Séance 4 du séminaire Capitalisme: vers un nouveau paradigme?
Avec Frédéric Boccara et Robert Boyer.
Animation: Stéphanie Gwizdak.
Le Jeudi 17 mars 2022 à 18h
Présentation
Les nouvelles technologies, la mondialisation font partie des forces qui ont profondément transformé le capitalisme. Révolution technologique? «Nouveau capitalisme»? Poursuite de l’ancien? Crise? Que penser de ces transformations?
Quels rapports entretiennent-elles entre elles et avec la financiarisation? Quelles menaces font-elles peser, quelles alternatives dessinent-elles? Quels moyens donnent-elles aux firmes multinationales pour imposer leurs stratégies aux collectivités humaines et aux territoires sur lesquelles elles vivent?
Mais aussi, quelles contradictions de ce mode de fonctionnement de l’économie la pandémie a-t-elle mises au jour? Quelles institutions et quels principes pour un nouveau mode de développement?
Avec:
- Frédéric Boccara, économiste, membre du Conseil national du PCF et du CA des Économistes atterrés;
- Robert Boyer, économiste, directeur d’études à l’EHESS, chercheur associé à l’Institut des Amériques.
Animation: Stéphanie Gwizdak, ingénieure à la sécurité numérique, administratrice de la Fondation Gabriel Péri.
La présentation de l’intervention de Robert Boyer:
Une mise en perspective des relations qu’entretiennent capitalisme et système technique dément l’hypothèse d’un déterminisme, en vertu duquel des techniques supérieures impliqueraient une transformation mécanique des relations sociales. L’émergence du capitalisme de plateforme permis par la puissance des technologies de l’information et de la communication se manifeste selon trois modalités contrastées : capitalisme transnational des GAFAM, capitalisme soumis au pouvoir politique en Chine, tentative de contrôle citoyen dans l’Union Européenne. C’est la distribution du pouvoir dans la société qui détermine très largement le déploiement des potentialités de la science et de la technique.
Certains modes de développement en voie d’émergence ne retiennent pas l’attention car ils ne rentrent pas dans les représentations héritées de modèles productivistes. Le modèle anthropogénétique fondé sur la primauté de l’éducation, de la santé et de la culture appartient à cette catégorie. Mais à nouveau, il se déploie de façon fort différente dans le capitalisme dominé par la finance des Etats-Unis, dans la société japonaise aux avants postes du vieillissement des populations, ou encore dans les sociétés social-démocrates. Le retour des pandémies renouvelle l’intérêt pour ce modèle.
C’est une invitation à réexaminer les relations qu’entretiennent distribution du pouvoir dans les sociétés et direction et intensité de l’innovation tout autant organisationnelle que technologique.
Références
- Boyer Robert, Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie, La découverte, Paris, 2021.
- Boyer Robert, “Platform capitalism: a socio-economic analysis” Socio Economic Review, 2021.
Retrouvez l’article de Frédéric Boccara « Exaspération, institutions et besoin de novation révolutionnaire » dans la revue Economie et politique.
L’exaspération est de tous les côtés : la crise systémique est entrée dans une nouvelle phase. L’exaspération est économique, avec une récession particulièrement inédite qui a commencé. Elle marque une forme d’exaspération de la crise du CME, de ses institutions néolibérales de crise et de la globalisation néolibérale. L’exaspération est sociale, perceptible en France avec les gilets-jaunes, elle s’est amplifiée sur les retraites, pour se développer de façon multiforme durant la pandémie et fait surface ouvertement à présent dans la dimension protestataire massive du vote à l’élection présidentielle. L’exaspération se manifeste aussi pour la police et l’armée: répression et violences policières au détriment de la tranquillité publique, contraintes changeantes et parfois inapplicables, grave irruption d’une parole de militaires dans le débat politique. L’exaspération est idéologique aussi avec un brouillage d’idées très profond entre gauche et droite. Les exaspérations identitaires sont travaillées de tous côtés, aussi bien à l’intérieur des pays, entre catégories sociales ou entre origines assignées, qu’au niveau international avec le « combat pour les valeurs », véritable guerre de civilisation impulsée par Biden. L’exaspération militaire enfin avec, en Europe, une guerre quasi-directe entre la Russie et les États-Unis, par Ukraine interposée, et toutes ses implications, notamment géopolitiques et économiques…