Comme beaucoup de ses camarades, Gabriel Péri, attaché à la politique d’union antifasciste, est heurté à l’été 1939 par la signature du pacte germano-soviétique. S’il s’abstient d’approuver bruyamment ce coup diplomatique, il reste loyal à un parti qui subit des attaques de plus en plus dures, à commencer par l’interdiction de sa presse. Comme tous les députés communistes, Péri vote début septembre les crédits de guerre, et à l’instar des principaux dirigeants du parti, il demande son incorporation à l’armée. Mais les jours suivants, le PCF est déclaré hors-la-loi et ses militants pourchassés. Les députés perdent leur immunité et Péri passe alors dans la clandestinité.
Son action politique va donc continuer dans les conditions nouvelles de la clandestinité puis de l’occupation. Vivant dans des « planques » fournies par le parti, Péri continue à agir en responsable de l’Humanité, contribuant à l’édition de ses numéros illégaux. Péri, toujours membre du CC, loin d’être tenu à l’écart des prises de décision, est sollicité. Il est d’ailleurs consulté, au printemps 1941, quelques jours avant son arrestation, sur la nouvelle stratégie des communistes qui se dessine alors : la mise en place d’un Front national pour l’indépendance, en lieu et place de la ligne de la « guerre impérialiste ». Une stratégie qui ne peut qu’enthousiasmer celui qui restait un partisan ardent d’une ligne d’union contre le fascisme.
Le 18 mai 1941, Gabriel Péri est arrêté par la police française. Sa chute est due en partie aux informations données par Edmond Foeglin, ex-responsable aux cadres dans l’appareil du PCF, chargé en particulier du travail illégal, arrêté quelques jours auparavant. Emprisonné de nouveau à la Santé, Péri prépare sa défense pour un procès qui ne verra jamais le jour : pour les forces de la collaboration, dont d’anciens communistes passés au PPF de Jacques Doriot, il s’agit à la fois de régler des comptes et d’empêcher de donner une tribune à l’éloquent Péri. Livré aux autorités allemandes le 14 décembre 1941, il est fusillé le lendemain au Mont-Valérien avec 68 autres prisonniers « otages ».
Gabriel Péri devient l’un des symboles de la Résistance communiste en France. Sa mémoire va être profondément investie par le PCF et sa galaxie. La poésie d’Aragon notamment participe de la construction du héros communiste, avec Légende de Gabriel Péri ou La Rose et le Réséda. Sa Ballade de celui qui chanta dans les supplices s’inspire dans son refrain « Et s’il était à refaire / Je referais ce chemin » de la dernière lettre de Péri : « J’irais dans la même voie si j’avais à recommencer ma vie ». Paul Éluard invite aussi, dans son Gabriel Péri, à lutter « contre la mort contre l’oubli ».
Une profusion d’initiatives de toutes natures irrigue le monde communiste dès la Libération autour de Gabriel Péri : toponymes, manifestations, rassemblements, éditions de recueils d’articles et de discours, expression artistiques diverses… La photographie de gauche montre une foule rassemblée à l’occasion de l’anniversaire de la Commune de Paris, en 1948, surmontée d’un immense portrait de Péri. Au centre, un homme dévoile une plaque à proximité de la Gare St-Lazare. Sur la photographie de droite, on distingue les portraits de Staline et de Péri dans les locaux de l’Humanité, au début des années 1950.
Dans ses commémorations, le PCF lie souvent Gabriel Péri et Lucien Sampaix, ces deux grandes figures du journalisme communiste. Fusillé le même jour que Péri, à Caen, Sampaix fut ouvrier, permanent communiste et, à partir de 1936, secrétaire général de l’Humanité.
À partir de 1947, le monde entre de plain pied dans la Guerre froide. En France, les ministres communistes sont exclus du gouvernement et des grèves dures se développent. La figure de Gabriel Péri, martyr de la Résistance, va être utilisée dans ce nouveau contexte politique où le PCF se veut le continuateur du combat pour « l’indépendance nationale ». Aux « hitlériens » succèdent désormais les « impérialistes » américains et leurs collaborateurs.
Sur cette affiche de 1952, le PCF proteste contre l’exécution de Nikos Beloyannis et ses camarades, cadres du Parti communiste de Grèce (KKE). Le parti, bien que défait lors de la guerre civile (1946-1949), continue en effet d’être persécuté. Les « patriotes » s’affrontent aux « collabos » d’une nouvelle « occupation américaine ». Beloyannis, l’ancien résistant, « l’homme à l’œillet » immortalisé par Pablo Picasso, s’inscrit ainsi dans un martyrologe communiste international, aux côtés de son homologue résistant français.