La Pensée n°390 – Miroirs philosophiques de 1917

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Avril-juin 2017

 Sommaire

Hommage à André Tosel
A la clarté des Lumières radicales, 
par André Tosel

Miroirs philosophiques de la révolution russe – 1917

  • Célestin Freinet : Une pédagogie nouvelle et populaire, par Pierre Roche. La révolution russe d’octobre 1917 et les premières années de frénésie pédagogique apportent à Freinet une justification de son emprunt à la pédagogie nouvelle occidentale et le conduit à son exemple à  demeurer dans le peuple et à son service dans la pédagogie populaire qu’il fonde entre 1920 et 1925.
  • Alain : Solidarité pratique et distance théorique, par René Lacroix. Alain adhère à la cause des opprimés. Cette solidarité il la manifeste à l’égard de la révolution russe, puis de la république soviétique alors même que les critiques se déploient à gauche, notamment sous l’impulsion des trotskystes. La solidarité pratique poussée et justifiée jusqu’aux limites du possible, n’exclut pas, mais appelle en contrepoint une analyse lucide. Théoriquement et philosophiquement parlant, les réticences d’Alain face à l’idée de la révolution sont nombreuses. Une réflexion qui, par touches successives, trouvera son prolongement dans les années d’après-guerre.
  • Georges Sorel : Une confirmation de ses thèses ?, par Michel Cochet. En 1917, Georges Sorel (1847-1922)  est âgé, malade et désabusé. Le déclenchement de la Guerre Mondiale en 1914 a mis apparemment un terme définitif à sa foi dans la possibilité d’une évolution de la France et de l’Europe vers le socialisme. Mais la prise de pouvoir par les soviets ranime l’« espérance d’une renaissance socialiste fondée sur l’activité des bolcheviks. » Il proclame alors son soutien enthousiaste à ce mouvement et à son chef, Lénine, pensant trouver en eux la confirmation empirique des thèses qu’il a formulées dix ans plus tôt.
  • Georges Politzer : « La révolution la plus profonde de l’histoire », par Norbert Lenoir. Politzer ne forge pas son concept de la révolution russe à chaud mais dans les années 1930. Il crée ce concept en réaction à l’idéologie nazie qui veut annexer et détruire le processus historique d’émancipation. C’est précisément la raison pour laquelle il déclare la révolution de 17 comme « la plus profonde de l’histoire ». à ses yeux, cette révolution donne réalité à l’émancipation à travers une figure inédite de la démocratie avec les conseils. La profondeur de cette révolution nous ouvre sur cette pensée : en politique tout n’est pas affaire de représentation et de porte-parole mais de constitution d’un sujet collectif qui est le peuple social des travailleurs. Les conseils sont pour Politzer cette dynamique historique qui, dans l’action et la parole, créent un tel sujet collectif.
  • Antonio Gramsci : Le problème de la traductibilité des cultures, par Paolo Quintili. Antonio Gramsci (1891-1937), au début du xxe siècle, est l’un des philosophes de la politique les plus originaux, en dehors des circuits académiques de la culture “haute” du Novecento, en Italie et en Europe. Grâce à une confrontation critique avec le représentant le plus éminent de cette culture, Benedetto Croce (1866-1952), Gramsci développe sa nouvelle philosophie de la culture, et la « philosophie de la praxis », qui prétend dépasser les frontières des États nationaux – à une époque où les nationalismes belliqueux et coloniaux ravageaient le monde entier – sur le socle de l’internationalisme marxiste lié à la Révolution russe de 1917 dont il s’inspire. L’un des volets de sa réflexion autour de la Révolution sera le problème de la traduction entre les différentes traditions “populaires-nationales”, entre leurs différents langages (pour atteindre une universalité concrète et élargir ainsi les frontières de la nouvelle révolution prolétarienne), et celui de la traductibilité des cultures qui les sous-tendent.
