Nous vous invitons à lire la tribune publiée par l’Institut Convergences Migrations qui réunit plus de 700 chercheur∙e∙s sous l’égide du CNRS, au lendemain du vote à l’Assemblée nationale de la loi Immigration et intégration.
Elle dénonce une « démission du parti au pouvoir devant la poussée de l’extrême droite », « une faute politique et morale », qui « bafoue les droits humains les plus fondamentaux et fait fi des données les plus élémentaires mises en évidence » par leurs recherches.
Comme nous l’avons rappelé dans la visioconférence du 7 décembre dernier : « Quelle politique migratoire au 21e siècle? », avec François Héran, président de l’Institut, la tribune signale que :
- Non, la France n’est pas « submergée » par une immigration « hors contrôle », elle connaît une progression de la demande de refuge et de séjour qui traduit un phénomène mondial, et ce à un rythme plus modéré que la plupart des pays voisins, loin des niveaux observés dans les pays du Sud.
- Non, nous n’avons pas « le modèle social le plus généreux d’Europe qui fait de la France la destination privilégiée pour les migrants » : nous sommes très loin d’avoir pris notre part dans l’enregistrement des demandes d’asile venues du Proche et du Moyen Orient. Plus généralement, la répartition des migrants et des réfugiés à travers l’Europe n’a aucun lien avec la générosité de la protection sociale : l’« appel d’air » est un mythe jamais démontré.
- Non, la surenchère dans la « fermeté » n’a jamais réussi à réduire les « flux d’entrée », elle crée un effet de nasse en bloquant les va-et-vient entre pays d’origine et pays de destination.
- Non, les immigrés ne prennent pas le travail des Français, ils accomplissent des tâches indispensables au fonctionnement de l’économie et de la vie sociale, comme l’a démontré le rôle qu’ils ont joué pendant la pandémie et encore aujourd’hui au moment de l’organisation des Jeux Olympiques. Et l’on pourrait multiplier ainsi les exemples.
- Non, enfin, la population française n’est pas systématiquement hostile à l’immigration pour peu qu’on lui pose des questions circonstanciées dans des enquêtes et des observations menées avec la rigueur nécessaire.
L’Institut Convergences Migrations dénonce cette nouvelle loi qui, sous couleur d’« améliorer l’intégration », s’emploient systématiquement à la retarder ou à l’entraver : allongement du délai pour obtenir le regroupement familial, allongement de durée de séjour pour les aides contributives (logement et allocations familiales), pouvoir accru des préfets pour décider des régularisations dans les métiers en tension, retour à la loi Méhaignerie de 1994 qui exigeait des enfants d’immigrés nés en France une « manifestation de volonté d’acquisition de la nationalité française », etc. L’Institut dénonce aussi le rétablissement du délit de séjour irrégulier, que le Parlement avait aboli en décembre 2012 à la suite de deux arrêts de la Cour de cassation. Il affirme sa pleine solidarité à l’égard des étudiants étrangers qui devront désormais verser une caution pour couvrir le coût d’éventuels « frais d’éloignement ». Plus généralement, il dénonce une approche générale de la migration essentiellement sécuritaire, identitaire ou utilitariste, indûment monopolisée par le ministère de l’Intérieur. Elle fait fi des réalités humaines vécues par les femmes, les hommes et les enfants concernés. Elle fait fi de leurs droits, de leur protection sociale et de leur santé.
Le vote de cette loi, c’est d’abord la victoire de l’idéologie sur les faits, le triomphe des fantasmes sur des réalités méconnues ou déniées. Au-delà de la loi votée ce 19 décembre, l’Institut Convergences Migrations poursuivra dès lors ses missions : mobiliser la recherche dans toutes les disciplines pour établir les faits, restituer l’expérience vécue de la migration, analyser les mécanismes de discrimination et d’intégration, diffuser les résultats de la recherche au public le plus large, et de cette manière contrecarrer les idées reçues.
Lire la tribune sur le site de l’Institut Convergences Migrations.