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Bundesarchiv, Bild 183-W0409-300 / Kolbe, Jörg / CC-BY-SA 3.0

24 mars 2023

Espace Niemeyer, place du Colonel Fabien

Présentation

Depuis 2012 La Pensée et le Groupe d’Études du Matérialisme Rationnel (GEMR) élaborent un dossier philosophique précédé d’une présentation publique avec le soutien de la  Fondation Gabriel Péri.  Rousseau, Diderot, Spinoza, Althusser, etc. ont été étudiés et discutés au cours de ces journées et colloques. Le 24 mars 2023  c’est Bertolt Brecht qui sera l’auteur présenté sous le thème : « Bertolt Brecht, matérialisme et morale ». Pour la première fois, ce ne sera donc pas un philosophe auteur de système conceptuel mais un écrivain, dramaturge, qui interpellera la philosophie.

La morale chez Brecht est souvent présente d’une façon paradoxale. Les individus sont pris dans un contexte qui les dépasse et qu’ils contribuent à reproduire ou à rectifier, accompagnant leurs actes de justifications morales, une morale qu’ils ne justifient pas et qui est inscrite dans une logique prédéterminée. Dans le monde de la maffia (du capitalisme, du fascisme) il existe bien une morale totalement immorale déclamée par les gangsters (La carrière d’Arturo Ui). Dans le mariage forcé l’adultère de la femme est justifié (Me Ti). Seule la résistance permet l’audace du bien. La configuration brechtienne va bien plus loin que le relativisme social (la morale dépend des mœurs et coutumes), elle se présente en lieu de conflits, de tensions, de violences. La morale n’est pas alors l’affaire d’un sujet face à « son » acte mais celle d’un moment historique qui distribue les actes possibles à partir d’une configuration nouvelle, celle de l’organisation de la résistance. En ce sens Brecht apporte une précieuse pierre à bâtir un matérialisme moral, un matérialisme capable de penser la morale comme telle.

La pensée matérialiste est, en effet, dérangée par la question morale car celle-ci a été fermement enracinée dans la philosophie idéaliste sous l’impératif d’universel. Le « bien » est transcendant (idées platoniciennes, Dieu) ou immanent (la raison, le sentiment). Dans chaque cas c’est l’universel qui fait office de démonstration.

Les philosophes matérialistes ont cherché à évincer cet impératif en ramenant  la morale aux mœurs, aux coutumes, à l’éducation, c’est-à-dire à des circonstances relatives. Cependant cette réduction transforme la morale en coutume et la prive de sa valeur émotionnelle subjective.

Le matérialisme est finalement amené à déclarer qu’il n’existe pas problème moral universel (type : peut-on mentir ?) mais seulement des situations morales (particulières) qu’on doit évaluer au coup par coup (épicuriens). Cependant cette notion de « situation » reste idéaliste en ce sens qu’elle isole un « sujet » face à un « objet » (l’acte) ; il faut plutôt parler de configuration morale qui enveloppe le sujet (avec son éducation, ses mœurs), l’objet (déjà qualifié comme moral ou non) et le monde social (les repères moralisés ou neutres, les forces présentes).

C’est cette mise en configuration de l’acte moral qui fait la force matérialiste de la pensée de Brecht.

Introduction par Yves Vargas, philosophe, membre du GEMR.

  • La société immorale de « Me Ti – livre des retournements » avec Francis Combes, philosophe, membre du GEMR.
  • Les « petits bourgeois » face à l’écroulement moral avec Magali Rigaill, philosophe, membre du GEMR.

Après-midi « autres regards », présentée par Stéphanie Loncle.

  • Qu’est-ce qui est le plus moral : créer une banque ou l’attaquer ? Relativisme moral et matérialisme historique chez Bertolt Brecht, avec François Coadou, professeur de philosophie à l’École Nationale Supérieur d’Art et de Design de Limoges.
  • L’ABC de la guerre, une lecture pour notre temps?, avec Romain Jobez, professeur d’Université en Arts du spectacle à l’Université de Caen Normandie.
  • Théâtre pour tous et personne. « Opportunisme » et pratique « réfractaire » dans le travail de Brecht après 1937, avec Nikolaus Muller Scholl, professeur en Théâtrologie à l’Université Goethe, de Frankfort.

Clôture par Stéphane Bonnéry.

Retrouvez les interventions dans le numéro 414 de La Pensée