Conférence de presse de M. Ambroise Croizat, Ministre du Travail et de la Sécurité sociale, tenue le 6 juillet 1946.
Le plan français de Sécurité sociale est contenu dans un ensemble imposant de textes législatifs qui apportent de profondes réformes dans le domaine des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail.
Une partie de ces réformes a d’ores et déjà été réalisée. Au 1er janvier dernier, le régime des assurances sociales a été complètement remanié et considérablement amélioré, notamment par l’institution d’une assurance de la longue maladie dont nous espérons beaucoup dans le domaine de la lutte anti-tuberculeuse.
Une ordonnance du 4 octobre 1945, dont l’application a été prévue pour la date du 1er juillet 1946, a pour objet de remanier de fond en comble la structure des organismes d’assurances sociales, d’allocations familiales et d’assurances contre les accidents du travail.
Cette ordonnance dispose que ces multiples risques seront désormais pris en charge par une organisation unique, comportant des Caisses primaires et régionales de Sécurité sociale et, à titre transitoire, des Caisses d’allocations familiales d’un type nouveau.
Ce terme du 1er juillet n’avait pas été choisi arbitrairement : un délai de neuf mois paraissait nécessaire pour préparer la mise en place des organismes nouveaux.
Au mois de février dernier, l’Assemblée Nationale Constituante, à la demande de sa Commission du Travail et de la Sécurité Sociale, confia à une Commission d’enquête le soin d’étudier les conditions d’application du plan.
Cette Commission, composée de MM. Costes, Viatte, Gabelle et Courtois, députés, s’attacha principalement à rechercher s’il était matériellement possible de réaliser la réforme dans le délai prévu. En présence des résultats déjà acquis, elle conclut à l’affirmative.
Le terme est aujourd’hui échu.
La réforme est chose faite.
Le dispositif est en place.
Je voudrais dire ce qu’il est, et ce à quoi, en neuf mois, il fallait le substituer.
Des manœuvres, cependant, se dessinent qui tendent à faire rejeter à une date plus lointaine l’entrée en vigueur du plan.
Les faits montreront ce que signifierait, en réalité, un tel ajournement et les conséquences qu’il entraînerait pour la masse des bénéficiaires.
Ces conséquences suffiront à faire comprendre quels sont les motifs qui inspirent cette campagne dirigée contre la Sécurité sociale.
A la veille de l’application du plan de Sécurité sociale, il existait en France :
- 599 Caisses et Unions de Caisses d’assurances sociales ;
- 379 Caisses de compensation d’allocations familiales ;
- 125 Compagnies d’assurances contre les accidents du travail.
A ces 1 093 organismes divers, d’importance fort inégale, le plan substitue en tout et pour tout :
- 138 Caisses primaires et régionales de Sécurité sociale ;
- 113 Caisses d’allocations familiales.
Ces simples chiffres permettent d’apprécier toute la portée de la réforme : économies considérables de gestion, rationalisation poussée, facilité de contrôle accrue, permettant d’assurer dans les meilleures conditions l’équilibre financier et la gestion correcte de la Sécurité sociale. Il est clair que cette structure rénovée offre des possibilités très larges au développement d’une politique sociale efficace.
Un effort intense de l’Administration a permis d’achever à ce jour la mise en place de l’organisation nouvelle.
Les circonscriptions à attribuer aux nouvelles Caisses ont été déterminées et leurs sièges fixés en fonction de la structure économique, démographique et sociale du pays. Les Conseils d’administration ont été constitués. On sait que ces Conseils ne sont pas désignés par le gouvernement, car le plan français, contrairement à ce qui a été dit et écrit à maintes reprises, ne constitue en aucune manière une étatisation de la Sécurité sociale. Les administrateurs ont été, conformément à la loi, désignés par les organisations syndicales les plus représentatives des travailleurs (CGT et, partout où elle l’a voulu, CFTC), par les organisations d’employeurs et les associations familiales. Les Conseils, sitôt constitués, ont élaboré les statuts de leur Caisse et les ont soumis à l’Administration pour examen et approbation. Les statuts une fois approuvés, les Caisses ont été enregistrées et ont commencé leur existence légale. A partir de ce moment, elles ont progressivement absorbé les Caisses d’assurances sociales auxquelles elles étaient appelées à succéder.
