Par Samba Sy
(Septembre 2011)
Le Sénégal est gros de changements, de mutations si importantes qu’on aurait pu parler, n’eusse été la crainte de verser dans une certaine grandiloquence, d’une « période historique » que vivrait le pays. Dans l’objectif de faire entendre par là une séquence, dans la vie de la nation, à l’issue de laquelle s’opérerait un basculement, faisant date, et donc à partir duquel un nouvel ordre verrait le jour…
Les Sénégalais le vivent, le sentent confusément quand ils n’en sont pas conscients : il y aura, fatalement, un avant et un après févier 2012, c’est-à-dire une évolution majeure, de l’ordre d’un basculement. Le pays peut (et il faut en prendre l’exacte mesure) sombrer, verser dans le spectre, déjà constellé, des nations africaines empêtrées dans des dissensions politiques quasi inextricables, avec leur lot de tragédies. Il a aussi (et heureusement !) de réelles chances de faire un grand bond en avant qui rendrait difficilement réversibles certaines conquêtes démocratiques, acquises de haute lutte et auxquelles les sénégalais tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.
Du reste, un avant goût de février 2012 s’est donné à voir les 23 et 27 juin, avec une sorte de répétition générale le 23 juillet. A ces différentes dates, des Sénégalais de toutes conditions – dont le dénominateur commun est l’exigence citoyenne – ont déferlé dans les rues de Dakar, de Thiès, de Kaolack, de Mbour, de Saint-Louis, bref de toutes les zones du pays, pour dire, à haute et intelligible voix, que ce pays est le leur et que donc la seule souveraineté qui y compte est celle du Peuple.
S’il a fallu le faire, c’est parce que le pouvoir en place a versé dans des abus et outrances, parce qu’il s’est positionné comme propriétaire du pays, au point de poser des actes dont l’outrecuidance n’avait d’égal que le mépris qui en était le terreau… Abdoulaye Wade et son régime ont, à cette occasion, accusé le coup, ils ont vacillé, eu de la peine à réaliser ce qui leur arrivait, avant de continuer, paradoxalement, à faire comme avant, comme si de rien n’était ! Ce faisant, ils laissent penser qu’ils sont loin de mesurer combien le pays a changé, combien les sénégalais sont devenus différents, au point qu’il soit légitime de parler d’une évolution politique radicale.
1/ Une évolution politique radicale
Le propre des transformations sociales c’est, nous semble-t-il, leur difficulté à être saisies sur le vif. En d’autres termes, et comme de nombreuses expériences peuvent en témoigner, c’est au terme du cheminement que très souvent la distance parcourue saute aux yeux. Pour dire que le Sénégal a changé sans que peut-être les Sénégalais n’en prennent, rigoureusement, l’exacte mesure. L’évolution du monde, l’explosion médiatique, les mille et une difficultés des populations, de la jeunesse et des femmes notamment, le travail permanent de conscientisation des Partis de la Gauche sénégalaise entre autres, ont conduit à une maturation silencieuse ayant eu à se manifester non seulement aux Assises Nationales, mais aussi, et entre autres, par l’entremise du Mouvement du 23 juin.
a/ Les Assises Nationales.
A l’issue des élections présidentielles de 2007 à l’occasion desquelles et contre toute attente Abdoulaye Wade a été déclaré, à la surprise générale ( y compris de son propre camp), vainqueur dès le premier tour. Faute d’avoir obtenu une évaluation objective du scrutin présidentiel, pour en déceler toutes les anomalies afin de les aplanir en vue de redresser le processus électoral et de parvenir, dorénavant, à des élections transparentes, sincères et crédibles, l’opposition, dans sa grande majorité, décida de boycotter les élections législatives, organisées dans la foulée des présidentielles.
