de Rome. Italie et Méditerranée (Publié en 2008)

13. Le rôle des immigrés dans la mutation des classes sociales

Séance du 4 mai 2007 avec Gérard Noiriel.

Spécialiste de l’immigration et des mouvements ouvriers, Gérard Noiriel est directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, directeur de la formation doctorale « science sociale » (Normale Sup-EHESS).

14. Les fondements de l’entreprise : un enjeu idéologique et politique majeur

Séance de 11 décembre 2008 avec Daniel Bachet, Xavier Petrachi et Emmanuelle Boussard-Verrecchia.

Daniel Bachet est maître de Conférences à l’université d’Evry, auteur de l’ouvrage Les fondements de l’entreprise.

Xavier Petrachi est délégué CGT d’Airbus France.

Emmanuelle Boussard-Verrecchia est avocate au barreau de Versailles.

Les salariés et les citoyens constatent tous les jours que les entreprises peuvent produire de nouveaux biens et services sur la base d’innovations permanentes qui incorporent de l’intelligence et des compétences et simultanément engendrer des conséquences hautement nuisibles pour les systèmes sociaux : restructurations destructrices d’emplois, licenciements boursiers, délocalisations abusives, falsifications des comptes, atteintes à l’environnement, etc. Sachant que les modes de fonctionnement des grands groupes industriels ne sont pas assimilables à la gestion des PME, comment appréhender ces dynamiques contradictoires et trouver des explications satisfaisantes ?

Quelle est la finalité de l’entreprise : l’enrichissement des actionnaires de contrôle et des propriétaires, la production de richesses (biens et/ou services), la minimisation des « coûts de transaction » c’est-à-dire des coûts qui découlent du fonctionnement des marchés, l’emploi, la construction de liens sociaux ou encore tous ces objectifs à la fois ?

L’objet de l’exposé est d’identifier la place et la finalité de l’entreprise qui devrait, si certaines conditions étaient réunies, contribuer de façon significative à promouvoir une autre organisation des pouvoirs, plus démocratique.

L’analyse présentée ici évalue la portée et la limite des représentations existantes à partir d’un fait incontestable : la distinction entre l’entreprise (entité économique) et la société (entité juridique).

Distinguer ces deux entités conduirait à redéfinir une nouvelle approche de l’efficacité économique et sociale et à en tirer des conséquences opératoires grâce à de nouveaux outils de gestion valorisant le travail et l’emploi.

15. Forces et limites de l’hégémonie du néo-management : jusqu’où va la récupération par le management de sa critique ?

Séance du 31 janvier 2008 avec Eve Chiapello.

Eve Chiapello est professeur à HEC, co-auteur avec Luc Boltanski du Nouvel esprit du capitalisme (Gallimard, 1999).

16. Forces et limites de l’hégémonie du néo-management : les résistances ouvrières

Séance du 21 février 2008 avec Stephen Bouquin.

Stephen Bouquin est Maître de conférences en sociologie.

17. Télévision, hégémonie et politique

Séance du 28 mars 2008 avec Pierre Musso.

Pierre Musso est Professeur de sciences de l’information et communication à l’université de Rennes 2.

18. La démocratie participative : dispositif néo-libéral ou processus autogestionnaire ?

Séance du 10 Avril 2008 avec Yves Sintomer.

Yves Sintomer, professeur de sociologie à l’université de Paris VIII, directeur adjoint du centre Marc Bloch, intervienait sur le thème :

« la démocratie participative : dispositif néo-libéral ou processus autogestionnaire ? »

19. Bilan global des interventions syndicales dans la gestion des entreprises et l’élaboration des politiques industrielles

Séance du 23 octobre 2008 avec Danièle Linhart.

Danièle Linhart est Directrice de recherches au CNRS.

20. Les lois Auroux 26 ans après. Quelle intervention des salariés dans la politique industrielle ?

Séance du 24 novembre 2008 avec Gérard Alezard.

Gérard Alezard, secrétaire confédéral CGT de 1982 à 1995.

Séance de clôture

Séance du 19 mai 2009

Au cours de cette séance nous avons débattu les questions suivantes :

  1. Que signifierait aujourd’hui la revendication d’un droit d’expression directe, dans le contexte économique et politique de 2009 ? En quoi ce contexte est-il différent de celui de 1982.
  2. En quoi les mutations du travail et la crise systémique actuelle remettent-ils en cause les théories des années 80 sur le taylorisme et l’auto-organisation du travail ? En quoi les nouvelles organisations du travail en réseau dans l’entreprise (organisation matricielle, groupe projet etc…) changent-elles l’état d’ esprit des salariés et des syndicats ? En quoi expliquent-elles les difficultés à mobiliser pour construire des alternatives collectives aux restructurations, aux délocalisations, aux externalisations, et aux licenciements collectifs ?
  3. Comment articuler les luttes syndicales dans les Groupes multinationaux et les actions de revitalisation du territoire ?
  4. Comment relier actions syndicales et actions politiques, juridiques, sur les lieux de la représentation politique ?