Tel est le travail préparatoire qui devait être accompli pour le 1er juillet dernier, et qui l’a été.
A l’heure actuelle, tous les Conseils d’administration des Caisses primaires et régionales sont constitués et installés. Tous les projets de statuts ont été approuvés et toutes les Caisses ont fait l’objet d’un arrêté d’enregistrement, à l’exception de treize Caisses primaires ou régionales pour lesquelles ils seront pris un délai de quelques jours. Proportion infime, eu égard au total.
La plupart des anciennes Caisses ont été placées sous l’autorité des nouveaux Conseils. La plupart des directeurs ont été déjà désignés par les Conseils et soumis à l’agrément ministériel. Il faut ajouter que la presque totalité des nouvelles Caisses a pu être installée, on imagine au prix de quelles difficultés techniques, dans des locaux appropriés, et pourvue du matériel qui lui était nécessaire. Enfin, le personnel des anciennes Caisses et des Sociétés d’assurance est en cours de reclassement dans les nouveaux organismes.
La date du 1er juillet apparaît ainsi non seulement comme le point de départ d’un régime nouveau de la Sécurité Sociale, mais aussi – oserai-je dire surtout ? – comme le terme d’accomplissement d’une réforme technique et administrative, fruit d’un effort de neuf mois.
L’édifice nouveau n’est pas une fin en soi. Il doit seulement permettre la réalisation des réformes sociales qu’attend le pays et auxquelles les travailleurs ont droit.
Une des toutes premières conséquences de notre réforme de structure sera de permettre une compensation équitable des charges d’allocations familiales sur l’ensemble du territoire national, par l’institution d’une cotisation uniforme. Cette réforme permettra d’alléger les charges de famille très lourdes que supportent les industries productrices (bâtiment, textile, métallurgie) en en transférant une partie sur les entreprises de distribution. En même temps, elle aura pour effet de faire participer les régions à natalité faible aux charges des régions où la natalité est élevée. Elle permettra ainsi à l’économie nationale de supporter aisément le surcroît apparent de charges qu’entraînera l’augmentation des allocations familiales décidée par le gouvernement et sur laquelle l’Assemblée Constituante va être appelée à se prononcer dans les jours qui viennent.
L’étape suivante consacrera l’intégration de l’assurance des accidents du travail dans la structure nouvelle. Cette réforme capitale doit permettre aux travailleurs comme aux employeurs de participer à l’application de la loi des accidents du travail dont, en fait, un trop grand nombre était exclu dans le système de l’assurance par les compagnies privées.
Enfin, diverses simplifications administratives doivent également intervenir à brève échéance. L’une des plus importantes concerne le mode de perception des cotisations. Jusqu’à présent, l’employeur devait verser au Service régional ses cotisations d’assurances sociales, à la Caisse de compensation sa contribution aux allocations familiales, enfin payer une prime à sa compagnie d’assurances. Demain, il pourra se libérer par un versement unique à la Caisse primaire de Sécurité sociale, de l’ensemble de ces cotisations, toutes trois calculées suivant des règles analogues.
C’est l’organisation nouvelle qui permettra de mener à son terme la dernière étape de la réforme sociale la plus importante qu’ait connue notre pays et qui le placera au premier rang du progrès.
La première Assemblée Constituante a voté, en effet, la loi du 22 mai 1946, qui réalise la généralisation de la Sécurité sociale et singulièrement l’extension de la retraite des vieux à tous les Français. L’application de cette mesure interviendra dès que le niveau de la production aura dépassé de 10 % celui de 1938.
Encore une fois, toutes ces réformes constituent un ensemble cohérent, et doivent s’enchaîner suivant un plan de travail soigneusement établi à l’avance, dont la réalisation est directement commandée par la réforme de structure aujourd’hui accomplie.
Voici cependant que, de divers côtés, des offensives convergentes sont amorcées, dont le but avoué est de retarder de six mois l’application du plan de Sécurité sociale, en la reportant au 1er janvier prochain.