Son mot d’ordre fut suivi et les Sénégalais inscrits furent près de 65 % à ne pas aller aux urnes, révélant, à contrario, combien l’élection de Wade comme président, en 2007, était entachée d’irrégularités…
La fracture politique dès lors instaurée et le déficit de légitimité des institutions amena le Front Siggil Senegaal à prôner des Assises pour penser le pays, s’accorder sur des fondamentaux, redonner de façon consensuelle de l’élan à la vie politique nationale par une critique sans complaisance du chemin parcouru depuis l’indépendance.
Et, en dépit de la véhémence de l’hostilité d’Abdoulaye Wade et de son camp à la tenue des Assises Nationales, celles-ci furent organisées. Elles rassemblèrent une partie essentielle des forces politiques, la plupart des syndicats des travailleurs, une frange importante du patronat, la société civile, des dignitaires religieux, des personnalités indépendantes…
Sur toute l’étendue du territoire national et dans la diaspora, des Sénégalais se retrouvèrent, dans des consultations citoyennes, pour, ensemble, tenter de s’accorder sur le Sénégal à bâtir.
A l’issue de plusieurs mois de débats, les conclusions furent remontées, une charte de gouvernance démocratique élaborée.
Les conclusions des Assises Nationales, sans être fétichisées, devinrent une sorte de socle dont, au-delà des parties prenantes à leur tenue, presque tous, sauf Wade et ce qui reste de ses soutiens, se réclament ne serait-ce que partiellement…
Or, pour parvenir à ces conclusions, il a fallu débattre démocratiquement, s’écouter patiemment et ne retenir que ce qui emportait l’adhésion de tous. Autrement dit, de façon pratique, des Sénégalais ont expérimenté, à cette occasion, une approche citoyenne ayant contribué à rendre possible ce que l’on peut appeler, sans la moindre exagération, la révolution du 23 juin.
b/ Le mouvement du 23 juin
Le 16 juin 2011, dans la soirée, les Sénégalais eurent la surprise d’entendre dans les médiats que le conseil des ministres avait adopté un projet de loi portant réforme constitutionnelle. La surprise ne tenait pas tant à la volonté du Président de la République de réformer, pour une 17ème fois en 10 ans, la constitution. Elle procédait plutôt du fait que cette réforme ambitionnait, à quelques 8 mois de l’élection présidentielle, de chambouler totalement les règles du jeu !
Dans l’optique de Wade, les Sénégalais devaient dorénavant élire un ticket (président/ vice-président) et un tel ticket, s’il obtenait 25% des suffrages exprimés au 1er tour, remporterait l’élection présidentielle. Autrement dit, même si 75% des voix allaient aux adversaires de ce ticket, celui-ci passerait néanmoins.
Cerise sur le gâteau, il était prévu, en cas de démission ou d’empêchement du président, que le vice-président devienne président, avec le pouvoir de se choisir un auxiliaire avec qui il conduirait le mandat jusqu’à son terme.
Le conseil des ministres du 16 juin retient enfin de faire passer la loi en procédure d’urgence.
Les protestations fusèrent de partout, déclinées sur tous les tons. Les Sénégalais exprimèrent leur désaccord avec une telle réforme constitutionnelle.
Mais point n’y fit. Wade s’arcbouta à son projet, convoqua l’assemblée nationale le 23 juin et déclara même, pince sans rire, qu’avec sa « réforme », il avait « tétanisé » l’opposition…
Et ce qui devait advenir advint. Le 23 juin, de tous les quartiers de la capitale, de toutes les rues, convergèrent des femmes, des jeunes, des hommes d’âge mur, des ouvriers mais aussi des cadres, des militants politiques mais aussi des religieux, des artistes mais également des patrons d’entreprise, bref des Sénégalais de toutes conditions, réunis autour d’un seul et unique mot d’ordre : « Ne touche pas à ma constitution ! »
Des heures durant, sous le chaud soleil, en face de la police et de la gendarmerie, et en dépit des multiples charges de celles-ci, des barricades furent érigées, des édifices caillassés, parfois brulées, des députés hués, bref les Sénégalais montrèrent, comme jamais, qu’ils n’étaient pas, contrairement aux apparences, « ce Peuple qui se courbe et se couche et qui dit oui aux coups de fouet de midi. »(David Diop)
La peur gagna le camp du pouvoir d’autant qu’il se voyait littéralement admonesté par l’Union européenne, les États-Unis, la France, bref une bonne brochette de pays partenaires du Sénégal. Il décida, après moult tergiversations, de lâcher prise.
