Skip to main content

©

La Marseillaise, le 28 février 2024
Daniel Cirera, ancien secrétaire national du mouvement de la paix et spécialiste des questions internationales, secrétaire général du Conseil scientifique de la Fondation Gabriel Péri, analyse les dernières déclarations d’Emmanuel Macron sur l’envoi de troupes en Ukraine.
 
La Marseillaise : Quel est votre regard sur les propos d’Emmanuel Macron, qui n’exclut pas l’envoi de troupes en Ukraine ?
Daniel Cirera : Venant du président de la République française, ces propos sont graves, il faut en mesurer toute la portée. Rappelons qu’il parle pour la France, membre du conseil de sécurité de l’ONU et une
puissance nucléaire. De fait, entrouvrir la possibilité d’envoyer des troupes au sol pose des questions. Jusqu’à aujourd’hui, c’était une option totalement exclue par tout le monde, y compris les États-Unis,
l’Otan ou le camp occidental en général. Pourquoi ? Car tout le monde, du moins les gens sérieux, en mesurait les conséquences. La question qui se pose suite à cette déclaration, c’est jusqu’où nous sommes prêts à aller ? Et à cette question, on peut imaginer le pire comme réponse. Le président s’engage donc sur quelque chose d’extrêmement grave, sans vrai débat. Il n’y a d’ailleurs pas eu de réflexion collective
sur le sujet, pas au Parlement par exemple. En ce sens, son intervention interroge réellement sur ses intentions et sur la gravité de ses propos.
 
Qu’est-ce que cela implique ?
D.C. : Jusqu’à maintenant, les pays comme la France disaient ne pas être co-bélligérants, mais là, on entrerait dans une dangereuse escalade. Une escalade qui serait difficilement maîtrisable. On passe
ici un cap. On parle quand même d’un pays comme la Russie qui est une grande puissance, y compris nucléaire. Du reste, on voit bien que les choses ne sont pas aussi simples que le président le voudrait. Il dit lui même qu’il y a une « ambiguïté stratégique ». Tout le monde sait surtout que, pour prendre une telle décision, il faudrait que les alliés soient d’accord. Or, il y a des positions très claires d’un certain nombre de pays, y compris l’Allemagne et Olaf Scholz, à l’encontre de cela. Autre problème majeur :
cela veut dire qu’on se préparerait à une guerre longue, qui dure, sans avoir vraiment d’initiative politique pour trouver une issue. Une issue qui permettrait à l’Ukraine de retrouver son intégrité territoriale, en passant par une solution diplomatique. Pourtant, ce que dit le droit international, c’est qu’il faut trouver des voies pour éviter le pire, chercher des solutions politiques.
 
Cela est-il à l’image des nombreux discours « va-t-en guerre » que l’on entend de plus en plus ?
D.C. : Oui, et c’est ça qui pose problème : le mot « guerre » envahit tout le débat. On a un discours qui vient préparer l’opinion, en quelque sorte. Alors que, quand on parle de guerre, on parle aussi des solutions qui permettraient de l’arrêter, avec un accord respectueux des normes internationales et de la souveraineté des peuples. Une solution qui permettrait qu’il n’y ait pas de nouvelle guerre après. Il faut donc reparler urgemment de paix, la remettre en avant.
 
Entretien réalisé par Amaury Baqué
 
 

Si vous voulez vous abonnez à La Marseillaise cliquez sur le lien