Bernard Lamirand, Comité d’honneur national Ambroise Croizat, Silomag, n° 6, mars 2018.
Bernard Lamirand revient sur l’ordonnance du 4 octobre 1945 créant la Sécurité sociale et sur son histoire. Cette réforme de grande ampleur avait pour but d’assurer des moyens d’existence et de soins à tous les citoyens. Le Conseil National de la Résistance, le Parti communiste et la CGT en sont à l’origine, ce qui est, pour certains, un argument de plus pour défaire ce système de sécurité sociale.
Le 4 octobre 1945, l’ordonnance créant la Sécurité sociale était promulguée par le gouvernement provisoire dirigé par le Général de Gaulle.
Ambroise Croizat relata ce moment : « l’ordonnance du 4 octobre 1945, à laquelle est à juste titre, attaché le nom d’un ami qui nous est commun à tous, M. Alexandre Parodi, a été le produit d’une année de travail, au cours de laquelle des fonctionnaires, des représentants de tous les groupements et de toutes les organisations intéressées, des membres de l’Assemblée consultative provisoire, dont certains font partie de la présente Assemblée, ont associé leurs efforts pour élaborer un texte que le gouvernement de l’époque a, en définitive, consacré conformément à l’avis exprimé par 194 voix contre 1 à l’Assemblée consultative »[1].
Cette ordonnance inscrivit les véritables objectifs de la Sécurité sociale autour d’une organisation unique, d’une cotisation unique, la solidarité et la gestion des caisses par les assurés eux-mêmes et en particulier par la démocratie et l’élection des conseils d’administration des caisses.
De Gaulle ne signa pas cette ordonnance : il était en voyage en URSS.
Croizat précisa à qui appartient cette grande conquête sociale : « le plan de Sécurité sociale est une réforme d’une trop grande ampleur, d’une trop grande importance pour la population de notre pays pour que quiconque puisse en réclamer la paternité exclusive… […] Cette Sécurité sociale, née de la terrible épreuve que nous venons de traverser, appartient et doit appartenir à tous les Français et à toutes les Françaises sans considération politique, philosophique ou religieuse. C’est la terrible crise que notre pays subit depuis plusieurs générations qui lui impose ce plan national et cohérent de sécurité »[2].
Une gestion des caisses par les assurés
Il fallait dépasser une conception d’assistance sociale placée sous le contrôle de l’État, de bienfaiteurs, de congrégations religieuses, de notables et d’une petite bourgeoisie voulant en rester à ses œuvres sociales.
La loi sur l’Assurance sociale de 1930 préparait le futur et ébauchait ce que devrait être la Sécurité sociale. Cette loi avait donné les pleins pouvoirs à la Mutualité française, mais les inégalités persistaient et les caisses d’affinités différentes n’étaient pas sous la responsabilité des assurés eux-mêmes. La Deuxième Guerre mondiale, l’occupation de la France, le régime de Vichy, avec la charte du travail, mettaient finalement par terre cette loi de 1930.
La Sécurité sociale naissante n’avait rencontré que l’opposition de la Mutualité française qui s’estimait dépossédée et d’un patronat qui voyait se mettre en place ce qu’il avait toujours combattu, c’est-à-dire une caisse unique, obligatoire et dirigée par le monde du travail.