Entretien avec Louise Gaxie, directrice de la Fondation Gabriel Péri et Pierre Khalfa, économiste, coprésident de la Fondation Copernic.
L’invasion russe de l’Ukraine a, au-delà de son impact géopolitique, déclenché de nombreux effets négatifs sur le terrain économique. Effets qui se font ressentir au niveau même de la vie quotidienne en France.
Dans quel contexte économique la guerre russo-ukrainienne s’est-elle déclenchée ? Quel est son impact ? Quelles mesures d’urgence envisager pour répondre à la situation ?
Quelles mesures d’urgence envisager pour répondre à la situation ?
Louise Gaxie, directrice de la Fondation Gabriel-Péri
Les prix de l’énergie, qui ont déjà beaucoup augmenté ces dernières années, sont fortement impactés par la guerre en Ukraine. Il en va de même des prix de l’alimentation et plus généralement des matières premières. Ces hausses des prix touchent en priorité les classes populaires et les plus modestes. On évalue aujourd’hui à 34 millions le nombre d’Européens en situation de précarité énergétique. 72 millions de personnes en Europe vivaient déjà sous le seuil de pauvreté en 2019 avant la pandémie et la guerre en Ukraine, qui ont accentué la crise systémique que nous vivons.
Pour éviter d’aggraver encore la crise économique et sociale, des mesures d’urgence comme le blocage des prix et la réduction des taxes peuvent être adoptées immédiatement. Face à ces hausses des prix, il faudrait aussi distinguer ce qui relève de la spéculation. Dans une étude de 2019, Michel Robe et John Roberts montrent que, pour le blé, entre 61 % et 73 % des échanges sont réalisés par des spéculateurs ; pour le maïs, ce sont 59 % des échanges. La spéculation sur les produits de première nécessité – d’autant plus en période de crise – est inacceptable. Il est donc nécessaire de proposer de bloquer les cotations sur les marchés des céréales et de l’énergie. Il faut également imposer aux grands groupes une baisse de leurs marges. Par ailleurs, des mesures d’aide sociale peuvent être rapidement mises en œuvre en augmentant fortement le montant du chèque énergie et en interdisant les coupures d’énergie. Concernant l’alimentation, la France doit agir pour négocier l’ouverture de corridors alimentaires pour débloquer les stocks de céréales existant en Ukraine et en Russie. La mobilisation des stocks alimentaires et l’approvisionnement des peuples menacés de famine devraient être gérés au plan international dans une logique de coopération. Plus généralement, face aux conséquences de la guerre, il faut mettre en place une taxation exceptionnelle des profits des grands groupes et obtenir des banques un engagement sur le maintien et la distribution de crédits à taux réduits pour toute la durée de la crise. Des prêts superbonifiés à taux nul ou négatif peuvent être développés pour les PME qui s’engagent à préserver les emplois et à augmenter les salaires. Enfin, un fonds européen de solidarité financé par la création monétaire de la BCE peut être mis en place.
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