Colloque
Mercredi 4 février 2025, 9h-17h30
Espace Niemeyer – Salle des conférences
2, place du Colonel Fabien 75014 Paris
Depuis Marx, bien des théoriciens se sont intéressés au devenir de l’exploitation agricole « familiale », suscitant alors de vives controverses. Cette forme de production dont la disparition fut jugée inéluctable par bien des marxistes est pourtant défendue de longue date par des organisations comme le Parti communiste français et le Modef, le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF), un syndicat agricole créé en 1959.
Dans un monde en mouvement qui doit faire face à l’urgence climatique, le camp progressiste a-t-il encore intérêt à défendre ce modèle productif ? Doit-il revoir son parti pris théorique face aux mutations contemporaines de l’agriculture française, notamment le développement du salariat agricole ? De même, face aux effets du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, l’agriculture familiale est-elle en mesure de répondre à ces multiples enjeux, notamment la transformation agroécologique des pratiques agricoles ? Telles sont les questions, appliquées au cas français, qui animeront ce colloque organisé par la Fondation Gabriel Péri, avec le soutien de la commission Agriculture, pêche, forêt du PCF.
Programme
9h00
Accueil
Introduction
9h30
Ouverture
Guillaume Roubaud-Quashie, président de la Fondation Gabriel-Péri.
9h40
La crise structurelle de l’agriculture française comme contexte agraire
Jonathan Dubrulle, ingénieur agronome, docteur en géographie (agriculture comparée), co-animateur de la Commission Agriculture, pêche, forêt du PCF.
Qu’il s’agisse des manifestations d’agriculteurs de l’hiver 2024 ou de la mobilisation citoyenne contre la loi Duplomb, l’analyse conjoncturelle des questions agricoles ne permet pas de comprendre la crise structurelle de l’agriculture française débutée dans les années 1970. Il s’agira de présenter les causes et manifestations de celle-ci pour définir le contexte agraire de ce colloque en en présentant la logique d’ensemble.
Première session : Ce que veut dire défendre l’exploitation agricole familiale
10h00
Le soutien historique de l’exploitation familiale dans le communisme rural.
Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, secrétaire général de la Société française d’histoire politique.
Le communisme rural s’inscrit dans l’espoir né de 1917, mais surtout il s’est fondu dans une culture républicaine émancipatrice héritière de la Révolution française proposant une synthèse originale entre égalité et liberté, entre modernisation et respect des cultures locales. Pour ces raisons, il diffère très fortement du modèle collectiviste soviétique. Effectivement, le projet politique élaboré dès 1921 (date du programme agraire de Marseille rédigé par le premier député communiste Renaud Jean), révisé en 1964 par Waldeck Rochet, a perduré jusqu’à nos jours : il s’agit de défendre la « petite propriété » ou « l’exploitation familiale ».
10h25
Le Modef, un syndicat agricole qui défend l’agriculture familiale depuis sa création
Lucie Illy, vice-présidente du Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux).
Le Modef, syndicat créé en 1959, se veut le porte-parole des agriculteurs et agricultrices familiaux. Il milite et agit pour faire reconnaître l’importance de l’agriculture familiale comme modèle de développement durable pour nos territoires ruraux. Pour le Modef, l’agriculture familiale et la petite agriculture sont liées de façon indissociable à la sécurité alimentaire mondiale. Elles constituent un levier efficace de lutte contre la pauvreté, la sous-nutrition et les changements climatiques. Elles jouent un rôle central en matière de maintien et de création d’emplois, contrairement aux agricultures de firme qui remplacent une part conséquente du travail par le capital.
10h50
Débat avec la salle
Deuxième session: Quels rapports économiques entre l’agriculture familiale et le capitalisme ?
11h30
L’inclusion de l’agriculture dans les transformations du capitalisme
Evelyne Ternant, économiste, membre de la Commission économique du PCF.
La nouvelle phase du capitalisme qui émerge dans l’après-guerre, caractérisée par une accumulation accélérée du capital, transforme les agricultures mondiales puisque les échanges capitalistes pénètrent l’agriculture par l’amont et l’aval. Devenue structurellement exportatrice, banalisée en tant qu’activité marchande, l’agriculture est intégrée aux accords commerciaux internationaux. Son insertion dans le capitalisme marque une nouvelle étape lorsqu’il se dérégule et se financiarise, dans les années 1980. Les charges du crédit bancaire et la dépendance des prix déterminés sur les marchés mondiaux réduisent les revenus agricoles, jusqu’à la menace existentielle pour une partie des exploitations.
