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Une OTAN « rénovée » pour quels objectifs ?

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Que penser du sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Chicago les 20 et 21 mai 2012 ? Le choix du lieu décidé par le président Obama lui-même, la participation des chefs d’État et de gouvernement, non seulement des 28 pays membres, mais aussi ceux de 30 autres pays donnent à ce rendez-vous un relief particulier. C’est, avoué ou non, la volonté de promouvoir une nouvelle alliance transatlantique, qui, outre le sigle, n’aurait que de très lointains rapports avec celle qui existait depuis des décennies. Il s’agit de faire de l’OTAN un acteur clé de la vie internationale.

Le bourbier afghan

Dans cet esprit, le Sommet avait porté à son ordre du jour la situation en Afghanistan, après dix ans d’intervention militaire de l’OTAN ou plus précisément des modalités d’un retrait qui s’avère urgent. L’intervention s’est abîmée dans les montagnes afghanes et s’est transformée en immense bourbier. Le retrait en lui-même ne posait pas problème, car tout le monde veut voir l’OTAN quitter l’Afghanistan au plus vite, mais une question taraudait les responsables de l’opération : comment éviter que le retrait soit considéré comme une débandade, un échec portant atteinte à la crédibilité de nouvelles opérations que l’OTAN serait susceptible de mener à l’avenir. C’est pourquoi, la nature et le rythme de ce retrait ont posé et posent encore aujourd’hui questions. Transférer purement et simplement les moyens à l’armée et la police afghane n’est pas sans susciter inquiétudes pour l’avenir du pays et la stabilité de la région. A Chicago, de manière générale le retrait des forces combattantes fut fixé à 2014, sans incidences notables de la décision française de retirer ses propres troupes fin 2012. Pour ce qui concerne l’évolution ultérieure des forces d’assistances sur le terrain, elles se maintiendront, durant des délais qui restent à fixer. Le coût de cette assistance est évalué à 4,1 milliards de dollars (pour la France l’évaluation est fixée à 150 millions d’euros). Outre les mesures d‘assistance, d’autres mesures sont envisagées pour garder le pays sous influence. Ainsi les présidents Obama et Karzaï ont signé un traité qui autorise pour plusieurs années, l’usage du territoire afghan par les troupes américaines. Le secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, n’a-t-il pas affirmé à maintes reprises que l’avenir de l’OTAN se jouait en Afghanistan.

Un basculement vers la région Asie-Pacifique et le Grand Moyen-Orient

L’expérience afghane n’est pas sans susciter réflexions chez les membres de l’Organisation et les « partenaires » qui ont signé des accords de coopérations. Une réflexion d’autant plus vive lorsque l’on sait que cette guerre a été initiée par les États-Unis, lesquels pilotent l’évolution de l’Alliance vers une nouvelle configuration. La politique militaire américaine actuelle s’inspire de la « Quadrianal Defense Review » 2010, actualisée et présentée dans ses grandes lignes en janvier 2012 par le président Obama, sous l’intitulé « New strategic guidance ». Cette politique traduit au plan stratégique un déploiement dans la région Asie-Pacifique et au Grand Moyen-Orient. C’est dans ces deux directions que les États-Unis souhaitent voir s’orienter l’activité de l’OTAN. A ce sujet Ben Rhodes, conseiller au Pentagone, a souligné qu’en organisant ce Sommet sur le sol américain, le président Obama « voulait montrer à quel point les États-Unis intègrent l’OTAN dans les projets d’avenir de la politique américaine ». De son côté, le président Obama a déclaré que « la mission historique de l’OTAN en Europe était désormais accomplie et qu’elle se devait de trouver d’autres missions ». D’autres déclarations n’hésitent pas à présenter l’OTAN comme un « multiplicateur de puissance pour les États-Unis ; un tel positionnement suscite pour le moins réserves, sinon hostilités, chez les partenaires, bien que les divergences soient le plus souvent occultées dans les déclarations officielles. Pour autant les contradictions sont réelles. Du côté des pays membres, si le leadership américain ne semble pas poser de problèmes majeurs, au sein de l’Organisation, l’accord entre les deux rives de l’Atlantique est de moins en moins automatique, du fait de la disparition de la menace majeure qui avait soudée certains d’entre eux. Ils s’interrogent aujourd’hui s’il ne convient pas de faire rentrer le génie dans la lampe, pour se replier sur les missions strictes de défense des alliés à l’origine de l’Alliance, dans l’esprit de la Charte transatlantique. L’accord est moins automatique du fait aussi de la multiplication des membres. Celle-ci dilue leurs liens avec les États-Unis. Il reste que des tendances, centrifuges, centripètes se manifestent, souvent simultanément, rendant plus difficile la perception. Par ailleurs, depuis la fin de la guerre froide, l’OTAN a noué des coopérations avec plusieurs pays de différents continents (partenariat pour la paix ; dialogue méditerranéen initiative de coopération d’Istanbul).

Ces coopérations n’ont guère dépassé le stade du principe et sont peu fiables. Pourtant un chapitre entier du concept stratégique y est consacré ; A Chicago des mesures ont été envisagées dans une démarche qui rejoint sur le fond la vision américaine « global partnership », en tendant, tout en rassemblant un maximum de pays à moduler leur intervention directe au fil des événements. Même conçu à la carte, ce type de coopérations ne semble pas avoir le vent en poupe.

Une Organisation surannée

Il semble important de discerner les contradictions spécifiques de l’OTAN, en lien avec les rapports internationaux, car elles conditionnent l’approche de nombreux problèmes, en particulier ceux qui sont abordés lors du sommet de Chicago. C’est le cas en particulier du bouclier antimissile, voulu et dirigé par les États-Unis. Le principe de ce bouclier a été adopté lors du sommet de Lisbonne, mais visiblement la réalisation s’avère ardue. C’est pourquoi le secrétaire général a lancé l’idée d’ « une capacité opérationnelle intermédiaire ». De nouveau, plusieurs pays européens ont exprimé leurs réticences vis-à-vis d’un projet fortement déstabilisateur, coûteux à l’utilité douteuse, d’autant que certains d’entre eux, comme la Belgique, l’Allemagne, le Danemark, accueillent sur leur sol des bombardiers américains. La Russie a manifesté son hostilité à un projet qu’elle considère comme une menace pour sa sécurité, d’autant que l’OTAN s’est déclarée déterminée à rester une alliance nucléaire. La relation entre l’OTAN et la Russie s’en trouve affectée. L’absence du président Poutine à Chicago l’a reflété.

L’OTAN a peiné à gérer la fin de la guerre froide où elle fondait son existence. A-t-elle pour autant trouvé une place crédible dans la nouvelle donne internationale. Quelle place peut-elle occuper au plan international ? Une question revient, tenace : à quel rôle peut prétendre une telle organisation ? Son comportement agressif, unilatéral dans les questions internationales brûlantes a, y compris dans l’application des résolutions du Conseil de sécurité, tendu bien évidemment à la discréditer et à la rendre dangereuse aux yeux du monde ; Sa prétention à se substituer à l’ONU, qui elle détient une vraie légitimité, par les normes fixées par la Charte des Nations unies est vigoureusement condamnée. C’est pourquoi de larges secteurs de l’opinion publique internationale, non seulement conteste son action, mais demande de plus en plus sa dissolution. Les manifestations qui se sont déroulées dans le monde, y compris à Chicago, que l’on aurait grand tort de sous-estimer, en sont l’illustration.