Epstein Joseph, polonais, 33 ans ~ Fondation Gabriel Péri Skip to main content

Epstein Joseph, polonais, 33 ans

  • le 16 octobre 1911 à Zamość en Pologne 
  • Fusillé le 11 avril 1944 au Mont-Valérien
  • Pseudonyme FTP-MOI : Colonel Gilles
  • Nom de guerre dans les Brigades internationales en Espagne : Joseph Andrej (Andrei).
  • Commissaire politique auprès des Brigades internationales ; Chef des FTPF de l’Île-de-France
  • Situation familiale : marié à Paula, un fils inscrit à l’État civil sous le nom de Georges Duffau.
  • Identifié comme Joseph Estain par les BS.
  • Lieu d’arrestation : Gare d’Évry-Petit-Bourg avec Missak Manouchian.
  • Date d’arrestation : 16 novembre 1943
  • Lieu d’inhumation : Ivry sous le nom de Joseph Andrej.
  • Mention « mort pour la France : 10 octobre 1945

Joseph Epstein est né le 16 octobre 1911 à Zamość en Pologne, ville natale de Rosa Luxemburg (1871-1919) et de l’un des fondateurs de la littérature yiddish moderne Ytzhak Leybush Peretz (1852-1915) auquel sa famille était liée par alliance. Issu d’une famille juive aisée, Joseph Epstein fréquenta le lycée de Zamosc où il se préoccupait déjà d’organiser les luttes revendicatives des ouvriers de la briqueterie que son père dirigeait. Alors que ses camarades ont choisi les études de médecine, il s’inscrit à la Faculté de droit de Varsovie où il fréquente les étudiants révolutionnaires et adhère, avec sa sœur, au Parti communiste alors clandestin. Arrêté par la police lors d’une prise de parole devant une usine, il est libéré sous caution. Il parvient à quitter la Pologne pour Prague (Tchécoslovaquie) d’où il est aussitôt expulsé. Il rejoint alors ses compatriotes à Tours en 1931 et s’inscrit à la Faculté de droit. Il rencontre Paula (1909-2003), sa future femme, elle-même polonaise et membre de la Jeunesse communiste. Obligé de quitter la région à la suite d’une intervention de l’ambassade de Pologne, le couple s’installe à Bordeaux. Joseph finit ses études de droit tout en militant activement en tant que membre du Comité central de la Jeunesse communiste.

Dès le début de la guerre civile espagnole, il se rend au Pays basque pour combattre comme volontaire internationale auprès des républicains espagnols. Lors de leur création en octobre 1936, il intègre les Brigades internationales. Grièvement blessé sur le front d’Irún, il est rapatrié à Bordeaux où il prend une part active au Comité d’aide à l’Espagne républicaine pour ravitailler notamment cette dernière en matériel de guerre. Désigné comme commissaire politique auprès des Brigades internationales, il repart en Espagne en 1938 sous le pseudonyme de Joseph Andrej (Andrei) et prend part aux derniers combats sur le front de l’Èbre. Nommé capitaine, il est interné, avec ses compagnons des Brigades internationales, au camp de Gurs (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques) par l’administration française. Libéré en juillet 1939, il est assigné à résidence à Bordeaux. 

Après la déclaration de guerre, il s’engage dans la Légion étrangère en septembre 1939. Fait prisonnier par les Allemands pendant les opérations militaires de mai 1940, il s’évade du stalag où il avait été envoyé près de Leipzig en décembre 1940. De retour à Paris, il cherche le contact avec le PCF et l’Internationale communiste. En lien depuis plusieurs années avec le Komintern, il transmet à Moscou, début juin 1941, un rapport sur la situation politique en France dans lequel il écrit : « Nombreux sont ceux qui n’ont pas compris la politique de l’URSS et considèrent le pacte allemano-soviétique comme un acte de trahison. Avec le temps et grâce au travail du Parti, leur nombre diminue, mais il reste important, surtout que la propagande allemande profite de chaque occasion pour faire croire que l’URSS est l’alliée du IIIe Reich. Si un jour l’URSS entrait en guerre contre l’Allemagne, elle aurait avec elle l’immense majorité du peuple de France ». De l’été 1941 au début de l’année 1943, il s’implique dans la formation et l’organisation de la lutte armée dans l’Organisation Spéciale – l’action armée syndicale – notamment les déraillements et les sabotages des voies ferrées. Il participe de près aux pourparlers et à l’action de la CGT clandestine en faveur de la réunification syndicale avec, en arrière-fond, la conscience du rôle des luttes fratricides entre antifascistes dans la défaite des républicains espagnols. C’est au début de février 1942 qu’il prend en charge la responsabilité des Groupes de Sabotage et de Destruction (GDS) de la CGT qui organisent, en particulier chez les cheminots et dans la métallurgie, les différentes formes de sabotages. Il y forme des militants illégaux surtout dans le maniement des explosifs.

Se voyant confier par le PCF d’importantes responsabilités dans l’organisation de la lutte armée, il succède, en février 1943, à Lucien Carré (1910-1945) à la tête de l’ensemble des Francs-tireurs et partisans (FTP) de la région parisienne, sous le nom de colonel Gilles. Il initie une nouvelle conception de la guérilla urbaine en abandonnant les groupes de trois (un tireur ou grenadier et deux autres combattants chargés de la protection) au profit d’opérations impliquant une quinzaine de combattants. Cette nouvelle conception a rendu possible l’organisation d’actions spectaculaires en plein jour (déraillement, attaques de véhicules allemands, etc.). Celles-ci ont permis de révéler la vulnérabilité des troupes d’occupation et ont eu un impact sur le moral de la population.

Après une longue filature, les policiers français des Brigades spéciales l’arrêtent le 16 novembre 1943 à la gare d’Évry-Petit-Bourg alors qu’il attendait Missak Manouchian également arrêté. Mais ils ne feront pas le lien entre eux. Torturé pendant plusieurs semaines, Joseph Epstein ne révèle pas son identité de sorte que ses tortionnaires ne réussiront pas à connaître son véritable parcours militant ni l’histoire de son engament. Il est condamné à mort par le tribunal allemand de Paris le 23 mars 1944. Après avoir écrit ses dernières lettres à sa femme et à son fils Georges, il est fusillé le 11 avril 1944 sous le nom de Joseph Andrej. Son testament explique le soin qu’il a apporté à dissimuler son identité pour leur assurer la vie sauve. Il est élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

Par Serge Wolikow

En savoir plus :
– Moshe Zalcman, Joseph Epstein. Colonel Gilles. De Zamosc en Pologne au Mont Valérien 1911-1944, éd. La Digitale, 1984, 88 p. 
– Pascal Convert, Joseph Epstein, Bon pour la légende, éd Seguier, 2007, 408 p.

Vous pouvez retrouver ce portrait dans le hors-série de l’Humanité sur le groupe Manouchian.