Nous vous proposons la série « La bataille du Front Populaire » en partenariat avec L’Humanité.
Épisode 7 par Zoé Grumberg, historienne. À la veille du Front populaire, la France compte 3 millions de résidents étrangers. Nombre d’entre eux ont fui les persécutions ou la répression dans le pays, aussi sont-ils perçus comme une menace par le pouvoir. À gauche, le PCF s’emploie à les organiser.
En 1930, en France, près de 3 millions d’étrangers sont présents sur le territoire (30 millions d’habitants en métropole). Étrangers, immigrés, réfugiés, exilés : ces termes révèlent les différentes raisons qui expliquent leur présence en France (économiques, politiques, antisémitisme, etc.) et les statuts éventuels qui sont les leurs.
La grande majorité de ces étrangers appartient au prolétariat, avec des nuances de corps de métier entre les immigrations. Beaucoup d’entre eux vivent dans des conditions précaires.
En France, si les étrangers ne sont pas les égaux des Français sur les plans juridique et politique, ils ont toutefois des libertés qu’ils n’avaient pas parfois dans leur pays : liberté d’opinion et d’expression, droit d’adhésion aux partis et syndicats, droit de réunion et de grève. Or, les pouvoirs publics craignent leur engagement politique.
De la main-d’œuvre étrangère à la main-d’œuvre immigrée
Ils engagent donc une action préventive (surveillance des militants et de leurs productions de propagande, interdiction des manifestations contre les gouvernements étrangers au nom de l’intérêt national français) et répressive (dissolutions d’association, saisies de livres, interdictions de journaux, arrestations et expulsions).
Ils ont toutefois des moyens insuffisants et les agents ne sont pas toujours compétents, faute de formation adéquate. Si ces actions de surveillance ne ciblent pas systématiquement une catégorie ou une nationalité, les sanctions frappent plus souvent les communistes.
Depuis le milieu des années 1920, le PCF a pris conscience de l’importance de la propagande vis-à-vis des immigrés et a organisé des groupes de langue, puis une section de la main-d’œuvre étrangère (MOE) qui devient la main-d’œuvre immigrée (MOI) en 1932. En 1932, on compte environ 3 200 étrangers au sein du PCF, qui rassemble alors autour de 30 000 adhérents (loin du nombre d’adhérents après le Front populaire : entre 250 000 et 300 000 !).
Toutefois, ce chiffre ne prend pas en considération les nombreux membres des organisations de masse de la MOI, qui n’adhèrent que rarement au PCF. À titre d’exemple, le lectorat du journal de la section juive de la MOI, Naye Prese, s’élèverait à 10 000 personnes qui sont aussi vraisemblablement membres d’au moins une association de la sous-section juive sans toutefois avoir pris leur carte au Parti.
Zoé Grumberg, «Entre le Front populaire et les étrangers, une histoire inaboutie», L’Humanité, 24/06/2024