Par Corentin Lahu
Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne Franche-Comté.
Zéphirin Camélinat est né le 14 septembre 1840 à Mailly-la-Ville, dans l’Yonne. Après avoir travaillé avec son père vigneron, Camélinat gagne la capitale à 17 ans et devient ouvrier bronzeur. Il y fait la connaissance de Proudhon, puis participe à la fondation de l’Association Internationale des Travailleurs et assiste à son premier congrès à Genève en 1866. L’année suivante, il mène la grève victorieuse des ouvriers du bronze et milite activement au sein de la chambre syndicale des bronziers et de l’Internationale.
Lorsque la guerre éclate en 1870, il est mobilisé dans les rangs de la garde nationale. Après le 18 mars 1871, Camélinat se met au service de la Commune, avant d’être nommé le 3 avril directeur de la Monnaie. Durant la Semaine Sanglante, il fait évacuer sous la mitraille quelques 153 000 Francs en pièces neuves jusqu’à la mairie du XIe arrondissement pour payer la solde des combattants fédérés, et se bat jusqu’aux derniers instants sur la barricade des Trois-Bornes dans le même arrondissement. Il parvient ensuite à se cacher et part se réfugier à Londres, tandis que les tribunaux le condamnent par contumace à la déportation « pour insurrection, pillage et vol à la Monnaie de 153 000 F »[1].
À son retour définitif en France en 1882, à la suite de la loi d’amnistie pour les anciens communards, il préside la Chambre syndicale des ouvriers du bronze et se lance dans le combat politique. Élu député socialiste indépendant en 1885, Camélinat place dès lors « son mandat sous le sceau de son passé […] et dans la continuité de son action militante internationaliste et communarde »[2], en déclarant peu de temps après son élection : « Je viens simplement vous dire avec franchise comment je comprends le mandat que vous avez confié à un ouvrier socialiste. Ancien militant de l’Internationale, ancien combattant de la Commune de Paris, je m’efforcerai d’être à la Chambre l’homme de mon passé, communaliste et socialiste »[3]. Après la naissance de la SFIO en 1905, il occupe la fonction de trésorier du parti jusqu’en 1919.Après s’être rallié, comme la majorité des militants socialistes, à l’Union sacrée lors de la Première Guerre mondiale[4], Camélinat se tient à l’écart des débats qui agitent la SFIO au sujet de l’adhésion à l’Internationale communiste. Il va pourtant jouer un rôle de grande importance durant la scission, en tenant entre ses mains le sort de L’Humanité. Détenteur d’une partie des actions du journal, il décide de les répartir proportionnellement aux mandats du congrès de Tours, faisant basculer le quotidien sous le contrôle du jeune parti communiste. Camélinat décide alors de suivre la majorité et de rejoindre les rangs de la SFIC, moins par une volonté de rupture avec les anciennes pratiques socialistes que par souci de préserver l’unité du parti et par fidélité à un idéal révolutionnaire puisant dans les luttes du passé. Il apporte en même temps son soutien à la Russie soviétique, cette « Commune de Russie, République fondée sur le travail, la solidarité et la justice »[5].
[1] Michel Cordillot, « Camélinat-le-Communard, de Mailly-la-Ville à l’exil outre-Manche », in Zéphirin Camélinat (1840-1932). Une vie pour la sociale, Actes du colloque historique organisé au Musée Saint-Germain à Auxerre le 11 octobre 2003, Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne et ADIAMOS-89, Auxerre, 2004.
[2] Laure Godineau, « Le retour d’exil de Camélinat et des Communards », in Zéphirin Camélinat (1840-1932). Une vie pour la sociale, op. cit., p. 62.
[3] Cité par Laure Godineau, ibid.
[4] Notice biographique de Zéphirin Camélinat dans le Maitron.
[5] Cité par Pascal Guillot, « Camélinat et les débuts du Parti Communiste », in Zéphirin Camélinat (1840-1932). Une vie pour la sociale, op. cit.