Le 22 octobre 1941, en Bretagne, à Châteaubriant, à Nantes et au Mont-Valérien, près de Paris, les Allemands exécutent 48 militants. Deux jours plus tard, 50 internés sont passés par les armes au camp de Souge, près de Bordeaux.
À l’automne 1941, le commandement militaire allemand en France met en place une politique de terreur visant à réprimer et à éradiquer le combat résistant qui prend alors une forme armée avec des attentats contre les trains militaires et contre les soldats allemands. Des centaines d’otages, plus de 800, prélevés dans des camps d’internement, souvent arrêtés plusieurs mois auparavant, puis bientôt les familles des résistants sont fusillés (1) de 1941 à 1943, en vertu d’ordres bientôt codifiés et décidés par les dirigeants hitlériens depuis Berlin. En réalité, dès le mois de septembre 1941, est instaurée une politique de représailles qui vise et désigne le cercle des coupables qui doivent expier pour leur proximité politique et raciale (voir encadré). La recherche historique contemporaine (2) permet de mieux comprendre la démarche à la fois des autorités allemandes et l’attitude de l’État français et de son gouvernement, siégeant à Vichy, comme de son administration, qui collabore avec les troupes d’occupation sur l’essentiel du territoire.
Le 20 octobre 1941, le responsable des troupes d’occupation en Loire-Inférieure, le lieutenant-colonel Karl Hotz, est abattu à Nantes par des résistants. En représailles, les autorités allemandes d’occupation exécutent, le 22 octobre, 48 prisonniers pris parmi 50 otages à Châteaubriant, Nantes et Paris. Le 24 octobre 1941, 50 autres otages sont fusillés au camp de Souge à Martignas-sur-Jalle, près de Bordeaux, après l’exécution par la Résistance d’un autre officier nazi, Hans Reimers.
En Bretagne, Guy Môquet, Jean-Pierre Timbaud, René Carrel, Joseph Gil, Jean Poulmarc’h, Jean Grandel, Maurice Ténine comptent parmi les communistes précisément choisis pour leur notoriété et leur militantisme politique et syndical. On doit signaler sur ce point la parution du livre En vie, en joue, enjeux. Les 50 otages, consacré aux fusillés d’octobre 1941 de Nantes, Châteaubriant et du Mont-Valérien (3). Il rappelle sous une forme très documentée qui étaient ces otages fusillés, leur vie jusqu’à l’instant fatidique de leur exécution. Il décortique les modalités de la politique allemande et de la collaboration des autorités françaises.
Vichy a accompagné et coordonné la répression
De fait, le travail de mémoire, associé à la connaissance historique, porté par différentes associations, est essentiel pour combattre non seulement l’oubli, mais aussi les révisions qui, aujourd’hui en particulier, visent à édulcorer la démarche criminelle non seulement de l’armée allemande, mais aussi de l’État français. Celui-ci, Pétain en tête, a non seulement accompagné mais demandé à coordonner cette répression, qui visait conjointement à discréditer l’action armée résistante et à terroriser les populations civiles. L’établissement des listes des fusillés à Châteaubriant, à Nantes et au Mont-Valérien, de même que ceux du camp de Souge, a ainsi bénéficié des conseils et des préconisations du ministère de l’Intérieur de l’État français et de son administration. Le 15 décembre 1941, en représailles à la mort de 4 soldats allemands, les autorités nazies font fusiller 95 otages, résistants ou opposants au nazisme, militants communistes dont Gabriel Péri, le député et journaliste à l’Humanité ; 75 d’entre eux sont exécutés au Mont-Valérien, parmi lesquels une majorité de juifs extraits du camp de Drancy. Quelques mois plus tard, en 1942, lorsque les services de la SS de la police allemande prennent directement en charge la répression, la déportation et l’exécution des otages, la collaboration avec la police française est exaltée lors des accords entre Bousquet et Oberg lors desquels, dès juin 1942, est formalisé l’accord pour la déportation des populations juives de la zone occupée.
La politique des otages justifiée par le « judéo-bolchevisme » a ouvert la voie à la mise en œuvre du projet d’extermination de la population juive, décidé secrètement durant l’hiver 1941-1942. La référence au judéo-bolchevisme est également un terrain sur lequel se construisent la collaboration et l’engagement en France des milieux qui associent antisémitisme, dénonciation du communisme et tout ce qui est alors désigné comme l’anti-France. La stigmatisation des étrangers et l’exaltation de la révolution nationale dans le moment même où le gouvernement de Vichy, avec le retour de Laval aux côtés de Pétain, annonce qu’il souhaite la victoire allemande pour protéger la France du bolchevisme, n’est pas seulement une sinistre mascarade, mais une trahison des idéaux et des valeurs qui ont fondé la République et la citoyenneté de la France.