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Séminaire de novembre 2013 à mai 2014

Sous les responsabilités de Patrick Coulon (Espaces Marx) et Guy Carassus (Fondation Gabriel Péri).

Présentation

Comme en résonance avec les rythmes qu’instaure le capitalisme financiarisé et globalisé, nous sommes sommés de nous en tenir au présent dont il faudrait « jouir sans entrave ». L’à venir ne peut-être qu’une perpétuation du présent contre toute utopie illusoire. Pas d’autres possibles. Pas d’avenir pour le futur.

Mais cette assignation à l’immédiat ne masque-t-elle pas une interdiction à penser l’avenir comme une altérité radicale au présent actuel ? Ne constitue-t-elle pas une entrave à tout engagement pour une transformation sociale ?

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Déjà Marx nous invitait à nourrir les révolutions du présent par la poésie de l’avenir : « La révolution sociale du XIXe siècle ne peut pas tirer sa poésie du passé, mais seulement de l’avenir. (…) La révolution du XIXe siècle doit laisser les morts enterrer leurs morts pour réaliser son propre objet. Autrefois, la phraséologie dépassait le contenu, maintenant c’est le contenu qui déborde la phraséologie. » (Le dix-huit Brumaire, Karl Marx)

Les anticipations marxiennes qui prennent pour perspective le « libre développement humain », constituées à partir d’une extrapolation de tendances et de possibles contradictoires repérés à l’intérieur même du mouvement du capitalisme, ont joué le rôle d’une utopie concrète. Et aujourd’hui, n’est-ce pas ce « libre développement » qui doit être à l’ordre du jour pour assurer un devenir émancipé de nos sociétés ?

Jacques Derrida évoquait quant à lui une « messianicité sans messianisme » comme immanente à l’expérience et nécessaire à l’action humaine. Voici ce qu’il écrivait à ce propos : « La messianicité (que je tiens pour une structure universelle de l’expérience et qui ne se réduit à aucun messianisme religieux) est tout sauf utopique : elle est, dans tout ici maintenant, la référence à la venue de l’évènement le plus concret et le plus réel, c’est-à-dire à l’altérité la plus irréductiblement hétérogène. Rien n’est plus « réaliste » et plus « immédiat » que cette appréhension messianique tendue vers l’évènement de (ce) qui vient. (…) cette exposition à l’évènement qui peut arriver ou ne pas arriver (condition de l’altérité absolue) est inséparable d’une promesse et d’une injonction qui commandent de s’engager sans attendre, interdisent en vérité de s’en abstenir. » (Marx and Sons, Jacques Derrida)

C’est dans cet esprit que nous proposons de construire un nouveau séminaire dont l’axe s’énonce ainsi : « De quoi demain sera-t-il fait ? ».

Avec ce séminaire, nous voulons ouvrir des pistes de réflexion et de dialogue sur cette interrogation, nous voulons apporter notre contribution au travail d’élaboration d’un nouvel imaginaire social propre à révolutionner la conscience du devenir humain. Deux pistes seront plus particulièrement explorées : l’articulation entre utopie concrète et pensée de la transformation sociale qui ouvre sur de nouvelles conceptions des sociétés humaines, celle de l’existence d’alternatives concrètes dans les expériences et les mouvements actuels.

Pour ce faire, nous voulons soumettre cette interrogation « De quoi demain sera-t-il fait ? » à la réflexion et à l’imagination d’intervenant(e)s auxquelles nous proposerons d’exprimer leur point de vue et d’animer des échanges avec toutes celles et de tous ceux qui veulent participer à ce chantier titanesque de la construction d’une nouvelle espérance, moteur d’un engagement présent.

Avec :

Jean-Paul Jouary (Le présent de l’espérance) ; Yvon Quiniou (L’ambition morale de la politique : vers le communisme) ; Isabelle Garo (L’art, ingrédient du capitalisme ou force d’émancipation ?) ;  Bernard Stiegler (Quelles alternatives à l’heure des technologies numériques ?) ; Philippe Corcuff (Repenser l’utopie aujourd’hui : émancipation individuelle et émancipation collective) ; Michaël Löwy (Écosocialisme) ; Roland Gori (Penser et désirer un avenir autre) ; Arno Münster (Les concepts d’utopie concrète, de conscience anticipante et de praxis chez Ernst Bloch) ; Jean Sève (Un futur présent) ; Michèle Riot-Sarcey (Actualiser le passé oublié afin de repenser le devenir démocratique); Yves Schwartz (Où se trouvent les réserves d’alternative ? Travail et projets–héritages).

