Le Mont-Valérien pour Mémoire ~ Fondation Gabriel Péri Skip to main content

Le Mont-Valérien pour Mémoire

Durant les trois années qui séparent l’été 1941 de la Libération à l’été 1944, la forteresse du Mont Valérien fut le cœur de la politique d’exécution du MBF (Militärbefehlshaber in Frankreich, Commandant militaire allemand en France).

D’abord dédiée aux condamnations à mort des Résistants et de certains droits communs, puis principal lieu de fusillade des otages de la région du Grand Paris, la clairière, située entre les glacis de l’édifice militaire réquisitionné par la Wehrmacht, devient progressivement l’épicentre de l’exécution des responsables et des principaux combattants de la Résistance partout en France.

Des chiffres objet de controverses

Longtemps, le Parti des fusillés et les tenants gaullistes d’une mémoire patriotique avaient convenu d’un consensus mémoriel situant le nombre de fusillés et leur identité à « plus de 4500 résistants fusillés pour leur indomptable foi dans les destins de leur pays ». Ce chiffre est une pure construction qui a dissimulé durant de longues décennies depuis 1959 (un an avant l’inauguration un 18 juin du Mémorial de la France combattante) tant la diversité des identités des fusillés que les raisons profondes de leurs engagements.

© ONaCVG (Office national des combattants et des victimes de guerre)

Pourtant, dès le 31 octobre 1944, l’adjudant Robert Dor, FFI missionné par la Préfecture de Police de Paris, rédigeait un premier rapport évoquant un millier de fusillés. Depuis, un travail de fond initié par Serge Klarsfeld a permis d’établir une prosopographie précise de qui étaient ces fusillés, et quel était leur nombre exact. Les chiffres les plus aboutis sont ceux proposés aujourd’hui par l’équipe scientifique du Mémorial, qui avance le chiffre de 1020 fusillés, parmi lesquels 17 condamnés de droit commun jugés par le tribunal militaire allemand de Paris.

Hors droits communs, ce chiffre est donc 1003 noms, vraisemblablement l’estimation la plus proche de réalité, qui ne prend pas en compte les fusillés du stand de tir de Balard ou du château de Vincennes, ni les exécutions sommaires de l’été 1944 dans le bois de Boulogne par exemple.

Les identités plurielles des fusillés

Une fois ce chiffre établi, il convient de regarder en détail les compositions statistiques afin de bien comprendre quel outil de la guerre nazie était ce lieu. En détail, 17% de ces fusillés étaient juifs, 24% immigrés, 65 à 70% communistes. L’addition de ces chiffres excède 100% nous rappelant que les identités étaient plurielles et les engagements complexes. Aucune femme n’est fusillée au Mont-Valérien, juridiction militaire, celles condamnées comme Olga Bancic étaient déportées en Allemagne pour y être tuées.

Parmi ce millier de fusillés, 40 % étaient des otages, désignés comme tels lors de la mise en place de ce code sur le territoire français après le déclenchement de l’opération Barbarossa et le début de la lutte armée des Communistes qui suivit la rupture du Pacte. Ce code des otages prévoyait que pour chaque action violente de la Résistance contre des soldats allemands, un nombre fluctuant, mais fixé officiellement de « Bolchéviques soient exécutés ». En France, s’est rapidement ajouté le critère « judéo » à celui du « bolchévisme » dans l’application de ce code, amenant ainsi les autorités allemandes et françaises à prélever dans les prisons, mais aussi dans les camps d’internement, en particulier à Drancy, le contingent de ceux qui devaient ainsi être fusillés. C’est en tant qu’otage que Gabriel Péri a été fusillé le 15 décembre 1941.

L’ennemi essentiel était campé, le judéobolchévique devenait le catalyseur d’une responsabilité collective que l’occupant n’étendait pas comme il le faisait à l’Est à toute la population d’une nation alliée, enthousiaste dans la collaboration et supplétif zélé.

À ces 40% d’otages, s’ajoutait régulièrement, au cours de l’histoire du Mont-Valérien comme lieu d’exécution, la liste de ceux qui étaient jugés par le tribunal militaire : les résistants. Cette juridiction était un rouage essentiel dans les objectifs de la guerre menée par les nazis, et servait à mettre hors d’état de nuire les menaces immédiates pour la conduite de la guerre : les combattants et certains chefs. C’est ainsi que furent assassinés par les pelotons de la Wehrmacht des représentants de l’ensemble des organisations clandestines qui eurent en France un rôle de sabotage, de propagande ou de renseignement. Mouvements, réseaux et organisations combattantes eurent tous des héros qui furent exécutés.

Les combattants de la MOI : des symboles supérieurs de la guerre nazie

Cependant, la guerre nazie était idéologique et pragmatique, les combattants de la MOI, parce qu’ils étaient dans une action violente, efficace et destructrice pour les troupes d’occupation, devenaient les symboles supérieurs de leur guerre. Combattants, immigrés, Juifs, Républicains espagnols, communistes italiens et de toute l’Europe, internationaliste et souvent combattants aguerris, ils étaient les ennemis par essence et par le danger qu’ils incarnaient.

Exécution du 21 février 1944. Photographies prises par Clemens Rüther ©ECPAD-Association des amis de Franz STOCK.

L’exécution du 21 février 1944 dans la clairière du Mont-Valérien de vingt-deux FTP-MOI revêtait donc un caractère de démonstration pour les Allemands et les services français de répression qui se matérialisait, d’une part, dans l’apposition de l’Affiche rouge, mais se déclinait aussi dans le tract qui l’accompagnait : « Si des Français pillent, volent, sabotent et tuent… Ce sont toujours des étrangers qui les commandent. Ce sont toujours des chômeurs et des criminels professionnels qui exécutent. Ce sont toujours des juifs (sic) qui les inspirent. C’est l’Armée du crime contre la France (…) C’est le rêve mondial du sadisme juif… ».

Tract reprenant au recto LʼAffiche rouge et dénonçant au verso « Le complot de lʼAnti-France » réalisé par le Gouvernement de Vichy et les autorités allemandes d’occupation 1944, février 1944. coll. Musée de la Résistance nationale, Champigny (domaine public)

Les mémoires des FTP-MOI ne sauraient être limitées à la Région parisienne, et le sort réservé à ses membres était semblable à Toulouse, Marseille, Grenoble ou Villeurbanne. Pourtant, s’il est un lieu qui doit aujourd’hui venir compléter la géographie commémorative et symbolique du souvenir de ces immigrés qui combattirent pour la fraternité au côté de la France qui ne se rendait pas, c’est bien en considérant le Mont-Valérien comme l’un des principaux lieux de leur répression, et comme l’un des outils du projet nazi en France.

Archives départementales des Hauts-de-Seine – Vincent Lefebvre.

Memorial, mur vu d’en haut © Charlotte Bourdon – ONACVG

Par Antoine Grande

Crédits:

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