Les Sénégalais rentrèrent chez eux, satisfaits et fiers d’avoir prouvé qu’ils étaient souverains.
Les organisations de défense de droits de l’homme (dont un des principaux animateurs – Alioune Tine de la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme – avait payé le prix fort pour cette défense de la constitution), les partis politiques coalisés dans Bennoo et les autres partenaires de ce mémorable jour dont, à titre principal, le Mouvement « Y en a marre », gravitant essentiellement autour de jeunes rappeurs dont l’engagement n’a d’égal que la claire conscience des enjeux du moment, décidèrent, dans la foulée, de se structurer en organisation. Il fut retenu de donner à celle-ci le titre éponyme de mouvement du 23 juin, tellement les uns et les autres étaient convaincus de la valeur symbolique de cette date dans la vie politique et sociale nationale.
c/ Exigence citoyenne renforcée
Il ne faut pourtant pas se méprendre sur la réalité des événements du 23 juin. Loin de naitre, pour parodier Marx, parlant des philosophes, « comme un champignon », ces événements couronnent tout un processus qu’un regard lucide sur le vécu des Sénégalais de 2000 à 2011(pour ne prendre que ce repère) permet de comprendre aisément.
En 2000 les Sénégalais avaient mis fin aux 40 ans de règne sans partage du Parti socialiste. En congédiant Abdou Diouf, ils escomptaient davantage de liberté, plus de justice sociale, moins de chômage, une École plus performante, des soins de qualité, bref une amélioration des conditions de vie, non pas de quelques privilégiés, mais du plus grand nombre.
Leur rêve s’est transformé en cauchemar. Abdoulaye Wade s’est appliqué à désarticuler l’essentiel des ressorts économiques du pays : les phosphates, l’arachide, la pêche, le tourisme. Il s’est employé à créer, de manière artificielle, de nouveaux riches, il a entretenu la corruption, promu le reniement, dépensé sans compter les ressources nationales, sans tenir le moins du monde compte des exigences populaires.
Au résultat, les tares qui avait valu à Diouf sa défaite en 2000 ont été multipliées par 10 et Wade y est parvenu en flattant ce que le sénégalais a de plus vil : l’appétit de lucre et la volonté de paraître.
Abdoulaye Wade, en la circonstance, s’est séparé de tous les hommes dont l’engagement et la détermination l’avaient porté au pouvoir pour se retrouver entouré de courtisans dont la plupart avaient blanchi sous le harnais de l’ancien régime.
Or, de tout cela le peuple sénégalais a été non seulement victime mais aussi observateur attentif.
Progressivement sont montés de tous les coins du pays des protestations, des gestes de défiance à l’encontre de la gouvernance wadienne, un sentiment profond de rejet des iniquités vécues. Ainsi est-il devenu fréquent de voir, dans les chaines de télévision privées, les images poignantes de populations de quelque hameau du Sénégal, bardées de rouge, se demandant si elles faisaient ou non parti du pays, tellement elles se sentaient délaissées, sans eau potable ni électricité, sans route carrossable ni École, sans poste de santé ou intrants agricoles, dans le même moment où elles apprenaient que des milliards étaient distraits dans la construction de monuments, l’organisation de festivals ou l’achat de consciences…
De ce point de vue, la gouvernance wadienne a au moins eu le très grand mérite de réveiller la capacité d’indignation des Sénégalais.