Séances

Le présent de l’espérance (14 novembre 2013). Avec Jean-Paul Jouary

Intervention de Jean-Paul Jouary à télécharger

Chacun sait que sans espérance collective jamais un peuple ne trouvera la force ni de se défendre contre les diverses formes de domination, ni de conquérir de nouvelles libertés. L’espérance collective a pu s’enraciner dans des idéaux divers, religieux ou non, dans des modèles plus ou moins conceptualisés, dans des représentations plus ou moins pertinentes de telle ou telle réalité étrangère érigée en modèle, dans des « programmes » politiques déjà élaborés. Depuis toujours, les espérances collectives ont ainsi tiré l’essentiel de leur force d’un ailleurs ou d’un futur. Du coup, c’est la présence et le présent qui se sont trouvés subordonnés à ces réalités et temporalités extérieures à l’actuel, avec des déconvenues plus ou moins cruelles, lesquelles laissent aujourd’hui un vide apparent aux terribles conséquences sociales. En même temps, l’actuel souci de placer l’individualité et l’action locale au cœur de tout, contre toutes les formes organisationnelles et institutionnelles de la politique, peut annoncer une rupture prometteuse : la fin de l’espérance comme dépossession et l’émergence d’une espérance en soi. Peut-être ce que certains vivent comme une dépolitisation est-elle sur le fond l’essence même du politique tel que Marx s’efforçait de le penser ?

Jean-Paul Jouary est philosophe et essayiste, auteur de nombreux ouvrages et essais philosophiques dont l’un des derniers s’intitule « Diderot, la vie sans Dieu. Introduction à sa philosophie matérialiste.

L’ambition morale de la politique : vers le communisme (12 décembre 2013). Avec Yvon Quiniou

Intervention d’Yvon Quiniou à télécharger

Nous connaissons objectivement une espèce de désert moral qui se traduit, à l’échelle mondiale, par la domination effrénée d’un capitalisme qui bafoue au quotidien les valeurs humaines que la morale nous impose. Et cela dans le silence cynique des élites médiatiques, « socialistes » comprises : quand la morale est invoquée, elle est censée ne s’intéresser qu’à la bulle des rapports inter-individuels, la politique n’étant concernée qu’à la marge, et elle ne doit pas intervenir dans l’organisation capitaliste de l’économie. Il y a bien parfois un réveil du sens moral en politique, dont le mouvement des Indignés et quelques ouvrages, ici ou là, ont été le signe. Mais il reste minoritaire.

Il s’agit donc pour moi de rappeler que la morale est indissociable de la politique, comme le pensait déjà Rousseau, à condition de la distinguer conceptuellement de l’éthique : celle-ci n’engage que les normes de la vie individuelle et une politique morale n’a pas à s’en mêler sous peine de devenir totalitaire ; celle-là définit les normes universelles et obligatoires du vivre-ensemble, lesquelles, bien comprises, nous entraînent à condamner les rapports de domination (politique), d’oppression (sociale) et d’exploitation (économique) – voire l’aliénation individuelle. C’est dire qu’elle nous offre pour demain l’horizon du communisme tel que Marx nous l’a proposé (sans être au clair avec la morale), sous la forme d’une exigence qui ne se réalisera pas automatiquement par le seul jeu des « lois de l’histoire ». La morale a un rôle essentiel à jouer pour nous en faire prendre conscience subjectivement et contribuer à l’accomplir.

Yvon Quiniou est philosophe et a publié de nombreux ouvrages sur le matérialisme, la morale et la politique. Membre des rédactions d’Actuel Marx et de La Pensée, il ne sépare pas son travail intellectuel d’un engagement dans le débat public à travers ses interventions dans les médias (L’HumanitéLe Monde, etc.). Depuis longtemps, il milite pour un communisme inspiré de Marx qui reste totalement à inventer.

