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La Fondation Gabriel Péri était partenaire d’un séminaire sur les enjeux miniers organisé par l’ASFA21 (Solidarité Faléa 21) une association qui a pour objectif de sensibiliser les populations, les acteurs sociaux et publics du Mali aux conséquences de l’activité des industries extractives sur l’environnement, la santé et les droits des populations. Elle travaille avec les 21 villages de la Commune Rurale de Faléa située dans le cercle de Keniéba, en région de Kayes, une zone riche en ressources minières : or, uranium, bauxite, cuivre, argent.

La première journée (20 novembre 2015) a permis de réunir des députés et des responsables des services techniques des ministères concernés par les activités minières pour débattre des dispositifs institutionnels existants encadrant les activités minières, et élaborer des recommandations pour que les intérêts des populations et le respect de l’environnement soient davantage pris en compte.

La deuxième journée (21 novembre) a réuni des acteurs de la société civile pour un échange autour du fonctionnement et des méthodes des industries extractives. Il a été décidé de mettre en place un réseau de plaidoyer sur les enjeux miniers.

Contexte :

L’expérience vécue par les populations maliennes depuis plus de deux décennies et l’observation objective révèlent incontestablement que l’exploitation minière n’a eu aucun effets positifs notables sur les conditions de vie dans les zones concernées, ni aucun impacts significatifs sur le développement local et national du Mali.

Cette situation est due avant tout à la faiblesse des dispositions légales et réglementaires qui régissent le secteur minier du pays. En effet, après deux révisions successives (1999 et 2012), le code minier malien demeure encore nettement favorable aux investissements étrangers qui profitent du coût du travail très faible et négligent le développement de la formation professionnelle et de l’emploi de qualité des jeunes, facteurs d’amélioration substantielle des revenus des populations.

De plus, les sociétés minières multinationales, en l’absence de dispositions très contraignantes et de dispositifs publics dotés de moyens conséquents pour exercer un suivi et un contrôle effectifs et rigoureux de leurs activités, n’assument pas correctement leurs responsabilités environnementales et sociales.

Elles rentabilisent ainsi leurs entreprises au prix d’importants dégâts sur l’environnement et de conséquences néfastes sur la santé des communautés locales sans compensation juste et équitable.

La seconde raison réside dans l’approche et la démarche adoptées pour l’élaboration du code minier national : elles ont, en pratique, ignoré ou marginalisé les acteurs de terrain et les premiers concernés (des pouvoirs publics locaux, comme les conseils de cercle et conseils communaux, les populations, les orpailleurs et producteurs agricoles, les organisations professionnelles, les syndicats de travailleurs, les autres groupes d’usagers des ressources naturelles, la société civile, etc.).

C’est pourquoi à la demande de la Commission parlementaire de l’eau, de l’énergie, des industries, des mines, de l’artisanat, du tourisme et des technologies, l’association citoyenne ASFA21 a décidé d’organiser, grâce aux concours financiers de la fondation Gabriel Péri, de la fondation Rosa Luxemburg et du Forum civique européen-section suisse, deux journées d’échanges entre élus de la nation et société civile afin que ces deux types d’acteurs qui émanent directement des citoyens, soient mieux outillés pour contribuer avec efficience à l’amélioration du code minier du Mali et à la promotion de la gouvernance minière dans notre pays.

La rencontre avait pour tâche de répondre à deux questions essentielles :

  1. Quel code minier peut permettre au Mali, 3e producteur d’or en Afrique et eldorado pour les compagnies transnationales, d’avoir « bonne mine » et de faire de ses richesses minières prodigieuses un véritable levier de développement local et national autonome ?
  2. Comment faire pour dérouler un processus de dialogue et de négociation transparent, participatif et inclusif qui seul garantit l’élaboration d’un instrument juridique adéquat aux besoins de développement du pays et aux aspirations de ses citoyens dont la toute première revendication est de cesser d’être pauvres sur une terre aux richesses minières faramineuses ?

Les travaux ont bénéficié de l’apport précieux des services étatiques maliens missionnés dans le secteur minier (DNGM, DNACPN, AMARAP, INRSP) et d’experts en analyse des systèmes législatifs et financiers relatifs aux industries extractives ainsi que des pratiques des sociétés minières multinationales à travers le monde comme Alain Deneault, chercheur et professeur à l’université de Montréal au Québec.

Lors du 2e jour, après l’introduction de Diatrou Diakité, chargé de la gouvernance minière et des ressources naturelles à l’ASFA21, qui amis l’accent sur la nécessité pour la société civile de s’unir et faire bloc face à la puissance d’invasion des sociétés minières transnationales, et sur un retour souhaité de la souveraineté culturelle, arme contre le formatage de l’économie et de la pensée au Mali, l’intervention d’Alain Deneault a mis en lumière les rouages de l’exploitation extractiviste imposée à l’ensemble des peuples de la planète. 75% des sociétés minières sont canadiennes et 60% des minières cotées en bourse le sont à Toronto. Si les investisseurs ne sont pas toujours canadiens, ils s’établissent dans ce pays pour bénéficier de sa situation de paradis réglementaire, fiscale et judiciaire qui permet aux sociétés minières de s’enrichir dès la phase d’exploration avec la spéculation boursière sur des actions étalonnées sur une mine dont on fait croire qu’elle a un potentiel prometteur. Le Canada crée les conditions de cette spéculation en autorisant la divulgation d’informations pas toujours en phase avec les réalités et en subventionnant l’achat d’actions. Le Canada use également de tous les moyens diplomatiques pour faire pression sur les gouvernements des pays où les sociétés minières interviennent ou projettent d’intervenir.

Pour contrer ces pratiques, le chercheur recommande de subordonner la géologie à la géographie pour que les richesses du sous-sol ne soient pas isolées de leur milieu mais considérées comme constitutives d’un espace économique, social et culturel qu’on ne peut vendre à la découpe par l’octroi de titre minier. Face au gigantisme minier qui détruit des zones toujours plus vastes pour extraire de moins en moins de minerais –les bonnes mines ayant déjà été exploitées-, le principe de précaution doit être invoqué. Le code minier du Mali devrait inclure un moratoire sur l’exploration et l’exploitation de l’uranium et des mines d’or à ciel ouvert.


Pour en savoir plus :

Paradis sous terre. Comment le Canada est devenu la plaque tournante de l’industrie minière mondiale, Alain Deneault, William Sacher, Ecosociété, 2012.

Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique, Alain Deneault avec Delphine Abache et William Sacher, Ecosociété, 2008.

Intervention de Alain Deneault sur les rouages de l’exploitation extractiviste.