Une proposition de loi déposée le 21 juin dernier tend à ajourner l’entrée en vigueur de l’ordonnance, à laquelle on reproche de porter atteinte à deux principes essentiels : celui de la liberté d’association et celui de l’élection des administrateurs par les assurés.
M. Gaston Tessier, secrétaire général de la CFTC, a pareillement demandé, dans l’Aube du 29 juin, le report de l’échéance du 1er juillet.
D’autre part, un « Comité de défense des intérêts du Personnel, des Cadres, de Maîtrise et des Techniciens » s’est formé pour protester contre l’affiliation de ses adhérents au régime général des assurances sociales, également prévue pour la date du 1er juillet.
Ces différentes suggestions appellent une première observation, à elle seule décisive : elles ne tiennent aucun compte de la réalité.
On ne peut plus, autrement que sur le papier, retarder l’échéance ; on ne peut maintenir l’organisation archaïque à laquelle l’ordonnance du 4 octobre s’est proposé de mettre fin, parce que cette organisation a d’ores et déjà disparu ; on ne saurait prolonger la vie des anciennes Caisses d’assurances sociales : elles sont mortes.
Essayer de faire machine arrière serait introduire dans tout le domaine de la Sécurité sociale une confusion inextricable dont les travailleurs feraient les frais.
Aussi bien, si l’on envisage dans le détail les conséquences qu’aurait un tel ajournement, plusieurs d’entre elles apparaissent désastreuses. L’échéance du 1er juillet 1946 revêt une importance tout particulièrement dans les trois départements d’Alsace et de Lorraine. Elle a marqué, en effet, le passage de la législation locale d’origine allemande à la législation française, ouvrant la voie à une unification législative complète.
Comment revenir sur une mesure d’un tel intérêt patriotique ?
Depuis le 1er juillet 1946 également, ouvriers, employés et cadres cotisent tous aux assurances sociales dans la limite d’un salaire maximum uniformément fixé à 120 000 francs par an. Jusqu’ici, les ouvriers pouvaient cotiser sur des sommes bien supérieures, tandis qu’employés et cadres ne payaient rien si leur salaire dépassait 120 000 francs. Revenir en arrière en cette période d’augmentation de salaires, ce serait augmenter sans contrepartie les charges ouvrières, instituer non plus une solidarité, mais une division plus profonde entre les ouvriers et les cadres.
Depuis le 1er juillet 1946, les Conseils d’administration des nouvelles Caisses d’allocations familiales sont composés en majeure partie de représentants des travailleurs et des familles, alors que les anciennes Caisses étaient uniquement administrées par des employeurs. Cette réforme était demandée depuis longtemps par tous les intéressés. Les organisations patronales elles-mêmes en avaient admis le principe. Veut-on que les nouveaux Conseils d’administration, démocratiquement composés, soient dissous et que les patrons reprennent leurs anciennes places ? Ce serait une régression inadmissible.
Enfin, nous avons montré que les étapes suivantes de la réforme (cessation de l’activité des compagnies d’assurances contre les accidents du travail, extension de la Sécurité sociale et de la retraite des vieux à l’ensemble des Français) ne pouvaient techniquement être réalisées que l’une après l’autre, suivant un plan pré-établi. S’il était même possible de retarder de six mois le terme du 1er juillet, il est évident que les étapes suivantes seraient retardées d’autant.
A la vérité, l’inspiration profonde de ceux qui demandent l’ajournement de la réforme, transparaît clairement au travers des arguments indiqués.
On regrette le temps où les assurés étaient, en apparence, libres de se grouper dans des Caisses de leur choix. Tous ceux qui ont suivi le fonctionnement des assurances sociales depuis l’origine, savent combien cette liberté était illusoire. En fait, plus de la moitié des assurés renonçaient à choisir leur Caisse. Quant aux autres, leur prétendu libre choix se réduisait bien souvent à signer sans le comprendre un papier que leur présentait leur patron ou leur syndicat. C’est pourquoi, lorsque le principe de la Caisse unique fut, en juillet 1945, soumis par le Gouvernement Provisoire à l’avis de l’Assemblée Consultative, il fut brillamment défendu, à la tribune, par un homme comme M. Robert Prigent (qui avait d’ailleurs pris une part importante à la rédaction de l’ordonnance du 4 octobre) et approuvé par l’Assemblée à l’écrasante majorité de 190 voix contre une.