L’art, ingrédient du capitalisme ou force d’émancipation ? (19 décembre 2013). Avec Isabelle Garo

Intervention d’Isabelle Garo à télécharger

On a longtemps considéré que le marxisme était porteur d’une esthétique voire de deux : une théorie de l’art, dont Marx aurait posé les premières pierres, et des règles de production des œuvres, dont le réalisme socialiste serait le produit le plus calamiteux, heureusement révolu. Mais à lire Marx, on n’y rencontre aucune esthétique. On y croise en revanche une réflexion jamais systématisée, toujours en chantier, qui confronte l’activité artistique aux autres activités sociales. Selon cet angle original, c’est la capacité de l’artiste à échapper à l’aliénation commune qui intéresse Marx. Mais sa liberté n’est que partielle et locale. Si la figure de l’artiste peut offrir, jusqu’à un certain point, sa préfiguration au communisme et à l’émancipation des individus, elle ne saurait lui fournir les moyens de sa réalisation.

Aujourd’hui, les activités artistiques semblent plus que jamais intégrées à un capitalisme en crise, qui y cherche des occasions de profit. Mais elles ne sont pas intégralement asservies pour autant. Reprendre et prolonger l’analyse de Marx en son temps permet de souligner les contradictions qui se développent dans ce secteur de la vie sociale, qui recèle aussi des potentialités critiques sans précédent. Mais à certaines conditions. C’est en ce point que la question de l’art retrouve sous nos yeux ses enjeux politiques et renouvelle aussi bien la vieille question de l’engagement que celles des moyens et des fins de l’abolition du capitalisme.

Isabelle Garo est philosophe et enseignante. Elle préside la Grande Édition de Marx et d’Engels en français (GEME). Elle co-anime le séminaire « Marx au XXIe siècle : l’esprit et la lettre ». Elle a publié plusieurs ouvrages dont le dernier s’intitule L’or des images – Art, monnaie, capital aux Éditions La ville brûle.

Quelles alternatives à l’heure des technologies numériques ? (21 janvier 2014) Avec Bernard Stiegler

B. Stiegler, Le temps des automates, à télécharger

L’automatisation va franchir dans les années qui viennent un seuil quantitatif et qualitatif qui va finir d’abattre le modèle consumériste – c’est à dire fordo-keynésien : fondé sur la redistribution partielle des gains de productivité sous forme de pouvoir d’achat – tout en transformant très en profondeur les modes de vie, les relations humaines et la nature même des savoirs. Cette intervention tentera de préciser les termes des alternatives qui s’ouvrent dans cette métamorphose qui nécessite de repenser de fond en comble les relations sociales et les temporalités pour inventer une nouvelle rationalité économique et un nouveau contrat social.

Bernard Stiegler, philosophe, est président de l’association Ars Industrialis, directeur de l’Institut de Recherche et d’Innovation du Centre Georges Pompidou, professeur dans des universités anglaise, allemande et suisse. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont : Pour en finir avec la mécroissance – Quelques propositions d’Ars Industrialis (2009), Pour une nouvelle critique de l’économie politique (2009), Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. De la pharmacologie(2012), Pharmacologie du front national (2013), De la misère symbolique (2013).

Repenser l’utopie aujourd’hui, entre l’individuel et le collectif (23 janvier 2014). Avec Philippe Corcuff

Intervention de Philippe Corcuff à télécharger

I – Pistes pragmatiques pour repenser le cadre conceptuel et méthodologique de l’utopie 1) L’utopie réintégrée dans l’espace des expériences : le couple réalité/monde chez Luc Boltanski 2) Le dialogue de l’utopie et du pragmatisme : relire Thomas More autrement II – Pistes pour repenser le contenu actuel de l’utopie : le cas de l’individuel et du collectif 1) La tension individualité/justice sociale : en partant d’Emmanuel Levinas 2) Des conditions sociales du bricolage de soi : un va-et-vient entre Marx et Michel Foucault

Philippe Corcuff est maître de conférence de science politique à l’Institut d’Études Politiques de Lyon, membre du Conseil Scientifique de l’association altermondialiste Attac, cofondateur de l’Université Populaire de Lyon et de l’Université Critique et Citoyenne de Nîmes, militant de la Fédération Anarchiste. Il a récemment publié : Où est passée la critique sociale ? Penser le global au croisement des savoirs (La Découverte, 2012), Marx XXIe siècle. Textes commentés (Textuel, 2012), La gauche est-elle en état de mort cérébrale ? (Textuel, 2012) et Polars, philosophie et critique sociale (Textuel, 2013).

Écosocialisme (3 février 2014). Avec Michael Löwy

L’écosocialisme est un courant politique fondé sur une constatation essentielle : la sauvegarde des équilibres écologiques de la planète, la préservation d’un environnement favorable aux espèces vivantes – y compris la nôtre – est incompatible avec la logique expansive et destructrice du système capitaliste. La poursuite de la « croissance » sous l’égide du capital nous conduit, à brève échéance – les prochaines décennies – à une catastrophe sans précédent dans l’histoire de l’humanité : le réchauffement global.

