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L’extrême-droite, une tumeur dangereuse en Europe

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Pour qui aurait pu douter de l’existence et de l’activisme pernicieux de l’extrême droite en Europe, la longue et récente interview de Le Pen au journal Rivarol est concluante. Il y déclare notamment que :« l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaines, même s’il y eut des bavures inévitables dans un pays de 555000 kilomètres carrés ». Négationnisme, révélateur de la nature du FN, de sa stratégie et de ses ambitions déstabilisatrices de la démocratie. On apprenait, quelques jours plus tard, que le groupe néo-nazi NPD, en Allemagne, exploitait la commémoration du bombardement de Dresde, en 1945 pour faire l’impasse sur les crimes et la folie meurtrière du régime hitlérien. Autant de signes récents -et il en est d’autres- de l’activisme de l’extrême droite et de défis à la démocratie en Europe qui méritent l’attention et traduisent une concordance de l’action extrémiste en Europe. Où est-elle ?

Une force électorale accrue

A l’échelle européenne, la phase temporelle qui va de l’automne 1999 à 2002 a incontestablement constitué une période faste pour un certain nombre de ces formations:accession du parti de Haider au gouvernement de l’Autriche, succès des populiste danois, reconduction de la coalition de droite en Italie, élections du 21 avril 2002 en France, etc. Les scores électoraux de plusieurs de ces formations traduisent, non seulement des progressions, mais une captation durable d’une partie de leur électorat. En 2001 et 2002, dans 6 pays, ces formations recueillaient plus de 10 % des suffrages. Certes, quelques unes ont connus des revers, des reculs et des limites à leur progression. Ceci s’accompagne d’affrontements internes (rivalités personnelles, divergences tactiques). On peut s’en réjouir, sans en être rassuré. En effet, au delà de la variabilité de leurs performances, les formations de l’extrême droite continuent d’occuper le paysage politique de nombre de pays d’Europe occidentale et à peser sur la conjoncture politique d’ensemble, notamment par les pressions qu’elles exercent sur les partis de la droite classique, singulièrement sur certaines questions (immigration, sécurité, etc.) Jusqu’à présent, elles ont réussi à stabiliser leurs résultats, avec des enracinements locaux parfois très différents, démentant la thèse qui estimait leur existence momentanée ou circonscrite à la petite bourgeoisie.

Quelle est leur nature ?

Certains appellent à distinguer « extrême-droite » néo-fascisante et « formations »populistes » prenant très souvent comme critère qu’elles sont ou non insérées dans le jeu électoral. Argument de faible poids, même si on admet que l’histoire ne se répète pas, on ne saurait oublier qu’après sa période qui suivit le « putsch de la brasserie », le parti nazi de Hitler entrera, sous la République de Weimar, dans la compétition électorale et pénétrera en force au Reichstag que présidera Göring.

Certes des dissemblances existent entre ces groupes, reflet des diversités nationales. Mais, le populisme est une notion fourre-tout dissimulant les convergences fondamentales. Au plan idéologique. Toutes ces formations procèdent d’une matrice dont les éléments centraux et communs reposent sur l’anti-immigration, la xénophobie, un anticommunisme profond, une rhétorique autoritaire, répressive et sécuritaire, une collusion, plus ou moins déclarée, avec l’intégrisme religieux, un programme économique composite, basé sur la récupération des mécontentements populaires, alliant le libéralisme à un nationalisme outrancier. Leur catégorisation demeure largement académiques et périlleuses. Fondées sur des apparences, elles peuvent souvent masquer un néo-fascisme, inavoué pour des raisons tactiques.

Le terreau

La progression, l’enracinement de l’extrême-droite combinent divers éléments qui, en Europe Occidentale marquent l’histoire récente. Nombre d’observateurs les attribuent à un déficit croissant d’efficacité et de crédibilité des partis politiques historiques, à la mauvaise santé démocratique des pays concernés résultat de la tendance à la coopération entre les partis dominants, notamment sociaux-démocrates et conservateurs, à l’essoufflement de ce type de combinaisons politiques et ou à la reproduction d’alternances, sans effets positifs par rapport aux attentes de l’électorat populaire. En acceptant la logique de marché et les critères de Maastricht, les partis de la gauche de gouvernement ont altéré leur identité et, partiellement, délaissés le terrain économique et social abandonnant, du même coup, une proportion substantielle de leur base ouvrière et ouvrant ainsi une brèche favorisant la pénétration des extrêmes droites. Les effets de déstructuration de la crise, avec son cortège de millions de chômeurs, de précarisation de l’existence, de pauvreté de masse, les changements dans les composantes de la population active, le brouillage idéologique, les évolutions structurelles du capitalisme, les tensions internationales, jouent un rôle dans ces processus.