11h55
Séparation capital/travail en agriculture: la fin de l’agriculture familiale?
Hubert Cochet, professeur d’agriculture comparée, AgroParisTech, UMR Prodig.
Cette communication s’attachera à définir le concept d’exploitation agricole familiale, et, à partir du cas français, de discuter de ses perspectives d’évolution. Historiquement fondé sur une imbrication capital/ travail réunis entre les mêmes mains, le caractère « familial » des exploitations agricoles françaises semble se distendre à mesure que progresse la financiarisation des processus de production (développement de formes sociétaires intégrant des associés non exploitants, progression des groupements fonciers agricoles, recours croissant aux entreprises de travaux agricoles, etc.).
12h15
L’exploitation agricole familiale: un chapitre clos dans l’histoire du capitalisme?
Thierry Pouch, économiste, chercheur associé au Laboratoire Crieg-Regards de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, chef économiste à Chambres d’agriculture France.
L’instauration du statut d’exploitant familial au début des années 1960 en France avait laissé entendre que l’absorption de l’agriculture dans et par le mode de production capitaliste, prévue par Marx et par ses continuateurs, ne se réaliserait finalement pas. Soixante ans après, il semble opportun de rouvrir le dossier, afin de scruter les signes annonciateurs de la fin de l’exploitation familiale, conduisant à dire, comme l’avait signifié Marx, que cette fin n’était qu’une question de temps.
12h35
Débat avec la salle
13h00
Déjeuner libre
Troisième session : Salariat et exploitation familiale : quelles questions pour le statut du travail en agriculture ?
14h30
Le salariat comme forme de travail majoritaire et croissante dans l’agriculture française : la fin de la spécificité de l’activité agricole ?
Axel Magnan, économiste, Institut de recherches économiques et sociales.
La moitié du travail agricole en France est aujourd’hui réalisée par des salariés, qui représentent 70% des travailleurs agricoles. Les rapports sociaux organisant l’activité agricole s’articulent autour d’un recours croissant à des salariés, de plus en plus employés par des sous-traitants ou prestataires, ou dans des contrats temporaires. Ces évolutions questionnent le caractère familial et spécifique de l’activité agricole aujourd’hui.
14h55
Quels place et rôle des salariés agricoles dans l’agriculture d’aujourd’hui et de demain ?
Jocelyne Hacquemand, économiste, secrétaire de la Fédération nationale agroalimentaire et forestière CGT
Le rôle du salariat agricole devient majeur, tant en termes quantitatif que qualitatif, au fur et à mesure que la ferme laisse la place à « l’entreprise agricole » et à l’agriculture de firme. Une socialisation du travail et des activités agricoles crée objectivement l’émergence de conditions nouvelles de formes d’organisation de la production agricole.
15h15
Débat avec la salle
Quatrième session: Quelles transformations sociologiques et agroécologiques à venir pour l’agriculture familiale ?
16h00
Redéfinir les groupes sociaux agricoles et saisir les évolutions contemporaines des formes familiales des mondes agricoles
Gilles Laferté, sociologue, directeur de recherche, Inrae.
La sociologie rencontre de longue date des difficultés pour définir le groupe agricole. Or aujourd’hui, l’exceptionnalité sociologique de l’agriculture est moins fondée. Elle repose sur trois pôles agricoles, la bourgeoisie économique, les classes moyennes culturelles alternatives, les classes populaires à patrimoine. Si l’agriculture reste un secteur d’entreprises familiales fondées historiquement sur l’institution du couple hétérosexuel et des enfants repreneurs, les désajustements des formes familiales contemporaines à cette forme sociale et économique d’organisation du travail et de reproduction sociale sont à identifier.
16h25
Entre poursuite de la capitalisation ou disparition : l’agroécologie comme autre voie de développement pour l’agriculture française ?
Nadège Garambois, agro-économiste, maître de conférences en agriculture comparée, AgroParisTech, UMR Prodig.
L’agriculture française a connu des transformations profondes marquées par l’accroissement spectaculaire de la productivité physique du travail et le recul continu du nombre d’exploitations agricoles. De multiples facteurs (économiques, sociaux, environnementaux) invitent à repenser ce mode de développement. Élaborés et conduits par des agriculteurs partout en France, les systèmes agroécologiques s’inscrivent dans un autre paradigme, capable de concilier création de richesse, maintien des emplois agricoles et préservation de l’environnement.
16h45
Débat avec la salle
17h15
Conclusion
Julien Brugerolles, député PCF du Puy-de-Dôme, co-animateur de la commission Agriculture, pêche, forêt du PCF
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