La prémisse centrale de l’écosocialisme, implicite dans le choix même de ce terme, est qu’un socialisme non écologique est une impasse, et une écologie non-socialiste est incapable de confronter les enjeux actuels. L’écosocialisme est donc une proposition radicale qui vise non seulement à une transformation des rapports de production, de l’appareil productif et des modèles de consommation dominants, mais à créer un nouveau paradigme de civilisation, en rupture avec les fondements de la civilisation capitaliste/industrielle occidentale moderne.

Michael Löwy, sociologue franco-brésilien. Directeur de recherche (émérite) au CNRS. Coauteur, avec Joël Kovel, du Manifeste Écosocialiste International (2001). Auteur de dix-huit livres parus en vingt-neuf langues dont : Walter Benjamin. Avertissement d’incendie. Une lecture des thèses “Sur le concept d’histoire”, Paris, Presses Universitaires de France, 2001 ; Franz Kafka, rêveur insoumis, Paris, Stock, 2004 ; Esprits de feu. Figures du romantisme anti-capitaliste (avec Robert Sayre), Paris, Ed. du Sandre, 2010 et Écosocialisme. Une alternative radicale au désastre écologique capitaliste, Paris, Fayard.

Penser et désirer un avenir autre (6 mars 2014). Avec Roland Gori

Dans ses derniers ouvrages et de diverses façon, Roland Gori aborde de multiples questions qui intéressent le séminaire « De quoi demain sera-t-il fait ? »

En premier lieu avec tout ce que fait surgir sa réflexion sur l’action de penser comme un mouvement -contrarié voire confisqué dans le monde actuel- de construction de soi et du monde tourné vers un devenir. Penser nous fait-il entendre, c’est d’abord penser librement avec les autres ce que nous voulons devenir ensemble à partir de valeurs et de critères qui donnent sens à notre humanité. Penser, est pour lui la condition de la construction jamais achevée de notre humanité.

En second lieu, il y a dans ses écrits la critique de cette prégnance et de cette omniprésence des techniques d’évaluations dans l’ensemble du champ socioéconomique, formulées à partir d’indicateurs qui pointent vers les objectifs du libéralisme et qui nous tournent vers la mimésis du passé, vers la conservation de l’ordre existant. Il est du plus grand intérêt de comprendre avec lui comment fonctionne cette prédétermination de l’avenir dans des normes qui vont tendre à façonner les pensées et les comportements présents pour assurer la reproduction d’un système. Et peut-être à quelles conditions l’évaluation peut devenir un support ouvert sur un devenir autre.

En dernier lieu, son intelligence du psychisme humain permet de repérer les liens qui s’établissent entre désir et avenir, le désir comme force qui nous pousse à inventer, à sortir des normes conformistes et sidérantes pour que de nouvelles sources alimentent le désir d’une autre vie.

Roland Gori est Professeur émérite de Psychopathologie clinique à l’Université d’Aix Marseille et Psychanalyste membre d’Espace analytique. Il a été avec Stefan Chedri l’initiateur de l’Appel des appels dont il est l’actuel Président (www.appeldesappels.org). Il a publié de nombreux ouvrages dont les plus récents sont Faut il renoncer à la liberté pour être heureux ? (2014), La fabrique des imposteurs (2013), La dignité de penser (2011) et De quoi la psychanalyse est-elle le nom ? (2010).

Utopie concrète, conscience anticipante et praxis dans la pensée d’Ernst Bloch (11 mars 2014). Avec Arno Münster

Intervention d’Arno Münster à télécharger

La philosophie humaniste, utopique et révolutionnaire d’Ernst Bloch (1885-1977), l’auteur de la trilogie Le Principe Espérance (1959, tr. fr. 1976-1991), s’efforce de corriger les conceptions d’un matérialisme vulgaire et d’un marxisme-léninisme dogmatisé, en tentant de combler le déficit utopique d’une théorie critique focalisée exclusivement sur la critique de l’économie politique et qui est devenu, à l’Est, sous la férule de Staline, la théorie de légitimation d’un socialisme bureaucratique et autoritaire.