En Europe, les partis dominants n’ont pas été, au total, en mesure de répondre aux attentes des populations qui les soutenaient. Un trait commun du discours des formations d’extrême droite est de prétendre pouvoir prendre en compte les aspirations d’ordre et de sécurité et se présenter à des populations qui dépassent leur cadre d’influence comme porteuses d’un « nouveau pacte de confiance ». Beaucoup d’analyses convergent pour considérer que la crise se trouve au c ?ur d’un même lieu : « le système de partis », de la fracture grandissante entre les organisations partisanes et les masses, de la perte de la confiance qui unissait jusqu’alors les citoyens et leurs représentants.

On ne doit pas cacher l’action destructrice qui revient à la mise en oeuvre de l’actuelle construction européenne, avec les accords de Schengen, le pacte de stabilité, la monnaie commune, l’extension du chômage massif et de la pauvreté.

On se souvient que lorsque en Autriche, après les élections de novembre 1999, le FPÖ (Freiheitliche Parteï Österrreichs), formation de l’extrême droite, dirigée par Haider qui de 1983 à1999avait vu son score électoral passer de 5 à 26% des suffrages exprimés passa un accord avec le parti conservateur (ÔVP), qui lui permit d’entrer au gouvernement, les 14 autres gouvernements de l’Union Européenne, alors même que les deux formations négociaient leur alliance, annoncèrent qu’ils refusaient tout contact officiel avec un gouvernement autrichien incluant le FPÖ. Le Canada et les États-Unis réduisirent leurs contacts bilatéraux avec l’Autriche. Mais, au moyen de la signature sous les auspices du Président de la République, d’un texte réaffirmant leur engagement à l’égard des valeurs démocratiques, de quelques remaniements dans l’affectation des postes ministériels attribués au FPÖ, son accès au gouvernement sera banalisé. Certains des 14 battirent alors en retraite abritant leur dérobade sur l’envoi, avec l’accord de l’Autriche, d’une mission de trois experts chargée d’évaluer la situation. Comme on pouvait s’y attendre, ils la jugèrent, au total, satisfaisante et recommandèrent la levée des sanctions. Le cordon sanitaire des pays européens avait tenu…7 mois ! Mauvais exemple !

Considérable est, donc, la responsabilité des organes européens dans la création d’un terreau favorable à l’extrémisme de droite. Au demeurant, quelles valeurs démocratiques l’Union européenne peut-elle prétendre porter après l’injonction faite par Bruxelles aux Irlandais d’avoir à revoter une deuxième fois sur la ratification du Traité de Nice présenté, alors, comme une merveille ! La montée de l’extrémisme, certes, n’est pas fatale, à conditions de ne pas laisser sans réponse les stratégies de ces formations et de comprendre les raisons de leur progrès, de s’attaquer aux contradictions sociales dont elles cherchent à tirer profit. Les développement de l’extrémisme de droite en Europe Occidentale présentent des caractéristiques communes. Il faut aller de ce fait, jusqu’au bout de la réflexion. Ce qui conduit sûrement si on va à la racine des problèmes à montrer la nécessité de changements ducontenu des politiques économiques et sociales, dans chaque pays, à l’échelle européenne, et au niveau mondial, notamment pour combattre le chômage et la précarité, substituer à la guerre économique une politique de coopération. Cela donne un rôle majeur à l’action pour éradiquer le chômage, la précarisation de l’emploi et pour rechercher sa sécurisation dans une dynamique de progrès de la qualification, de mobilité promotionnelle de la force de travail impliquant nécessairement un développement de la formation. Dans ce cadre, il faut reconsidérer dans une perspective coopérative, entre États, les politiques migratoires, agir contre les inégalités sociales et les traitements discriminants appliqués aux immigrés, alors que l’on s’oriente partout vers des politiques fondées sur des « quotas » et que l’on viole les engagements internationaux concernant le droit d’asile.

L’éradication de l’extrême droite en Europe, implique de s’attaquer aux sources des souffrances et des anxiétés, des peurs, lieux où elle prospère et s’enracine.