2/ Un aveuglement périlleux
Une indignation légitime, dont on se demande, au vu de la manière de faire du régime de Wade, par quel miracle elle n’a pas, à ce jour, conduit à des débordements ravageurs. Précisément parce que Wade ressemble à un funambule audacieux, définitivement en rupture avec la rationalité, s’enivrant des risques majeurs qu’il fait encourir à son pays.
Autrement dit, le Président Wade se présente comme un joueur impénitent, un joueur ayant ceci de dangereux que l’homme âgé qu’il est, mise, avec légèreté, le destin d’une nation, majoritairement composée de jeunes n’ayant pas 25 ans !
a/ Radicale déconstruction de l’économie nationale
Pour donner un exemple des facéties wadiennes, évoquons l’une de ses options faisant présentement débat. Alors qu’il a décidé, contre l’avis des travailleurs, des gestionnaires de la boite, des émigrés sénégalais, d’imposer une surtaxe concernant les appels internationaux entrants de la SONATEL, Wade annonce, dans le même mouvement, qu’il ambitionne de racheter au partenaire stratégique France Telecom, ses parts à la Sonatel. Autrement dit, le libéral Abdoulaye Wade se déclare disposer à nationaliser la société de téléphone pour que le trésor public puisse profiter des nombreux milliards générés par les activités de la Sonatel, au lieu que l’essentiel des dividendes ne revienne à France Telecom…
Or ce que Wade ne dit pas, c’est que lui-même nourrissait, en avril 2009, la ferme intention de vendre 9% des actions de la Sonatel à ce même partenaire stratégique, pour en faire l’actionnaire majoritaire et lui conférer une majorité absolue au Conseil d’Administration. A l’époque il ne renonça que parce qu’il avait buté contre la résistance farouche des travailleurs…
Du reste les Sénégalais se demandent où Wade, par delà les effets d’annonce va trouver 600 milliards de francs nécessaires à ce rachat, à supposer que le partenaire français soit partant…
Pour dire que dans le domaine économique où, comme tous le savent, dans le monde tel qu’il va, rien n’est donné car tout ou presque s’arrache, Wade procède par à coups, au gré de ses humeurs, sans la moindre vision. Sa perspective « court-termiste » en diable ne cible que le gain immédiat.
Pour des raisons peut-être liées à son âge, il ne se projette pas, ne pense pas le Sénégal dans la durée, ce qui l’obnubile étant l’argent frais. Aussi change-t-il, au gré des circonstances, de stratégie, de priorité, de partenaires.
Engoncé dans une grave crise énergétique, avec près de mille milliards de francs englouti sans résultat conséquent, le Sénégal ressemble à un bateau ivre, dont le capitaine et l’équipage, au lieu de réfléchir aux voies et moyens de sauver le navire en perdition, ne pensent qu’à le piller !
Au résultat, l’un des avis les plus partagés est que l’après Wade sera très dur à vivre, la plupart des Sénégalais étant convaincus que l’étendue des dégâts ne sera connue que quand l’actuel régime aura été défait.
b/ Une surdité à toute épreuve
Mais si l’indignation des Sénégalais enfle, c’est aussi en raison du mépris sans fard qui affleure dans la gouvernance wadienne. En effet que dire d’un Président de la République qui ne se gène guère pour promouvoir à un rang ministériel ou assimilé certains de ses partisans, épinglés par la cour des comptes pour surfacturations avérées, détournements ou concussions ? Que penser d’un Président qui, à longueur d’année, transforme le palais de la République en espace de recrutement de « transhumants » grassement rétribués, pour fait de défection à leur ancien camp et ralliement à la « majorité présidentielle » ? Comment comprendre, alors que les étudiants n’arrivent pas à se faire payer leurs bourses en fin d’année et qu’ils sont réduits à leurs dernières extrémités, alors que les paysans sont en pleine période de soudure, dans un dénuement extrême, sans la moindre assistance, que Wade reçoivent au palais des lutteurs, des marabouts, à qui il donne des centaines de millions, sans qu’on ne sache d’ailleurs trop sur quel ligne budgétaire il tire tout cela ?…
Enfin et sans être exhaustif comment comprendre qu’à plus de 85 ans et après deux mandats, Wade s’entête à imposer une candidature que la loi autant que la morale réprouvent, et pire qu’il dise sans sourciller, que s’il devait ne pas continuer à présider le Sénégal, ce pays sombrerait inexorablement dans le chaos ?