L’utopie, le principal concept de cette philosophie, n’est plus considérée comme une rêverie abstraite ou comme l’esquisse imaginaire d’un État idéal du futur où règnerait la justice et l’égalité entre les hommes, mais est désormais définie comme principe organisateur d’une praxis de l’« utopie concrète », dans le cadre d’une philosophie de la praxis s’efforçant de faire une synthèse, via la médiation de la catégorie « possibilité », des « images de souhait » de la « conscience anticipante » et du « pré-apparaître utopique » avec la volonté de transformation du monde vers le meilleur, dans la perspective des enseignements des 11 Thèses de Marx sur Feuerbach.

Ainsi Ernst Bloch tentera non seulement de redéfinir le marxisme comme « morale », mais aussi comme « science de l’avenir » du réel, c’est-à-dire comme une science orientée vers la perception et le préapparaître du non-encore-devenu et vers l’extériorisation des potentialités utopiques immanentes à l’être.

Arno Münster, philosophe franco-allemand, né en 1942, est maître de conférences honoraire de philosophie à l’Université de Picardie Jules Verne (Amiens). Il est l’auteur d’une trentaine de livres consacrés principalement à la pensée allemande moderne et contemporaine, dont une biographie d’Ernst Bloch (L’utopie concrète d’Ernst Bloch. Une biographie) publiée, en 2001, aux éditions Kimé, traduite en allemand et en italien. Son livre Figures de l’utopie dans la pensée d’Ernst Bloch(Aubier, Paris, 1985), vient d’être réédité (augmenté d’une nouvelle préface) en 2009 chez Hermann.

Bibliographie :
Ernst Bloch, Le Principe Espérance, trad. de l’allemand par Françoise Wuilmart, t. I-III, Gallimard, Paris, 1976, 1981,1990.
Ernst Bloch, L’Esprit de l’Utopie, trad. fr. Anne-Marie Lang, Gallimard, Paris, 1977.
Ernst Bloch, Sujet-Objet. Eclaircissements sur Hegel, trad. fr. Maurice de Gandillac, Gallimard, Paris, 1981.
Ernst Bloch, Thomas Müntzer – théologien de la révolution, Julliard, Paris, 1968.
Ernst Bloch, « Du rêve à l’utopie » – Entretiens philosophiques. Textes recueillis, traduits, présentés et annotés par Arno Münster, Hermann, Paris, 2014

Où se trouvent les réserves d’alternative ? Travail et projets–héritages (2 avril 2014). Avec Yves Schwartz

Intervention d’Yves Schwartz à télécharger

Comment penser un « autre » ? Un vivre autrement. Peut-on penser un « autre » qui ne s’enracine pas dans ce que nous sommes aujourd’hui ? Mais qui et que sommes-nous aujourd’hui ? Peut-on y répondre sans nous instruire de ce qui se révèle de nous dans nos activités de travail ?

On s’interrogera d’abord tant sur l’extension de ce « nous » que nous cherchons à découvrir que sur les difficultés et pièges liés au mot « travail ». Et à travers les questions que nous pose ce concept, on sera conduit à réévaluer ce qui se joue en nous du travail, comme « activité », en un sens anthropologique.

Le travail étant redéfini comme succession et enchâssement de débats de normes que ne peuvent trancher que des préférences, on est conduit à inscrire, même au cœur de l’univers marchand et son apparente domination par des valeurs économiques quantitatives, ce qu’on appellera des « valeurs sans dimension ». Les essais permanents de « renormalisation » des normes antécédentes encadrées par ces valeurs économiques sont autant de réserves d’alternatives, de recréations plus ou moins collectives d’un possible monde commun. Monde commun qui peut rester dans l’invisible ou grandir sous l’effet d’un vrai militantisme de la mise en visibilité. Des « projets-héritages » sont donc en suspens dans toutes les activités industrieuses, des « utopies » concrètes qu’il faut mettre en débat, pour rééquilibrer le rapport entre valeurs marchandes et valeurs sans dimensions.

Sans doute aujourd’hui, à travers une économie mondialisée et financiarisée, la convergence de ces projets héritages n’a rien de simple ni d’évident. Mais quelque alternative que ce soit, qui serait  en surplomb de ce qui se joue dans ces renormalisations  a encore moins de chance de dessiner une autre manière de nous autogouverner. Dans une nécessaire dialectique entre la mise en débat en micro des réserves d’alternatives  et des hypothèses de gouvernance globale de la société humaine, se travaille ce qu’on a appelé depuis des années un « humanisme énigmatique ».

