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Après la proclamation au peuple français du 4 avril 1871 qui alerte sur la gravité de la situation à la suite de l’offensive lancée par les versaillais, la Commune de Paris adopte, à l’unanimité, le décret «des otages» du 5 avril 1871 qui autorise l’accusation, l’incarcération et le jugement de toute personne «prévenue de complicité avec le gouvernement de Versailles»; les condamnés par le jury d’accusation devenant «les otages de Paris».  Ce décret ordonne aussi l’exécution de trois otages pour chaque garde national assassiné. Il aurait surtout eu pour effet de suspendre, jusqu’à la semaine sanglante, les exécutions sommaires opérées par l’armée de Thiers.
Ce décret est précédé d’une proclamation et suivi d’un rapport du délégué à la guerre aux membres de la Commission exécutive.
Un décret du 14 avril précise que s’il importe que «tous les conspirateurs et les traîtres soient mis dans l’impossibilité de nuire, il n’importe pas moins d’empêcher tout acte arbitraire ou attentatoire à la liberté individuelle». À cette fin, il encadre les procédures d’arrestation, de perquisition ou réquisition.

Journal officiel de la Commune de Paris, 6 avril 1871.

Paris, le 5 Avril 1871.

COMMUNE DE PARIS

Citoyens,

Chaque jour les bandits de Versailles égorgent ou fusillent nos prisonniers, et pas d’heure ne s’écoule sans nous apporter la nouvelle d’un de ces assassinats.

Les coupables, vous les connaissez : ce sont les gendarmes et les sergents de ville de l’empire, ce sont les royalistes de Charette et de Cathelineau qui marchent sur Paris au cri de Vive le Roi et drapeau blanc en tête.

Le gouvernement de Versailles se met en dehors des lois de la guerre et de l’humanité, force nous sera d’user de représailles.

Si, continuant à méconnaître les conditions habituelles de la guerre entre peuples civilisés, nos ennemis massacrent encore un seul de nos soldats, nous répondrons par l’exécution d’un nombre égal ou double de prisonniers.

Toujours généreux et juste même dans sa colère, le peuple abhorre la guerre civile ; mais il a le devoir de se protéger contre les attentats sauvages de ses ennemis, et, quoi qu’il lui en coûte, il rendra œil pour œil et dent pour dent.

Paris, le 5 avril 1871.

La Commune de Paris.

La Commune de Paris,

Considérant que le gouvernement de Versailles foule ouvertement aux pieds les droits de l’humanité comme ceux de la guerre ; qu’il s’est rendu coupable d’horreurs dont ne se sont même pas souillés les envahisseurs du sol français ;

Considérant que les représentants de la Commune de Paris ont le devoir impérieux de défendre l’honneur et la vie des deux millions d’habitants qui ont remis entre leurs mains le soin de leurs destinées ; qu’il importe de prendre sur l’heure toutes les mesures nécessitées par la situation ;

Considérant que des hommes politiques et des magistrats de la cité doivent concilier le salut commun avec le respect des libertés publiques,

DÉCRÈTE :

Art. 1er. Toute personne prévenue de complicité avec le gouvernement de Versailles sera immédiatement décrétée d’accusation et incarcérée.

Art. 2. Un jury d’accusation sera institué dans les vingt-quatre heures pour connaître des crimes qui lui sont déférés.

Art. 3. Le jury statuera dans les quarante-huit heures.

Art. 4. Tous les accusés retenus par le verdict du jury d’accusation seront les otages du peuple de Paris.

Art. 5. Toute exécution d’un prisonnier de guerre ou d’un partisan du gouvernement régulier de la Commune de Paris sera, sur-le-champ, suivie de l’exécution d’un nombre triple des otages retenus en vertu de l’article 4, et qui seront désignés par le sort.

Art. 6. Tout prisonnier de guerre sera traduit devant le jury d’accusation, qui décidera s’il sera immédiatement remis en liberté ou retenu comme otage.