A la vérité, Abdoulaye Wade a progressivement rompu avec le Sénégal réel. Enfermé (et c’est normal à son âge !) dans une bulle, il se prend pour un seigneur et ne voit dans ses compatriotes que des sujets. Rempli d’orgueil, il rêve d’éternité et vit un sérieux dilemme : comment partir en restant, sacrifier à l’humaine condition sans en payer le tribut, subir l’usure du temps sans en vivre les meurtrissures.
Or ce qui donne du relief à cette tragédie individuelle c’est qu’elle a pour acteur principal un Président d’une République dans laquelle tout se décline en termes d’urgence : urgence de renouer avec des procédures démocratiques normales, urgence de faire face aux véritables priorités du pays, urgence de rétablir le lien brisé entre politique et éthique.
Ce qui confère aux prochaines élections une importance singulière.
3/ Des enjeux électoraux de taille
Abdoulaye Wade, ses soutiens et même ses adversaires ne s’en rendent pas suffisamment compte : ce qui donne de la densité au moment vécu, c’est que l’une des pièces importantes du dispositif appartient au passé. Autrement dit, par la force des choses, la page Wade est en train, inexorablement, d’être tournée, même si lui travaille, désespérément, à se persuader et à persuader du contraire.
D’abord parce que ce n’est pas à près de 90 ans que l’on peut avoir quelques ressources que ce soit pour tenir d’une main ferme la gouvernance d’un pays. Ensuite parce que la vieillesse supporte très mal les feux de la rampe, surtout quand elle n’est ni acceptée, encore moins préparée. Or, à notre époque, plus personne ne peut assumer des charges publiques sans sacrifier à l’exigence de commercer, quasiment au quotidien, avec ceux qu’il représente. Enfin parce que l’hostilité que la méthode Wade a sécrétée est si forte qu’il n’a plus aucune chance de conduire les affaires publiques sur la base d’une adhésion, même minimale, à ses choix et orientations…
Wade devant donc, d’une manière ou d’une autre, partir, les élections à venir prennent un sens particulier. Non point que l’intérêt réside dans la connaissance de l’homme ou de la femme qui aura la charge de diriger le pays. Plutôt parce que l’enjeu majeur relève des orientations à donner à la vie politique nationale, plus précisément dans la capacité des sénégalais à se saisir de l’opportunité de février 2012 pour rompre, définitivement, avec le présidentialisme hégémonique, outrancier, handicapant.
Ce qui donne un relief particulier à la problématique des candidatures.
a/ Une pléthore de candidats
Le sentiment ambiant de fin de règne au Sénégal a, entre autres, entraîné, 6 mois avant l’échéance, une explosion des candidatures dont certaines sont le fait de personnes si peu connues du grand public qu’elles rendent, pour dire le moins, dubitatif. Parmi les candidats à ce jour déclarés, plus d’une dizaine viennent de ce qu’il est convenu d’appeler la société civile !
Or s’il faut accepter et agir de sorte que chaque Sénégalais voulant se mettre à la disposition de son pays puisse le faire sans entrave, cette floraison de candidatures, rapportée au contexte, devrait faire réfléchir. Entre les candidats de témoignage, ceux qui cherchent à prendre date, ceux voulant se positionner afin de pouvoir compter au moment où il faudra fatalement « négocier », les candidats de diversion, désireux de capturer des suffrages pour obturer la voie à tout changement véritable, les électeurs risquent d’avoir l’embarras du choix.
b/ L’offre politique de Bennoo
Pour sa part Bennoo Siggil Seneegal a opté pour une candidature de l’unité et du rassemblement. 32 des 38 partis et mouvements coalisés dans Bennoo ont retenu d’aller aux élections à venir en rangs serrés, avec un programme commun adossé aux conclusions des Assises nationales, une équipe pour éventuellement gouverner en cas de victoire, un capitaine pour mettre en œuvre, pour une période de transition, les ruptures indispensables à la refondation de la République du Sénégal.