On demande, d’autre part, que les assurés puissent élire librement les administrateurs des Caisses. C’est là un principe excellent, et la Sécurité sociale y viendra en temps utile. Mais c’est à juste titre que, pour le démarrage de l’organisation nouvelle, le législateur a considéré que les organisations syndicales représentaient valablement les travailleurs assurés.
Certes, cette représentation serait plus complète si la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens n’avait pas cru devoir interdire à ses syndicats locaux de collaborer à l’administration des Caisses de Sécurité sociale. Tous, cependant, n’ont pas suivi ce mot d’ordre. La CFTC est aujourd’hui représentée dans vingt-huit Caisses primaires de Sécurité sociale et dans trois Caisses régionales. Elle participe à l’administration de toutes les Caisses d’allocations familiales. A notre connaissance, la répartition des sièges entre les deux Centrales syndicale n’a soulevé de difficultés que dans un nombre de cas extrêmement limité. Il est une Caisse au moins, celle de Cholet, où la CFTC s’est vu attribuer la majorité des sièges ouvriers du Conseil d’administration. A vrai dire, ce n’est que dans les Caisses d’Alsace et de Lorraine que la répartition a été sérieusement contestée.
Je vais m’en expliquer ici.
Conformément à la loi, il appartenait à l’inspecteur divisionnaire du Travail de fixer la proportion des sièges à attribuer aux deux organisations. Les syndicats locaux de la CFTC s’étant formellement refusés à lui faire connaître leurs effectifs, ce fonctionnaire dût s’inspirer uniquement des résultats des élections aux Conseils de Prud’hommes et à certains Comités d’entreprises. Il décida d’attribuer au total 42 sièges à la CFTC contre 110 à la CGT. Cette décision ayant été contestée à la fois par les deux organisations, j’ai tenu à examiner moi-même le dossier et j’ai prescrit à deux reprises des enquêtes complémentaires, qui ont été confiées aux inspecteurs départementaux du Travail, ainsi qu’aux contrôleurs de la Sécurité sociale. Sur le vu des nouveaux éléments d’appréciation recueillis, j’ai été conduit à réduire légèrement la part faite à la CFTC dans certaines Caisses, à l’accroître considérablement dans d’autres. Au total, elle obtenait 44 sièges et non plus 42. J’ai la conviction que les chiffres auxquels je me suis arrêté sont pleinement équitables. Je déplore seulement que certains dirigeants locaux de la CFTC, au moment où ils revendiquaient à juste titre le droit pour leurs organisations de collaborer au plan français de Sécurité sociale, aient cru devoir entamer contre ce même plan une campagne virulente qui, ne reculant pas, au besoin, devant le mensonge, paraît inspiré d’un esprit plus que particulariste.
Pour en revenir à ceux qui réclament soudain l’élection des administrateurs par les assurés, leurs protestations paraîtraient plus sincères si, depuis l’origine des assurances sociales, ils ne s’étaient pas ingéniés à l’éluder. S’il est vrai que dans certaines Caisses, les administrateurs étaient censés être élus, en réalité, les assemblées générales ressemblaient à celles des sociétés anonymes, où une minorité agissante fait la loi. Encore une fois, la question mérite d’être reprise quand l’organisation nouvelle sera en plein fonctionnement. Mais, ce serait tout compromettre que la poser au moment où les Conseils nouveaux, dans leur grande majorité, sont en train de faire la preuve de leur dévouement et de leur efficacité.
Une fois de plus, le pavillon de la démocratie couvre une singulière marchandise.
On réclame des élections. On proteste au nom de la liberté contre l’organisation de la Sécurité sociale.
Pourquoi ?
Parce que la Sécurité sociale privera des organismes confessionnels ou mutualistes du monopole qu’ils s’étaient adjugés, dans le cadre de la loi de 1930, sur certaines Caisses. Parce que pour la première fois, l’appareil nouveau met la gestion des intérêts des travailleurs entre les mains des travailleurs eux-mêmes, groupés au sein de leurs organisations syndicales.