*

Yves Schwartz est agrégé de Philosophie, docteur d’Etat, professeur émérite de philosophie d’Aix-Marseille Université, directeur scientifique de l’Institut d’ergologie, membre senior de l’Institut Universitaire de France (1993-2003), président de la Société internationale d’Ergologie. Depuis trente cinq ans, il a développé des recherches et travaux d’abord autour de l’histoire des sciences et des techniques puis autour du champ du travail. Il a initié des dispositifs innovants de formation, associant autour de ces questions universitaires et protagonistes du monde du travail, notamment venus du mouvement social.

Il a notamment publié :

– Expérience et Connaissance du Travail, Messidor-Editions Sociales, 1988, réédité en 2012 aux Editions Sociales.

Travail et Philosophie, Convocations mutuelles, Octarès Editions, 1992.

Reconnaissance du Travail, pour une approche ergologique (sous-direction), P.U.F 1997.

Le Paradigme ergologique ou un métier de philosophe, Octarès éditions, 2000

et deux ouvrages collectifs, co-dirigés avec Louis Durrive, et publiés aux Editions Octarès : Travail et ergologie, entretiens sur l’activité humaine I (2003) et L’activité en Dialogues, entretiens sur l’activité humaine II, 2009.

Quelle analyse de la crise et quels possibles pour demain ? (29 avril 2014) Avec Jean Sève

Intervention de Jean Sève à télécharger

Notre futur immédiat est en grande partie déjà contraint. Par quoi ? Par une triple crise libérale (crise financière et idéologique), systémique (crise d’un mode de production) et civilisationnelle dont les présupposés négatifs sont en grande partie déjà-là.

Si la première est bien au cœur des analyses d’une partie de la gauche, la seconde n’est que trop rarement prise au sérieux alors que la troisième n’est jamais mise en avant, sinon indirectement.

Au terme de cette triple crise il n’y a que deux issues : la lente dérive vers une néo-dictature en partie déjà-là d’un capitalisme qui n’a plus rien à nous offrir de neuf ou la construction du post capitalisme. Or ce dernier s’objective sous de multiples formes (futurs présents) préfigurant des rapports radicalement nouveaux et constituant autant de points d’appuis. Toute approche réformiste de la situation présente nous conduirait dans une dramatique impasse.

Jean Sève est agrégé d’histoire et enseigne au lycée de Sarlat.
Il a publié un premier essai en 2005, Un futur présent, l’après-capitalisme . Un second doit paraître dans l’année sous le titre –provisoire- « Trois crises, deux issues, un impératif » dont la problématique centrale est celle des contradictions en œuvre dans la formation capitaliste actuelle et des possibles qu’elles génèrent.

Actualiser le passé oublié afin de repenser le devenir démocratique (13 mais 2014). Avec Michèle Riot-Sarcey

En ces temps de fermeture de l’horizon des possibles, il semble  paradoxal de vouloir se tourner vers le passé. Et pourtant, la nécessité s’impose si nous voulons comprendre l’impasse dans laquelle nos contemporains sont plongés ; entièrement centrés sur le présent, les militants, y compris, semblent démunis face au besoin urgent d’utopie  au sens réel du terme (j’ai écrit un livre qui s’intitule le Réel de l’utopie). Or sans recours au passé, il est vain, de mon point de vue, d’envisager l’avenir.

Nous nous proposons  de chercher à comprendre comment nous en sommes arrivé là : le passé a si longtemps servi à légitimer la société de demain, qu’on s’interroge : quel passé a été mobilisé ? Celui des mouvements politiques qui sans cesse ont reconstruit, à leur mesure, une histoire sélective ? Ou celui des vaincus dont on a oublié jusqu’au sens du combat de l’émancipation ? Des fragments de l’histoire incomprise nous servirons de guide et au-delà de toute continuité historique, à la manière de Walter Benjamin, nous essaierons de retrouver l’actualité d’un passé enfoui sous les décombres de la philosophie du progrès et de l’histoire téléologique”.

Michèle Riot-Sarcey est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-VIII-Saint-Denis. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur l’histoire politique du XIXe siècle, sur les utopies (Le Réel de l’utopie), sur le féminisme (Histoire du féminisme) et sur la question du genre (De la différence des sexes. Le genre en histoire). Ses travaux de recherche porte sur les questions « Pouvoirs, savoirs, sociétés ».