Séance exceptionnelle : « Burkina Faso : les enjeux d’une crise politique » (Mardi 20 mai 2014, Centre Malher)
Séminaire : «Circulation des cultures d’opposition» (CHS/Cemaf-IMAF)
Le Burkina Faso traverse depuis la fin des années 1990 une profonde crise politique inédite dans l’histoire du pays. D’importants mouvements sociaux ébranlent depuis les fondements du régime de Blaise Compaoré qui succéda violemment à celui du Capitaine Thomas Sankara en 1987. Le 13 décembre 1998 suite à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo Directeur de Publication du journal l’Indépendant et de ses trois compagnons d’infortune, un puissant mouvement protestataire intitulé « Trop, c’est trop » porté par le Collectif des organisations démocratiques de masses et des partis politiques mena des actions massives contre l’impunité des crimes des sang et des crimes économiques.
Ce mouvement de lutte, malgré les répressions policières du régime s’inscrit dans la durée en s’installant dans les consciences des citoyens et citoyennes. Les auteurs de ce crime courent toujours et désormais, la preuve est établie aux yeux des populations que le régime contrôle un système judiciaire qui sert avant tout à protéger les auteurs de crimes politiques plutôt qu’à rechercher la vérité. Le divorce entre gouvernants et gouvernés s’approfondit. En février 2008, des mouvements de révolte spontanés s’étendent comme une traînée de poudre dans plusieurs villes du pays en écho aux « émeutes de la faim » qui ont marqué l’opinion internationale dans la même période sur le continent africain (Mali, Niger, Sénégal, etc.). Les organisations de la société civile prennent la pleine mesure des révoltes populaires et de l’importance de ces mouvements et leur donnent une ossature organisationnelle. Des protestations, des mutineries et des grèves secouent régulièrement le régime de Blaise Compaoré. Depuis le début de l’année 2013 la crise s’approfondit ; les débats sont intenses sur les questions de l’alternance et/ou du changement. L’ampleur de la contestation est telle qu’une partie des dirigeants historiques du CDP, parti au pouvoir, fait sécession et entre en opposition ouverte avec le dernier carré des fidèles du régime. Les forces politiques et sociales du pays s’expriment ouvertement et élaborent des stratégies afin de peser sur l’évolution d’une situation politique tendue. Le risque d’affrontements violents voire le danger d’une guerre civile est plausible dans cette situation périlleuse pour le Burkina Faso et la sous-région de l’Afrique de l’ouest.
Cette session a permis de mieux comprendre les stratégies des acteurs de la scène politique burkinabé ainsi que les mutations économiques et sociales qui secouent en profondeur le pays depuis une dizaine d’années. Pour mieux connaitre les enjeux de cette crise, les intervenants sont revenus sur l’état économique et social du pays, les forces politiques qui s’y affrontent et les voies possibles de dépassement de cette situation critique. Cette crise malgré son ampleur et son intérêt politique et intellectuel évident est encore paradoxalement peu connue en France.
Intervenants :
- Dragoss Ouédraogo, anthropologue et cinéaste, MBDHP, section France
- André Tibiri, président de l’organisation démocratique de la jeunesse, ODJ, Burkina Faso
- Yves Millogo, bureau politique, Congrès pour la démocratie et le progrès, CDP, France
- Zemba Gilbert, Mouvement du peuple pour le progrès, MPP, Paris, France
- Lila Chouli, Fondation Gabriel Péri, France
Et depuis le Burkina Faso :
- Bazié Bassolma, secrétaire général de la CGT-B
Le film Tlé wili, soleil levant de Dragoss Ouédraogo sera projeté en introduction aux débats