  • György Lukács : De la rupture à la crise, par Vincent Charbonnier. La Révolution bolchevique en octobre 1917 se reflète chez Lukács par de profondes interrogations sur l’éthique. Sur fond de la promesse hautement portée d’une émancipation de l’humanité, ce sont les questions de l’alternative, du choix à faire et de la résolution à prendre, c’est-à-dire l’action à mener. Ces questions vont intensément habiter Lukács tout au long de la période qui va de novembre 1917 jusque et pendant la République hongroise des conseils de 1919.
  • Nicolas Berdiaev :  L’oubli de la destination de l’homme, par Jean-François Petit. La révolution de 1917 ne fait que renforcer l’intérêt de Berdiaev pour les questions liées à la constitution d’une philosophie consciente de la conflictualité, entre la personne et l’histoire. L’historique à ses yeux n’est pas qu’un simple phénomène offert à l’observation positiviste, il révèle l’essence spirituelle de l’homme et du monde. Portée par l’utopie de réaliser une grande œuvre dans l’histoire, la révolution russe en est venue à négliger ou carrément à ignorer le monde vivant. Un esprit de révolution se serait installé sans révolution de l’esprit.
  • Carl Schmitt : Visions nationalistes du bolchevisme, par Christian Ferrié. Carl Schmitt, juriste d’extrême droite affilié au nazisme, apprécie les conséquences de la révolution bolchevique au double niveau de l’État national et du bouleversement international sans jamais en analyser ni les causes, ni le déroulement. Pendant Weimar, la dictature bolchevique est interprétée comme une forme autoritaire de démocratie dont la destruction nihiliste de la liberté civile est fustigée au moment du nazisme. à l’époque de la Guerre froide, Schmitt soutient que la révolution communiste de 1917 a initié une guerre civile mondiale.
  • Lothrop stoddard : soushommes en octobre, par Tanguy L’Aminot. Lothrop Stoddard (1883-1950) est un auteur politiquement incorrect. Il est raciste, affirme l’inégalité entre les hommes et la supériorité des classes possédantes, prône l’eugénisme et la mise au pas de ceux qui prêchent la révolte. Il fut cependant édité et traduit dans plusieurs pays et ses livres connaissent encore des rééditions tant en France qu’aux États-Unis. On trouve par ailleurs l’ensemble de son œuvre numérisée sur le Net. Il est l’inventeur du concept de « soushomme » qu’il utilise pour la première fois, en 1919, à propos des bolcheviques qui viennent de prendre le pouvoir en Russie. Il le définit comme « l’homme qui est en-dessous des normes de capacité et d’adaptabilité imposées par l’ordre social dans lequel il vit » et en étendra son application aussi bien aux pauvres et aux étrangers qu’à tous les révolutionnaires qui menacent, selon lui, le monde des blancs fortunés.

Le cours des idées

  • Pasolini et « l’esprit terrestre », par Jean-Michel Galano. L’œuvre de Pasolini intéresse aussi la philosophie. Les contradictions y abondent. Beaucoup attribuent ces contradictions à la complexité de l’homme et renvoient à sa biographie. Solution un peu facile. Je prétends pour ma part qu’elles sont inhérentes au réel lui-même, et que Pasolini a fait preuve de probité en embrassant ce réel dans sa totalité, sans se donner les facilités d’une approche unilatérale. Il nous laisse une œuvre sous tension, à l’image de ce monde qui se faisait et se défaisait devant lui, et qui est encore, et même de plus en plus, le nôtre.

La revue des revues

  • Beaucoup de politique… , par Patrick Coulon

Vie de la recherche

  • L’Encyclopédie : Pourquoi une nouvelle  version électronique ?, par Pierre Crépel.

Livres

  • Comptes rendus par Pierre Roche, Anne-Marie Roucayrol, François Bartosz,  René Nouailhat

ISBN : 978-2-37526-016-6, n°390 Avril-juin 2017

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