En avril 1945, les troupes nazies reculent devant l’avancée de l’Armée rouge à l’est et des troupes alliées à l’ouest. Les camps de Buchenwald, Bergen-Belsen, Ohrdruf, Nordhausen, Dachau et Ravensbrück sont libérés. Une vision d’horreur qui éclate au grand jour.
Il fallut attendre le mois d’avril 1945 pour en finir avec le système concentrationnaire que les nazis avaient développé depuis leur arrivée au pouvoir et leur domination sur l’Europe. La fin des camps, rendue possible par l’effondrement de l’armée allemande devant l’action conjuguée des armées alliées, fut dramatique. Rappeler ces faits aujourd’hui reste indispensable si l’on veut comprendre et se souvenir de ce qu’a représenté la déportation dans ses différentes dimensions.
Les conditions particulières dans lesquelles se déroulent, en avril 2020, les manifestations commémoratives de la déportation n’enlèvent rien à leur importance. Inscrite dans la commémoration plus générale du 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Journée consacrée au souvenir et à la commémoration de la déportation continue de revêtir une importance particulière. La crise sanitaire redonne une actualité inattendue aux idéaux portés par la Résistance qui, dans la France occupée, démantelée et pillée, titrait son programme pour la Libération de la France du beau nom : « les Jours heureux »… Mais, en avril 1945, la guerre continuait encore et les jours étaient assombris par les révélations apportées par les armées alliées découvrant l’horreur des camps.
Dans un article précédent, publié à l’occasion de la journée du 27 janvier, date retenue internationalement pour commémorer, non pas la libération des camps, mais « la mémoire de l’Holocauste » et la libération par les troupes soviétiques du camp d’Auschwitz en janvier 1945, notre dossier rappelait le lien entre la politique génocidaire à l’égard des populations juive et tzigane et la déportation. Les différents camps et centres de mise à mort installés et administrés par les deux grands Offices centraux du Reich, placés sous l’autorité de Himmler, faisaient partie d’un dispositif répressif dont le développement a accompagné l’extension du IIIe Reich, en Allemagne, puis dans l’Europe occupée.
Une situation dont la population concentrationnaire fut également victime
En 1944 et au début de 1945, devant l’avancée des troupes soviétiques, les dirigeants nazis s’efforcèrent de vider les camps et d’effacer les traces des centres d’extermination installés depuis 1942 dans les territoires de l’Est. Ainsi une grande partie des déportés évacués des camps d’Auschwitz arrivèrent dans les camps de l’Ouest situés en Allemagne dans un état sanitaire épouvantable, au terme d’un périple meurtrier. En mars-avril 1945, les dirigeants nazis étaient animés de préoccupations successives et contradictoires, puisqu’ils tentaient jusqu’au bout de maintenir l’effort de guerre et le travail forcé des détenus, de marchander le sauvetage de déportés, tout en s’efforçant d’effacer les traces de leurs méfaits. Les bombardements alliés des voies ferrées, des zones industrielles liées aux camps, comme l’avancée des troupes, américaines et britanniques à l’ouest, soviétiques à l’est, aggravèrent une situation dont la population concentrationnaire fut également victime.
Les milliers de cadavres et de mourants que les soldats américains et britanniques découvrirent en pénétrant dans les camps-mouroirs comme ceux de Bergen-Belsen, d’Ohrdruf ou de Nordhausen ou dans les camps de Buchenwald et Dachau constituent une vision d’horreur dont la presse internationale va se faire largement l’écho. La stupeur est d’autant plus forte que la population allemande a, sauf exception admirable, assimilé la propagande présentant les déportés épuisés qui traversaient villes et villages comme de dangereux bandits.
Le spectre de la révolte des déportés est d’ailleurs agité par des autorités locales nazies pour justifier et organiser des massacres comme celui de Gardelegen, où un millier de déportés furent brûlés vifs dans une grange, crime atroce découvert par les soldats américains arrivés sur place alors que les cendres étaient encore chaudes. Le 7 avril, un convoi avait évacué plusieurs milliers de déportés vers le camp de Dachau, en Bavière, où un train arrive après dix jours d’un périple interminable. Il ne restait quasiment plus que des cadavres dans les wagons, comme le découvrirent les troupes américaines à leur arrivée près de ce camp modèle installé par les nazis dès 1933.
En septembre aura lieu une exposition sur le retour des déportés
Les images des jeunesses hitlériennes amenées devant les wagons remplis de cadavres, comme celles des habitants de Weimar devant les charniers et fosses communes du camp de Buchenwald, publiées par la presse internationale et les actualités filmées, confèrent au combat contre le nazisme une dimension éthique qui s’affirme, alors même que le suicide d’Hitler et la capitulation des dirigeants nazis sont désormais l’objet de l’opprobre international et que l’Organisation des Nations unies tient sa session inaugurale à San Francisco.
Aujourd’hui, la Fondation pour la mémoire de la déportation est cosignataire, avec les fédérations et associations de déportés, d’un message rappelant à tous nos concitoyens ce qu’a été la déportation. Dans le cadre du partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui a repris ce message, elle organisera, en septembre, une exposition sur le retour des déportés, et une journée sur la place des femmes dans la Résistance et la déportation. « Mémoire et vigilance », intitulé de cet engagement commun, sont des termes qui nous semblent convenir aux temps présents.