Un ouvrier métallo ministre des travailleurs
1946 : l’oeuvre législative d’Ambroise Croizat
Lors des élections du 21 octobre 1945, le PCF devient le premier parti de France. Le poids des communistes augmente alors au sein du gouvernement. Ambroise Croizat, ancien ouvrier métallurgiste, est nommé ministre du Travail le 21 novembre 1945, dans le deuxième gouvernement du général de Gaulle. C’est donc à lui que revient le rôle de porter politiquement les projets de lois sur la Sécurité sociale et de les défendre devant l’Assemblée, la presse et les groupes d’intérêts qui s’y opposent.
À la tête de ce ministère, en dix-huit mois, Croizat dépose de nombreux projets de loi, allant de la représentation syndicale à la médecine du travail, en passant par les divers risques couverts par la Sécurité sociale. Le 22 mai 1946, la « loi Croizat » porte généralisation de la Sécurité sociale. Elle devait permettre à l’ensemble de la population de bénéficier du système, et pas seulement les salariés. D’autres améliorations apparaissent à cette période, notamment le passage des deux tiers aux trois quarts de représentants ouvriers dans les conseils d’administration des caisses.
La droite chrétienne et la Mutualité s’opposent avec vigueur à ce nouveau régime et tentent d’en retarder l’application. Pour déjouer leurs manœuvres, Ambroise Croizat prend la parole à l’Assemblée le 8 août 1946. Après avoir rappelé que la Sécurité sociale est « une réforme d’une trop grande ampleur […] pour que quiconque puisse en réclamer la paternité exclusive », il ajoute qu’elle est « l’instrument de tous les progrès sociaux qui doivent, dans l’avenir, se réaliser ».
Dans son cabinet ministériel, on compte d’autres personnalités du mouvement ouvrier : citons par exemple les avocats communistes Marcel Willard et Pierre-Roland Lévy, ou les syndicalistes CGT Jean Briquet, Henri Fradin, Henry Hauck et Marcel Lamour. De ce point de vue, la présence de représentants des organisations ouvrières au sein du ministère a joué un rôle décisif dans la mise en œuvre législative de la Sécurité sociale. Ce volontarisme politique d’Ambroise Croizat se manifeste aussi dans l’implantation des caisses sur l’ensemble du territoire. Il s’appuie directement sur les militants de la CGT, avec lesquels il conserve un contact permanent.