Colloque du 31 janvier 2019
Organisé en partenariat avec le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste du Sénat et l’Association Nationale des Elus Communistes et Républicains
La crise du logement est aujourd’hui extrêmement protéiforme : mal-logement pour des millions de familles vivant dans des logements exigus et délabrés, coût du loyer dans le budget d’une famille, mauvaise qualité de vie dans son quartier liée notamment à la faiblesse des services publics et de l’offre de commerces, absence de parcours résidentiel, étalement urbain et dévitalisation des centres-villes, éloignement excessif de son lieu de travail, dépendance au bruit, coût des politiques du logement…
Face à ce constat, le gouvernement a, par le vote de la loi ELAN, réitéré certains principes tout en réorientant les politiques publiques susceptibles de les faire vivre : les promoteurs verront leurs risques de permis et construction se réduire aux fins de créer un choc d’offre de logements nouveaux ; les maires seront dessaisis de beaucoup de leurs attributions au profit d’agglomérations et de territoires ; les logiques patrimoniales guideront la gestion du logement social.
A l’heure où cette loi entre en vigueur, les questions demeurent pourtant plus nombreuses que les réponses : dans une métropole où le prix du foncier est inaccessible au plus grand nombre, comment favoriser le logement de salariés à un prix et une distance de leur lieu de travail « raisonnables » ? Dans une ville moyenne confrontée à la perte de l’emploi industriel, l’étalement urbain et à la dévitalisation de son centre-ville, comment recréer centralité, dynamisme et sociabilité ? Dans une époque où monte le fait métropolitain, comment intégrer cette réalité sans pour autant perdre en proximité, dialogue, démocratie ? Dans une ère de révolution numérique et d’urgence écologique, comment assurer la transformation de nos villes à ces nouveaux enjeux et nouvelles façons de produire ?
Ces questions pleinement ouvertes interpellent quotidiennement les élus locaux, les aménageurs, les promoteurs et constructeurs et exigent de leur part des réponses toujours plus faciles ou difficiles à apporter.
Introduction par Eliane Assassi et Alain Obadia
Eliane ASSASSI, Présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste au Sénat
Alain OBADIA, Président de la Fondation Gabriel Péri
Table ronde n°1 : Comment prendre en compte la réalité du phénomène métropolitain ?
La concurrence des différentes métropoles mondiales pour attirer richesses, compétences, investissements est aujourd’hui encore plus exacerbée par le fantastique développement de l’Asie et, en Europe, par l’ensemble des incertitudes induites par le Brexit. Cette situation pose un certain nombre de questions. Si Paris souhaite se différencier et devenir un pôle d’attraction mondial, il lui faudra sans doute préciser le type de leadership visé et les moyens pour réellement l’incarner. Aucune métropole ne pourra en même temps être la capitale de la finance, le modèle du développement durable, la référence scientifique, culturelle et technologique… Et Paris a d’autant plus de mal à faire ce choix et à le concrétiser que les acteurs et décideurs franciliens sont non seulement nombreux, mais se voient surtout toujours en concurrents les uns des autres.
Dans cette course entre métropoles mondiales, l’autre enjeu est bien aussi de s’assurer que la prise de leadership des métropoles ne se fasse pas au détriment des métropoles régionales, des villes moyennes et des campagnes, que celles-ci soient en capacité de fixer et d’appliquer un schéma de développement propre ou contraintes de se placer en dépendance des dynamiques métropolitaines. A côté de Paris, Londres ou Berlin, de nombreuses villes se posent la question de leur positionnement stratégique en Europe et privilégient aujourd’hui les réponses institutionnelles, à savoir le dépassement des communes et départements au profit de superstructures bien identifiées mais pas toujours efficaces et proches des citoyens.
Comment prendre en compte la réalité du phénomène métropolitain mondial pour une métropole comme Paris ? De quoi veut-on que Paris soit la capitale ? Quels doivent être les contours de l’aménagement du territoire à l’âge de la mondialisation ? Comment renforcer le dynamisme et l’attractivité de nos métropoles régionales autrement que par la création de mégastructures administratives ?
- Michel LEPRÊTRE, Président du territoire « Grand Orly Seine Bièvre », Vice-président de la Métropole du Grand Paris
- Jacques JP MARTIN, Maire de Nogent-sur-Marne, Président de Paris-Est Marne au Bois, Président du SIPPEREC
- Christiane BLANCOT, Directrice d’études de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR)
- Eric CESARI, Président de l’agglomération Seine-Défense, Vice-président de la Métropole du Grand Paris
- Patrick JARRY, Maire de Nanterre
Table ronde n°2 : Comment assurer des bonnes conditions de logement pour tous ?
