Skip to main content

©

Entretien avec Daniel Gaxie, Professeur émérite à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et auteur de  «Sondages : précautions avant usages», note publiée par la Fondation Gabriel-Péri,  et Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop.

Les déterminants du vote sont multiples. Les enquêtes d’opinion semblent agir sur une partie des électeurs qui, tels des stratèges, cherchent à peser le plus possible sur l’issue du scrutin. Jusqu’à quel point?

Les sondages influencent la partie la plus politisée des électeurs, mais également la stratégie développée par les acteurs politiques.

Daniel Gaxie, Professeur émérite à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne

Plus importante à l’occasion de l’élection présidentielle, l’influence des sondages s’exerce sur certains électeurs, la stratégie des acteurs politiques et la couverture médiatique. Tous n’y sont pas tous attentifs.

Plus les individus s’intéressent à la vie politique, plus ils sont susceptibles de leur accorder de l’attention. Or, l’intérêt pour la poli­tique est inégal. Il obéit à certaines déterminations, dont la principale est le niveau d’éducation ou, plus précisément, le volume de capital culturel. Tendanciellement, les sondages pèsent donc plutôt sur le choix des membres des catégories supérieures.

Les études d’opinion n’incitent pas forcément à voter. Ceux qui n’y sont pas disposés ne vont pas le faire parce qu’ils vont prendre connaissance des résultats des enquêtes.

On ignore la proportion des électeurs qui les prennent en compte. Ceux qui se décident sur la base des sondages, tels qu’ils les interprètent, ne se décident d’ailleurs pas sur ce seul fondement. Les sondages les aident à arbitrer entre différentes options relativement circonscrites.

Un électeur orienté à gauche peut être amené à choisir entre plusieurs candidats de gauche en tenant compte des informations sur les intentions de vote à sa disposition. De la même manière, un électeur de droite choisira entre plusieurs candidatures de droite. Un électeur de gauche décidera de voter contre un candidat d’extrême droite en fonction du risque qu’il anticipe sur la foi des informations dont il dispose.

Depuis 2002 avec l’absence surprise de Lionel Jospin et la présence de Jean-Marie Le Pen lors du second tour, beaucoup d’électeurs de gauche sont attentifs à ce que cela ne se reproduise pas.

Les sondages aident à arbitrer entre des options relativement circonscrites.

Les sondages, dont seule une minorité est rendue publique, influencent également les stratégies de certains acteurs politiques. Des hommes ou des femmes politiques décident de se présenter ou de ne pas se présenter sur la foi de leurs indications, telles qu’ils les interprètent. Certains d’entre eux décident d’apporter leur soutien à tel ou tel candidat sur cette base et aussi en fonction d’autres considérations. Des stratégies politiques peuvent ainsi se définir très tôt dans la campagne, c’est-à-dire à un moment où les indications des enquêtes électorales sont peu fiables. Cela montre en pratique que, dans les milieux politiques, il y a une croyance bien établie dans la validité des enquêtes d’opinion.

Les sondages électoraux sont aussi au cœur de la couverture médiatique. Télés, radios et presse écrite se regroupent pour acheter des études qui deviennent la matière première du commentaire électoral. Cela incite à rendre compte de la campagne dans le registre particulier de la « course de chevaux ». La campagne électorale est décrite un peu à la manière dont un commentateur décrit une course hippique. Cela ne contribue pas à relever la confiance en l’élection et dans la politique. Ce registre contribue à marginaliser le débat sur les enjeux et les projets. Il renforce aussi la personnalisation de la compétition dans la logique d’une sorte de série télévisée.

Lire la suite de l’article (réservé aux abonnés)