La gageure d’un tel pari tient au fait que beaucoup se demandent si les Partis coalisés trouveront suffisamment de ressort et de souffle pour s’accorder sur une candidature de mission, afin non seulement de défaire le P.D.S, mais aussi de donner aux Sénégalais l’occasion de mettre en œuvre les conclusions salvatrices des Assises nationales.
Le poids du passé, les aigreurs et rancunes, les égoïsmes de Partis sont autant de boulets dont il faudra se défaire pour pouvoir s’accorder sur une équipe avec un capitaine pour une mission précise à l’issue de laquelle les cartes vont être rebattues, pour, sur de nouvelles bases, relancer le jeu politique national.
L’expérience servant à quelque chose, la plupart des partis de Bennoo (dont la contribution avait été décisive pour faire accéder Wade au pouvoir en 2000) travaillent à s’entourer de toutes les garanties nécessaires pour que le porte étendard de la coalition ne confisque une éventuelle victoire, c’est-à-dire ne la détourne des objectifs arrêtés de concert.
Ce qui rend particulièrement laborieuse la procédure du choix et impatiente de plus en plus de Sénégalais qui n’en peuvent plus de languir, en ressassant cette sempiternelle question : « Qui pour défendre les couleurs de Bennoo » ?
c/ La France dans tout ça ?
Bien entendu, la vie politique sénégalaise n’est pas sans intéresser son ancienne puissance colonisatrice.
D’abord pour des raisons objectives, liées au fait que ce pays demeure, malgré tout, le premier partenaire du Sénégal. Ensuite pour des considérations qui tiennent d’un legs historique qui mettra nécessairement du temps avant de se défaire. Enfin en raison de considérations régionales faisant qu’après le syndrome ivoirien dans le cadre duquel la France a observé la posture que l’on sait, elle ne peut qu’être attentive aux évolutions ayant cours dans l’une de ses anciennes chasses gardées.
Le Président Sarkozy a donné le sentiment de vouloir, pendant longtemps, accompagner le choix de Wade de se faire succéder par son fils Karim. Il aurait même adoubé ce dernier, le présentant au vol à Obama, pour dit-on, récompenser Wade d’avoir accepté d’être entrepris, dépêché à Benghazi afin de soutenir le C.N.T, se mettant ainsi, toute honte bue, en porte à faux avec la démarche de l’Union Africaine…
Depuis, les événements du 23 juin sont passés par là. Les autorités françaises se seraient rendues à l’évidence de l’impossibilité de faire prospérer la carte Karim. Elles se seraient dès lors résolues à chercher une alternative dont on dit qu’elle graviterait autour de l’un des deux anciens premiers ministres de Wade…
Signe inquiétant : la France a décidé d’envoyer, en terre sénégalaise, pour y piloter le reste de ses forces militaires, le général Saint Quentin, accusé d’avoir joué un rôle non négligeable dans le génocide rwandais…
Les patriotes sénégalais, soucieux de renforcer l’indépendance nationale tout en développant une politique mutuellement avantageuse avec la France mais par delà avec tous les autres pays du monde, ces patriotes donc scrutent et interprètent le moindre signe émanent de l’Élysée, dont tous sont convaincus qu’il est un acteur non négligeable dans la partie en cours…
Pour conclure répétons que la fin de règne au Sénégal est grosse d’incertitudes. Mais c’est peut-être aussi pour cette raison qu’elle charrie beaucoup d’espoirs tant il est vrai, comme le dit Lénine, que « tout ce qui est décisif ne naît que malgré ».