La loi ELAN modifie l’équation économique de tout projet immobilier afin de créer un choc d’offre susceptible de réduire les déséquilibres entre offre et demande de logement. En faisant confiance en la capacité du marché à régler ces problèmes, la loi réduit le champ du politique à la correction de ses dysfonctionnements, en assimilant par exemple, à la suite des lois DALO et Pinel, le logement social à une aide sociale réservée aux plus pauvres.
La problématique du logement ne peut pourtant se réduire au simple fait de faciliter de nouvelles constructions : assurer un logement de qualité à chacun, construire en respectant la vie d’un quartier ou en en corrigeant ses déséquilibres, faciliter la capacité de chacun à résider à proximité de son lieu de travail et de transports en commun, créer des parcours résidentiels au sein d’une ville, faire tout cela sous contrainte économique, telle est l’équation à résoudre.
Par sa complexité, ni un préfet, ni une commune garante de proximité, de légitimité démocratique et de connaissance fine du territoire, ni une agglomération forte de sa capacité à organiser un territoire à l’échelle des vies réelles de ses habitants, ni un promoteur ne peut la résoudre seul.
Par son coût notamment en zone tendue où le prix du foncier est fixé par les marchés mondiaux, personne ne peut la résoudre sans outil ou financement susceptible d’alléger la contrainte économique et donc de se positionner « hors-marché ».
Quelle ambition se fixer en matière de logement et d’aménagement ? Dans quelle mesure la collectivité est-elle légitime à investir largement dans un logement social « hors marché » géré pour l’intérêt du plus grand nombre ? Comment financer les investissements gigantesques nécessaires pour faire avancer le droit au logement pour tous sans fragiliser encore davantage les finances publiques ? Quels doivent être la capacité d’intervention des établissements publics de portage foncier ? Communes et intercommunalités ont-elles vocation à se substituer l’un l’autre ou à travailler en complémentarité ?
- Stéphane PEU, Député de Seine-Saint-Denis
- Dominique ESTROSI SASSONE, Sénatrice des Alpes-Maritimes, rapportrice de la loi Elan
- Martin CHOUTET, SIAO75, chargé de l’accès au logement
- Jean-Louis DUMONT, Président de l’USH
- Sophie ROSSO, Directrice générale des opérations de Quartus
Table ronde n°3 : Quels usages de la ville demain?
Le succès populaire des Velib’ et Autolib’, les expérimentations de réseau énergétique intelligent « Issygrid » à Issy-les-Moulineaux, la multiplication des « applis » favorisant de nouveaux usages de la ville, les investissements locaux dans les circuits courts et l’agriculture urbaine, le subventionnement de tiers lieux et de fab labs, tous ces exemples démontrent l’ampleur des transformations que la révolution numérique et l’impératif écologique précipitent dans la ville.
Ces transformations sont aujourd’hui tout sauf abouties : Autolib’ comme beaucoup d’applis mobiles n’ont pas trouvé leur modèle économique. Les réseaux intelligents sont d’autant plus remarquables qu’ils restent encore cantonnés à des écoquartiers ou de nouveaux bâtiments futuristes. Et derrière les promesses parfois fascinantes de la ville intelligente, il est clair que nos villes ne se transforment pour l’heure qu’en surface : le chantier de la rénovation thermique des bâtiments anciens, par exemple, n’avance guère malgré son immense intérêt écologique et économique.
Beaucoup de ces transformations sont aussi d’abord le fruit d’initiatives privées, certains promoteurs se spécialisant dans le développement de tiers lieux, la production de logements très sociaux ou bien encore d’appartements en co-living…
Enfin, ces transformations de la ville négligent encore souvent, derrière le retour de slogans autour du « produire local », la question du partage effectif de l’espace urbain : le mouvement de relégation de l’industrie loin des villes et de leurs banlieues proches est encore loin d’être achevé, comme si la ville ne pouvait plus être un lieu de production et se cantonner aux usages d’habitation, de services ou de loisirs.
Comment transformer nos villes pour les adapter à l’âge du numérique et du développement durable ? Dans quelle mesure ce rythme de transformation pourrait être accéléré ? Quelle place et quelles coopérations pour les différents acteurs publics et privés dans cette transformation ? Comment réussir à atteindre une véritable mixité fonctionnelle de l’espace urbain sans retomber dans de nouvelles formes de zonages et de séparation des usages de la ville dans l’espace ? Comment assurer enfin le caractère démocratique de cette transformation ?
- Patrice BESSAC, Maire de Montreuil
- Jean-Luc PORCEDO, Directeur général Villes et projets, Nexity
- Raphaël BESSON, Expert en socio-économie urbaine et docteur en sciences du territoire, Directeur de Villes Innovations
Conclusion par Cécile Cukierman
Cécile CUKIERMAN, Sénatrice.