La 35e brigade FTP-MOI Marcel Langer ~ Fondation Gabriel Péri Skip to main content

La 35e brigade FTP-MOI Marcel Langer

Un très grand nombre d’actions est attribué à la 35e brigade FTP-MOI dans la région toulousaine. Créée à l’automne 1942, la brigade est principalement composée d’étrangers (Polonais, Roumains, Hongrois, Biélorusses, Espagnols, Italiens) notamment d’anciens combattants des Brigades internationales à l’instar de son premier chef, Mendel Langer. L’unité toulousaine FTP-MOI se créée quelques semaines après la formation des FTP-MOI à Lyon.

Un noyau initial constitué autour de Marcel Langer

Composée de militants communistes, majoritairement juifs, la 35e brigade FTP-MOI développe son action en milieu urbain à Toulouse puis dans d’autres villes comme Agen, Carmaux ou Montauban. Mendel Langer, appelé Marcel, s’appuie sur ces frères d’armes espagnols, qui depuis les chantiers forestiers où ils sont contraints de travailler, lui fournissent les explosifs destinés à organiser dans Toulouse les premières actions de dynamitage des matériels allemands. En effet, depuis le 11 novembre 1942, la zone sud est occupée par les troupes d’opérations allemandes.

Marcel Langer. Archives départementales de la Haute-Garonne. 3808W18©AD31/CD31

L’une des premières actions d’envergure intervient au tout début du mois de décembre 1942. La brigade organise la destruction de camions allemands place du Capitole et à la gare Matabiau. Le noyau constitué autour de Marcel Langer s’étoffe progressivement. Le premier coup dur intervient en février 1943. Il est révélateur du peu d’effectifs dans les rangs FTP-MOI. Marcel Langer se rend lui-même à la gare Saint-Agne pour récupérer une valise d’explosifs que lui remet Catherine Lévy, agent de liaison, arrivant de Luchon. Marcel Langer est repéré par un agent de police en faction sur le quai de la gare. Ce dernier l’observe au moment où le résistant récupère la valise puis l’interpelle. Interrogé, frappé, Marcel Langer est incarcéré à la prison Saint-Michel. En mars 1943, il est condamné à mort par la Section spéciale de la cour d’appel de Toulouse. Le réquisitoire du procureur Lespinasse ne lui a laissé aucune chance : « Vous êtes juif, étranger et communiste, trois raisons pour moi de réclamer votre tête. »

Le successeur de Marcel Langer, Wiktor Bardach, dit Jan Gerhard, ancien officier polonais, donne une autre dimension à la brigade qu’il réorganise rigoureusement. Dès lors, la 35e brigade multiplie les actions contre des militaires allemands, dynamitages de casernes, sabotages d’installations et moyens de communication. Le 23 juillet 1943, à l’aube, Marcel Langer est guillotiné. Sa brigade lui jure de le venger. Le soir même, le jeune Boris Frenkel exécute un soldat allemand dans le centre-ville de Toulouse. C’est à ce moment que la brigade choisit le nom de 35e brigade Marcel Langer. Jan Gerhard, Jabob Insel et Sewek Michalak forment le trio de direction pour organiser et multiplier les actions de répression contre les militaires allemands et contre la Milice. Les armes sont récupérées au cours des opérations contre l’ennemi. Les membres de la brigade se déplacent à bicyclette dans la ville lors des actions. Ils interviennent toujours par équipe de trois. Jan Gehrard exige un compte rendu détaillé de chaque opération et attribue un numéro de matricule à chaque membre commençant par 35. La base arrière logistique se trouve dans une gare désaffectée près de Toulouse, à L’Union, où Sewek Michalak dit Charles, responsable technique, prépare les explosifs pour les actions.

Une brigade composée de nombreuses femmes

Les femmes, fort nombreuses dans la brigade, sont spécialisées dans le service de renseignement, appelé service B. Rosine, Catherine, Frieda, Sophie, Osna ou Damira déploient des trésors d’ingéniosité et de discrétion pour obtenir des informations et filer une cible. En 1943, la brigade multiplie les exécutions de francs-gardes de la Milice, logés grâce aux femmes du service B. Après avoir envoyé un courrier de menace, le milicien repéré est abattu à proximité de son domicile. Le résultat du service B le plus important est l’opération contre le procureur Lespinasse, qui devenu méfiant depuis l’exécution de Langer et les lettres de menaces reçues, redouble de prudence. Les femmes le localisent et l’homme est exécuté le 10 octobre 1943 allée des Demoiselles. Ses obsèques ont donné lieu à un défilé des personnalités vichyssoises. Les conséquences sont immédiates. Plus aucun magistrat français ne prend le risque de requérir la mort contre un résistant. Boris Frenkel, arrêté en août 1943 après avoir exécuté un milicien, est condamné à « seulement » 20 ans de travaux forcés. Livré aux Allemands, il meurt au camp de Gusen en 1945.

En novembre 1943, la brigade organise une action à la bombe contre les Allemands en réponse à l’exécution de quatre jeunes résistants condamnés à mort par un tribunal militaire allemand. Nouveau coup dur pour la brigade en décembre 1943, après une opération contre une trésorerie toulousaine, les frères Claude et Raymond Lévy ainsi que Jacob Insel sont arrêtés par la police française. Aucun d’eux ne parle. Jacob Insel ne dévoile même pas sa véritable identité. Les actions se poursuivent jusqu’en avril 1944 : attaques de casernes, hôtels, tramways, cinémas, restaurants fréquentés par les Allemands, exécutions de personnalités de la collaboration comme l’abbé Sorel, conseiller national du maréchal, l’évêque maurassien Torricella d’Agen et le général Philippon, chef milicien.

La chute de la brigade

L’action au cinéma « Les Variétés » contre la projection du film nazi, « Le Juif Süss », le 1er mars 1944 marque le début de la chute de la brigade. Une bombe artisanale préparée par Charles, équipée d’un système à retardement, explose instantanément et tue David Freiman, blesse mortellement Rosa Bet dite Rosine et grièvement Enzo Godéas (fusillé en juin 1944).

BET Rosine © Latapie, Musée départemental de la résistance et de la déportation (MDRD)

Un spectateur est également tué. La presse titre sur « un odieux attentat ». Les membres de la brigade sont qualifiés par des cadres FTPF d’être des provocateurs. Les responsables de la Brigade, Jan Gehrard et Catherine Varlin (Edith Haithin) sont envoyés dans l’est de la France (Catherine prend la tête d’un maquis FTP MOI de 250 hommes dans la Meuse).

Catherine Varlin © Portait Matt2Streetart, 2023

Dans le même temps, la police de Vichy mène une minutieuse enquête sous les ordres du commissaire Gillard. Le 4 avril 1944, une quinzaine de résistants sont arrêtés dans le cadre de l’affaire Rubinstein. La police saisit l’ensemble des archives de la brigade.

Emprisonnés à Saint-Michel, les membres de la 35e Brigade sont livrés aux Allemands et déportés dans le convoi dit du « Train fantôme ». Parti de Toulouse le 3 juillet 1944, ce convoi arrive au camp de Dachau le 28 août 1944. Une dizaine de membres de la brigade, comme les frères Lévy ou Charles Michalak parviennent à s’évader ; d’autres comme Jacob Insel et François Lafforgue sont tués sous les balles des alliés qui depuis les airs mitraillent le convoi. Un groupe de la 35e Brigade sous les ordres de Zeev Gottesman participe aux combats de la Libération de Toulouse. Ce dernier est tué le 19 août 1944.

Par Antoine Grande et Elérika Leroy