Il ne s’agit pas d’éliminer qui que ce soit ou d’imposer telle ou telle prépondérance. Mon but est d’assurer pleinement et sans esprit partisan la gestion des Caisses par les bénéficiaires eux-mêmes.
C’est la loi, et mon devoir est de la faire respecter.
Dernier reproche enfin, autour duquel on mène grand bruit.
A la date du 1er juillet, tous les salariés sont assujettis aux assurances sociales, y compris les cadres, dont certains étaient affiliés jusqu’ici à des régimes particuliers de retraite ou d’assurance-groupe. Certaines organisations de cadres ont fait depuis plusieurs mois un vaste effort pour demeurer en dehors de l’application de la loi. On prétend que celle-ci priverait les cadres d’une partie des avantages dont ils jouissaient jusqu’ici. C’est inexact, puisqu’un décret du 8 juin leur garantit le maintien des avantages acquis, et puisque la loi leur en apporte de nouveaux. En voici un exemple : j’ai d’ores et déjà donné des instructions pour qu’à compter du 1er juillet la retraite des vieux soit accordée à tous les anciens salariés qui n’avaient pas cotisé aux assurances sociales parce que leur salaire dépassait, à l’époque, le plafond d’assujettissement. Ces instructions devraient être rapportées si la réforme était mise en question.
L’extension aux cadres, à partir du 1er juillet, du bénéfice de la Sécurité sociale, n’est en réalité qu’une étape dans l’application de la loi du 22 mai 1946, votée, je le répète, par l’Assemblée unanime. On concevrait mal que la nouvelle Constituante désavouât sur ce point sa devancière.
En vérité, nous sommes en présence de deux politiques qui s’opposent. L’une ne conçoit la solidarité qu’au sein de groupes étroits rassemblant les individus d’après leurs affinités, leur profession, leur milieu social, parfois même leur religion. C’est cette conception dont s’inspirait le gouvernement de Vichy lorsqu’il organisait les institutions sociales dans le cadre corporatif. C’est cette conception à laquelle, sous une forme plus nuancée, certains dirigeants des cadres se rallient lorsqu’ils demandent à rester à l’écart de l’organisation générale. C’est une conception analogue qui anime la revendication des organisations mutualistes et de certains éléments de la CFTC lorsqu’ils souhaitent que l’on revienne sur le principe de la Caisse unique pour confier la gestion de la Sécurité sociale à des organismes concurrents créés au gré des affinités de chacun.
A cette conception s’oppose celle que consacrent tous les textes promulgués depuis la Libération, et qui s’affirme également dans tous les payés étrangers, à savoir que la Sécurité sociale doit reposer sur une solidarité nationale aussi large que possible.
A toutes les époques et dans tous les pays, on constate que les hommes sentent plus fortement leur solidarité dans des groupes étroits que dans des groupes plus étendus. Mais partout et toujours aussi, on constate que le progrès résulte d’un élargissement constant des groupes au sein desquels s’affirme la solidarité des individus. A toutes les époques et dans tous les pays, on a assisté à la lutte des éléments conservateurs qui souhaitaient restreindre la solidarité à des cadres limités, contre les éléments progressistes qui souhaitaient donner à cette solidarité sa pleine efficacité, en l’élargissant au cadre de la nation tout entière, voire au-delà des limites des frontières.
Ainsi, ni en doctrine ni en fait, il n’y a de raison valable pour envisager le report au 1er janvier 1947 de l’application du plan de Sécurité sociale.
Il y a au contraire une raison décisive pour respecter l’échéance du 1er juillet : cette date, aujourd’hui révolue, a marqué l’avènement d’une réforme de structure, sur laquelle il est matériellement impossible de revenir.
On peut ajourner sur le papier. On ne saurait en fait que bouleverser et saboter.
Je m’en tiendrai, pour conclure, aux paroles mêmes prononcées par M. le président du Gouvernement Provisoire de la République dans la déclaration qu’il a faite à l’Assemblée Constituante le 26 juin dernier :
« Les réformes accomplies sont acquises. »