RAPPORT
DU DÉLÉGUÉ À LA GUERRE AUX MEMBRES
DE LA COMMISSION EXÉCUTIVE

Citoyens,

Depuis mon entrée en fonctions, j’ai cherché à me rendre un compte exact de la situation militaire, tant au point de vue de ce qui motive une agression que rien ne justifie qu’à celui de ses résultats.

Le motif paraît être, en première ligne, d’effrayer la population, en second lieu nous faire dépenser en pure perte nos munitions, enfin masquer un mouvement sur notre droite pour occuper les forts de la rive droite.

Jusqu’à ce jour, l’espoir coupable de l’ennemi a été frustré, ses tentatives repoussées.

La population est restée calme et digne, et si nos munitions ont été gaspillées par des soldats trop jeunes, ils acquièrent chaque jour, par la pratique du feu, le sang-froid indispensable à la guerre.

Quant au troisième point, il dépend plus des prussiens que de nous. Néanmoins, nous veillons.

Au point de vue de l’action, elle se résume ainsi : soldats excellents, officiers mêlés, les uns très bons et les autres très mauvais. Beaucoup d’élan, assez peu de fermeté. Quand les compagnies de guerre seront formées et dégagées de l’élément sédentaire, on aura une troupe d’élite dont l’effectif dépassera 100 000 hommes. Je ne saurais trop recommander aux gardes de porter toute leur attention sur le choix de leurs chefs.

Actuellement, les positions respectives des deux troupes peuvent se résumer ainsi : les Prussiens de Versailles occupent les positions de leurs congénères d’outre-Rhin. Nous occupons les tranchées, les Moulineaux, la gare de Clamart.

En somme, notre position est celle de gens qui, forts de leurs droits, attendent patiemment qu’on vienne les attaquer, se contentant de se défendre.

Des actes d’héroïsme se sont accomplis. À ce sujet, je proposerai à la Commune de vouloir bien faire don au 101e bataillon d’une mitrailleuse qu’il a enlevée aux Prussiens de Versailles avec son caisson et deux autres pièces d’artillerie.

Que chaque bataillon tienne à l’honneur d’imiter le 101e, et bientôt l’artillerie de la Commune de Paris sera une des plus belles et des mieux servies.

Je saisis cette occasion de rendre un public hommage à la justesse du tir de nos artilleurs.

En terminant, citoyens, je pense que si nos troupes conservent leur sang-froid et ménagent leurs munitions, l’ennemi se fatiguera avant nous. Il ne restera alors de sa folle et criminelle tentative que les veuves et les orphelins, le souvenir et le mépris pour une action atroce.

Le délégué à la guerre,
Général E. CLUSERET

JO, 6 avril 1871.

Voici l’affiche qui était collée sur les murs de Paris

Journal officiel de la Commune de Paris, samedi 15 avril 1871.

La commune de Paris,

Considérant que s’il importe pour le salut de la République que tous les conspirateurs et les traîtres soient mis dans l’impossibilité de nuire, il n’importe pas moins d’empêcher tout acte arbitraire ou attentatoire à la liberté individuelle.

DÉCRÈTE :

Art. 1er. Toute arrestation devra être notifiée immédiatement au délégué de la Commune à la justice, qui interrogera ou fera interroger l’individu arrêté, et le fera écrouer dans les formes régulières, s’il juge que l’arrestation doive être maintenue.

Art. 2. Toute arrestation qui ne serait pas notifiée dans les vingt-quatre heures au délégué de la justice sera considérée comme une arrestation arbitraire, et ceux qui l’auront opérée seront poursuivis.

Art. 3. Aucune perquisition ou réquisition ne pourra être faite qu’elle n’ait été ordonnée par l’autorité compétente ou ses organes immédiats, porteurs de mandats réguliers, délivrés au nom des pouvoirs constitués par la Commune. Toute perquisition ou réquisition arbitraire entraînera la mise en arrestation de ses auteurs.

Paris, le 14 avril 1871.

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